Mercredi 17 août 2011 Par Roody Edmé *
Spécial pour AlterPresse
Un vent de fanatisme religieux a semblé souffler sur le pays ces derniers jours.
Il faut rappeler que, par le passé, la communauté vaudou a souffert, de manière sporadique mais violente, de ces poussées d’intolérance.
Le saccage de la cathédrale du Cap-Haïtien, à cause du « prestige » dont jouit le catholicisme romain au sein de nos élites, a donné froid dans le dos à plus d’un, est venu attirer l’attention de tous sur un fait de société qui, telle une méduse, nous guette à chaque carrefour « danjere » de notre Histoire tumultueuse.
Depuis quelque temps, que nous parlons de crise des valeurs, il est venu le moment d’une réaction à la hauteur de cette chute apparemment insondable. Il est venu le temps de l’état d’urgence « civique ».
Une réaction saine de la société et de l’Etat, en vue de renouer avec nos fondamentaux culturels, et cultiver les valeurs universelles de tolérance et du vivre ensemble.
Mais qui prendra la tête de cette « croisade » pour la bonne cause ? Un point de départ imminent à la question tant rabâchée de la refondation ?
Pour que l’être haïtien puisse se refonder, il faut le préserver du néant de l’individualisme forcené, de l’intolérance rampante et de l’égoïsme vulgaire du « gate manje ».
Une question qui est venue hanter mon esprit encore plus, avec la disparition du penseur Haïtien de l’éthique et de la solidarité que fut Jean-Claude Bajeux.
Chaque fois que nous mettons en terre une de ces « Femmes debout à la barre, debout sous les étoiles » ou un de ces « Hommes debout à la barre, debout sous les étoiles », pour reprendre Yanick Lahens, il faut veiller à ce que le grain ne meure. Ce grain, que notre terre a besoin de faire fructifier pour offrir un espace de vie conviviale à ces millions de citoyennes et citoyens de fait, qui attendent de l’être dans toute l’acception du terme.
Il existe, chez nous, un fossé intergénérationnel à combler progressivement.
La pensée haïtienne, de Anténor Firmin à Jean-Price Mars, de Jacques Roumain à Jean-Claude Bajeux, en passant par Laennec Hurbon, n’est connue que d’une poignée de privilégiés.
Une démarche pédagogique novatrice, à côté de la gratuité de l’école républicaine, serait d’ouvrir largement les portes et fenêtres de nos écoles et universités pour faire entrer les penseuses et penseurs haïtiens vivants ou disparus, d’ici ou de notre riche diaspora.
Aucun pays ne peut penser son développement avec un simple racolage de slogans politiques, ou avec des conflits personnels, déguisés, pour les besoins de la cause, en enjeux nationaux.
Il est venu le temps d’ouvrir les colonnes de nos journaux et les micros de nos radios aux questions essentielles, et de ne pas réduire nos aspirations profondes de peuple à la « gaguère » politicienne de ses représentants.
A certains de nos politiques, qui portent cette lourde responsabilité de veiller sur la paix dans la Cité. A celles-là et ceux-là dont, précisément, le livre de chevet semble être « le Prince de Machiavel ».
Il faudrait, modestement, rappeler que celui-ci n’expose pas essentiellement une théorie politique « machiavélique », selon laquelle il faut tout sacrifier à la réussite par tous les moyens. Il contient aussi l’idée que l’histoire des femmes et des hommes n’est pas pure fatalité et qu’à certaines conditions, de grandes femmes et de grands hommes parviennent à construire des formes politiques qui sont nécessaires pour vivre, non comme des brutes, mais en paix.
Un grand mouvement civique, en rupture avec le poids de l’histoire, nourri par la pensée visionnaire de certaines de nos intellectuelles et de certains de nos intellectuels « organiques », enraciné dans nos écoles et universités, donnerait cette impulsion nécessaire au démarrage tant souhaité, mais toujours raté.
Pour transformer un État moribond, et avoir enfin des partis politiques dignes de ce nom, il faut une masse critique du changement, qui soit populaire et démocratique, éclairée et progressiste, qui divorcerait avec la politique du chien crevé au fil de l’eau et de « démocratie du lendemain ».
Sur le plan religieux, il se dessine une initiative grosse d’espérance, celle du haut conseil des religieux pour la paix, regroupant toutes les confessions religieuses : vaudou, catholique, protestante, musulmane. Dans une condamnation unanime des incidents du Cap-Haïtien, mais aussi pour une campagne massive de citoyenneté responsable.
Avec cette initiative, Haïti est en avance dans un monde trop souvent déchiré par de puissants malentendus religieux. C’est un fait de civilisation à ne pas prendre à la légère, à soutenir pour qu’elle ne se perde pas dans le feu d’artifice des initiatives sans suite.
Ce qui existe aujourd’hui, c’est un État virtuel, des regroupements politiques spontanés, des élites balkanisées, quelques chapelles politiques qui résistent à toute idée de mouvement organisé. Les lieux de savoirs, censés produire les lumières, sont eux-mêmes assiégés par les travers qu’ils sont censés combattre.
Des initiatives comme celles mentionnées plus haut, si elles dépassent les feux de la rampe de la simple conférence de presse, peuvent devenir un puissant mouvement fédérateur, en écho avec les pulsions revendicatrices de notre peuple qui, comme des coups de bélier, tambourinent aux portes de l’Histoire de ce nouveau siècle.
* Éducateur, éditorialiste
http://www.alterpresse.org/spip.php?article11401
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
mercredi 17 août 2011
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