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vendredi 5 octobre 2007

De la légalité des primes accordées à des juges
Par Me Michel-Ange Bontemps
mbontemps2005@yahoo.fr
Les informations selon lesquelles l’Unité centrale de renseignements financiers (Ucref) attribuerait des primes à des magistrats de la République continuent, une semaine après, d’alimenter les débats sur l’indépendance de la justice et le champ de compétence de cette unité. Les opinions émises vont, pour la plupart, dans le sens d’une opposition formelle à la démarche de l’Ucref. Toujours est-il cependant que le sujet revêt une dimension essentiellement juridique.

Et, dans cette perspective, il convient de se poser les questions suivantes : qu’est-ce qu’on entend juridiquement par la notion de prime ? Quelles sont les modalités de l’octroi de la prime ? Quelle loi régit l’Ucref ? Quelles sont les attributions de cette entité ?
Le vocable « prime » recouvre plusieurs acceptions. Il dérive du latin praemium (Dictionnaire de la langue française-Larousse) et désigne fondamentalement une récompense accordée à une personne. C’est une faveur que l’on fait à quelqu’un en reconnaissance d’un service ou d’une bonne action. On soulignerait que ce terme est également familier à la science du droit. Dans le domaine des sciences juridiques, la prime renvoie à trois connotations distinctes.

Le droit des assurances qualifie de prime une somme versée par l’assuré en échange de la prise en charge par l’assureur d’un risque prévu au contrat.
En matière de travail, la prime s’entend une somme consentie par l’employeur au profit du salarié en sus du salaire normal, soit à titre de remboursement de frais, soit pour encourager la productivité, par considération de certaines difficultés particulières du travail, ou pour récompenser l’ancienneté.
En dernier lieu, le droit commercial reconnaît une vente de prestation de services à l’occasion de laquelle est remise gratuitement au client une prime consistant elle-même en marchandises ou en prestation de service. C’est la vente à prime. Donc, la notion de prime suppose l’idée d’une prestation consentie en nature ou en espèces. Mentionnons également que les considérations sus-invoquées s’inscrivent dans le cadre du droit privé, c’est-à-dire un ensemble de règles réglementant les rapports entre les particuliers.
Pour ce qu’il s’agit du droit public qui définit les rapports entre la puissance publique et les particuliers, quelles sont les modalités qui conditionnent l’octroi de la prime ?
À ce sujet, intervient l’article 220 de la Constitution qui stipule : « Aucune pension, aucune gratification, aucune allocation, aucune subvention, à la charge du Trésor public, ne peut être accordée qu’en vertu d’une loi. Les pensions versées par l’État sont indexées sur le coût de la vie ». Cet article consacre le principe de la légalité des charges relevant du Trésor public.
Dans le cas de l’Ucref, qu’en est-il ?
L’Unité centrale de renseignements financiers (Ucref) a été créée par la loi du 12 novembre 2001 relative au blanchiment des avoirs provenant de la drogue et d’autres infractions graves. Aux termes de l’article 3.1.1 de cette loi, « l’Ucref est chargée de recevoir, d’analyser et de traiter les déclarations auxquelles sont tenues les personnes et organismes visés à l’article 2.1.1 (…) ».
Étant une institution publique, elle dispose d’un budget prévu à la loi budgétaire (article 6.2.5 de la Charte). Il appert que la loi créant l’Ucref ne lui confère pas la prérogative de gratifier qui que ce soit. En outre, son budget relève de la loi budgétaire. Ce qui revient à dire que l’utilisation dudit budget tombe sous le coup de l’article 220 de la loi mère haïtienne.
En conclusion, le respect des normes établies est une caractéristique fondamentale de l’État de droit. Les institutions publiques, notamment l’Ucref, doit s’évertuer à l’application stricte de la loi, donc d’envisager l’aspect légal avant l’adoption de toute mesure. Cependant, ne connaissant pas véritablement les motifs d’une telle décision, il revient à l’Ucref d’en fournir de plus amples informations.

Jeudi 4 octobre 2007
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=8900

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