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lundi 17 septembre 2007

CITÉ SOLEIL / LOGEMENTS SOCIAUX / Des maisons contre des taudis à « Ti-Ayiti »

À Cité Soleil, hier jeudi, les clés d’une trentaine de maisons ont été remises à des citoyens dans le cadre d’un projet initié par Food for the Poor et la mairie de cette commune. Bleues, roses, jaunes, ces maisons de deux pièces, ne faisant pas plus de 15 m2, sans cuisine, ni toilette, ni douche, ont malgré tout, changé le décor de Ti-Ayiti, ce quartier jadis dangereux.
Construites au sud-ouest de la cité, la trentaine de maisons se juxtaposent aux taudis qui pullulent dans le plus grand bidonville du pays. Les bénéficiaires des nouvelles maisons s’en réjouissent. Pour eux, il s’agit d’un beau geste, d’un grand pas qui soulage leur misère. Mais les mal lotis en sont jaloux et s’en offusquent: « On nous a mis à l’écart. On a oublié que nous aussi nous vivons dans la crasse et que nous avons des droits ».
Dix ans dans un taudisLà-bas, à mesure que l’on s’enfonce dans les corridors et que l’on s’approche du bord de mer, on observe une scène poignante : des enfants entièrement nus, des baraques branlantes construites à deux pas des décharges d’ordures. À proximité, des groupes de jeunes discutent, près d’un canal, dégageant une odeur fétide, de la récente victoire de la sélection brésilienne sur celle du Mexique. Les latrines communautaires ainsi que les espaces de jeux sont rares.
Du monde, il y en avait à proximité des nouvelles maisons. Le maire adjoint en avait ras-le-bol. Cela se lisait sur son visage et dans son accent. Certains réclamaient la leur. Tout en vociférant, d’autres exigeaient du travail, de l’électricité et de l’eau. D’autres encore se présentaient par curiosité. Une ambiance tendue.

Adeline, originaire de la Grand’Anse, a trente et un ans. Brisée par la misère, on dirait qu’elle a dix ans de plus. Mère de cinq enfants, dont des jumeaux, Adeline vit depuis dix ans dans un taudis ne faisant même pas 2 m2 à « Ti-Ayiti ». « Je n’ai pas le choix. J’ai acheté cette baraque à 4 000 gourdes en 1997. J’aurais aimé déménager, mais je n’ai pas les moyens. Mon conjoint non plus. Nous y habitons, en attendant la miséricorde de Dieu ! », explique Adeline avec une pointe de regret. Jackson habite également dans une baraque branlante depuis dix ans. Originaire de Moron, il répond à ses obligations familiales grâce au métier de « chargeur de tap-tap ». « Vous ne pouvez pas imaginer combien j’ai mal. Je suis là trop longtemps à souffrir dans ce taudis de merde avec mes deux enfants et ma femme ! », a-t-il confié.
Pour calmer la frustration de certains citoyens, Gustave Benoit, maire-adjoint de la cité, a indiqué qu’ « il y en aura pour tout le monde. Mais, pour le moment on est à la recherche d’autres bailleurs pour financer d’autres constructions ». Sans plus de détails sur le délai. Le coût aussi. Il joue la carte de la prudence et conclut qu’ « une mutuelle de logements a été mise en place par l’administration municipale pour mieux gérer la crise de logements dans la cité ».
Des pistes de solutionsLes résidents de divers quartiers de Cité Soleil et les Centres Développement et Santé (CDS) avaient présenté, le 26 juin 2005, à la population un plan qui avait l’ambition de sortir le plus grand bidonville de la capitale haïtienne du marasme socioéconomique. Selon les promoteurs du plan « Pacte Social de Cité Soleil », sa conception a été motivée par le désir de sortir le bidonville de sa réputation de quartier à haut risque pendant la période allant de 2001 aux deux premiers mois de l’année 2004.

Construite au début des années soixante sous l’appellation « Cité Simone », en l’honneur de la femme du dictateur François Duvalier, Cité Soleil devait accueillir un millier d’habitants. Selon les statistiques officielles, le bidonville compte environ 300 000 habitants aujourd’hui. La trentaine de maisons offerte ce jeudi est une goutte d’eau dans la mer. Il faudrait en construire des centaines, voire des milliers. En 2001, l’État haïtien s’était engagé à, entre autres, établir un plan d’aménagement du territoire ; déterminer les pôles de développement urbain en fonction de leurs potentialités ; réviser la législation foncière; construire des logements adéquats et abordables à toutes les classes de revenus ; travailler à inciter le secteur financier traditionnel et les institutions publiques de logement, les municipalités et les coopératives de microcrédit. Six ans après, les résultats ne sont pas évidents.
Si Cité Soleil, coincée entre la mer et la zone industrielle dite « Varreux », n’est plus le théâtre d’affrontements entre des gangs armés rivaux, il reste néanmoins un bidonville où la population continue de souffrir les affres de la misère.
Commentaires :
Ceux qui suivent de près l’évolution de la situation sociopolitique ont fait connaissance de ce quartier qui de bastion de Jean Bertrand Aristide était devenu le symbole de la misère, l’instabilité et de l’insécurité.
A un moment de la durée ont aurait cru qu’avec la disparition de Cité Soleil de la carte de Port-au-Prince et d’Haïti tous les problèmes du pays auraient été résolus.
Avec le contrôle et le démantèlement de nombreux gangs armés, présentés comme des seigneurs de la guerre, les observateurs avaient remarqué sans une certaine raison que les facteurs sociaux, responsables de l’émergence de cette insécurité ne cessaient pas d’exister avec l’arrestation des chefs de bandes.
Ici et là des voix se sont levées pour exiger une prise en charge rapide et sérieuse de ce quartier de Port-au-Prince. L’écho de ces voix ont su s’élever si haut et si loin que les cris de ceux qui croupissent dans d’autres quartiers d’autre régions du pays se sont perdues et dissolues dans la cacophonie des demandes fusant de toute part.

Malgré tout, il faut reconnaître que Cité Soleil jouit effectivement d’un certain privilège par rapport aux autres quartiers défavorisés.
Il faut juste souhaiter que les autorités et les organisations internationales dans la polarisation de leurs interventions n’incitent pas à la création d’autres cités soleil dans le but d’attirer l’attention sur les problèmes qui sont sans doute communs à tous les quartiers des pays pauvres.

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