Google

jeudi 26 avril 2012

QUAND LA PLUIE MET TABARRE EN COLERE

Haïti-Intempéries : Quand la pluie met Tabarre en colère
par Edner Fils Décime
P-au-P, 25 avril 2012 [AlterPresse] --- Les pluies qui se sont abattues sur la commune de Tabarre dans la soirée du 24 avril ont attisé la colère des résidents, qui ont totalement paralysé la circulation dans la zone de Tabarre 27 le 25 avril jusque vers dix heures du matin.
L’intervention de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation dHaiti (Minustah) et de la Police Nationale avec la complicité de la pluie a calmé ce mouvement de protestation.
Il n’est pas loin de 7 heures du matin. L’embouteillage habituel sur l’axe Carrefour Marassa / Carrefour Fleuriot n’est pas remarqué. Une fumée noire monte au niveau de la rue de l’Eglise. Deux chars de la Minustah sont perçus de loin, immobiles. Qu’est-ce qui se passe ? Les habitants de Tabarre 27 sont en colère.
De très tôt, les riverains ont érigé des barricades, encensé l’atmosphère de l’odeur âcre du caoutchouc, jonché la rue de grosses pierres, pour attirer l’attention des autorités compétentes sur les inondations des maisons de la zone après la forte pluie qui a jeté sa furie sur cette commune.
Des deux côtés de la rue, hommes, femmes et enfants, curieux, passants font la grogne, fustigent les autorités municipales et pointent du doigt l’ambassade des Etats-Unis, la base de la Minustah, les entreprises commerciales ayant construit sur les terres cultivables près du Parc historique de la canne à sucre, comme les responsables directes de leur malheur.
Aucun véhicule à moteur n’a le droit de franchir les barricades. Les motocyclistes tentant de se frayer un chemin entre les pierres et parpaings concassés reçoivent en échange une bonne décharge de pierres.
« Malfrats, vous ne pensez qu’à faire de l’argent au lieu de vous solidariser avec nous qui subissons la colère des eaux », leur lance une vieille dame en chemise de nuit et les pieds décorés de boue.
Les taxis motos ont quand même fait leur beurre en fixant la traversée de la nappe d’eau de Carrefour Fleuriot à 10 gourdes. « La bonne aubaine ! » dit l’un d’eux en se léchant la bouche.
Après des minutes d’hésitations deux chars de la Minustah décident de traverser les barricades. Un salve de jets de pierres les accueille. Aucune réaction des casques bleus. Quelques holà de la population calme les jeunes.
Plus tard, un camion du contingent brésilien sera obligé de rebrousser chemin. « Depuis onze ans, nous vivons cette situation. On fait des simulacres de résolution du problème. Nous n’en pouvons plus. Nous avons décidé de bloquer la route », explique Gorguette Siselair, coordonnateur du Groupement national pour le développement social (Gronds), bottes en caoutchouc aux pieds, sac au dos, les mains noircis par les flammes des barricades.
En effet, plusieurs familles sont obligées de se réfugier sur le toit de leur maison en aménageant un abri de fortune car les eaux ont envahi leur demeure. L’eau arrive jusqu’à la hauteur de 5 rangées d’un mur de 9 rangées de parpaings.
Là dans la maison de Fritzler Prophète, lits, réfrigérateur, chaises, flottent sur les eaux qui ont délogé les résidents.
« Depuis onze heures du soir nous sommes debout. Un bébé de dix mois n’a survécu que par miracle. Cette fois-ci je ne peux utiliser la pompe à essence pour évacuer l’eau », explique Prophète entre deux coups de rhum pour « avoir le courage de mener les revendications de la population jusqu’au bout », dit-il.
Un convoi de soldats brésiliens accompagnant deux camions de combustibles arrivent. Leur vue mettent les nerfs de la population à fleur de peau.
Un "dread" lance « Nous sommes décidés à mourir sous les balles des colons au lieu de débarrasser la route, car c’est nous, nos femmes et nos enfants qui sont sous les eaux depuis 1h du matin », pendant qu’un jeune, pieds nus, en sous-vêtements, approvisionne les barricades en caoutchouc.
Un soldat brésilien s’enquiert des revendications des riverains et négocie son passage avec Siselair Gorguette du Gronds.
Un camion bondé des agents de l’Unité départementale du Maintien de l’ordre (Udmo) arrive et commence à faire le ménage sur Tabarre 27. Quitte à saisir un riverain au collet et l’obliger à entrer dans l’opération. La Minustah s’y est mise aussi.
Peu de temps après, Le maire adjoint de Tabarre, Bernard Chassagne, se présente sur les lieux, mais il est chahuté par les riverains.
« Depuis 2003, la population subit cette situation. Nous avons entrepris plusieurs démarches auprès des ministères concernés pour la résoudre. J’ai été moi-même sur les lieux pour expliquer où on peut détourner le cours de l’eau vers la rivière grise. Les riverains de cette zone m’ont dit que je veux aider les bourgeois de Tabarre 27 à leur détriment », déplore le maire-adjoint.
La pluie recommence à tomber, les riverains ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils sont massés près de la rue, tristes, laissés à eux-mêmes. La circulation reprend, et les eaux noires (à cause des pneus enflammés) coulent lentement vers Fleuriot avec les revendications des riverains. [efd apr 25/04/2012 18:30]
http://www.alterpresse.org/spip.php?article12758

Aucun commentaire: