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vendredi 17 août 2007

Un mort, un rescapé et un décrié

Une femme enceinte meurt au cours d'une césarienne, le jeudi 9 août 2007. L'obstétricien est mis en examen par la justice. Cette nouvelle affaire dans le milieu médical met en lumière la nécessité de créer l'ordre des médecins

Comme tant d'autres femmes avant elle, Rose-Marie brûle d'envie de toucher l'enfant qu'elle porte dans son ventre. Originaire des Cayes, la jeune femme croyait pouvoir mettre au monde son bébé sans aucun souci. Suivie par un gynécologue obstétricien, sa grossesse se déroule normalement. A sept mois, ses pieds se sont mis à enfler. « Rien de plus normal », rassure le médecin, cité par un proche de la victime.

Mais, dans la soirée du mercredi 8 au jeudi 9 août 2007, la santé de Rose-Marie se détériore. Tombée dans les vapes à plusieurs reprises, elle respire difficilement. On craint le pire. Vers 4 heures du matin, on appelle son médecin. Ce dernier demande qu'on lui amène la patiente à 8 heures du matin. Arrivé au lieu du rendez-vous, on constate, qu'il n'était pas présent, poursuit le proche de Rose-Marie. Comme par hasard, on tombe sur lui dans les parages de sa clinique. Constatant la détérioration de l'état de santé de la patiente, il l'hospitalise en toute urgence dans une maternité de la capitale. Il pratique une césarienne. L'enfant, malgré tout, est sauvé. Il est placé en soins intensifs. La mère n'a pas eu de bol. Elle n'a pas survécu. Elle est morte.

Saisie du dossier, la justice ordonne une autopsie et confisque le passeport du médecin. Ce dernier nie lors de son audition dans cette affaire être le médecin de la jeune femme, selon notre source outrée par l'attitude affichée par ce disciple d'Hippocrate.
Confondu par les arguments lors de sa mise en examen, il se mure dans son silence. Modeste, les parents de Rose-Marie demandent que l'on transferre le cadavre de Rose-Marie aux Cayes pour y être inhumé, confie cet interlocuteur qui ne tient pas le médecin incriminé en haute estime. Sautant volontiers aux conclusions, il estime qu'il y a négligence. Mais plus encore, il se demande, inquisiteur, si le praticien n'a pas volontairement laissé détériorer l'état de santé de la jeune femme afin que l'on puisse déboucher sur une césarienne. Selon un gynécologue obstétricien requerrant l'anonymat, il serait sage d'attendre le dénouement de l'enquête avant de parler de négligence.
Reconnaissant en revanche l'existence de griefs contre certains médecins pratiquant des césariennes contre-indiquées, provoquées ou occasionnées, il prône, en toute urgence, la création de l'ordre ou du collège de médecins. Une structure, légalement et techniquement apte à enquêter, à analyser les plaintes portées contre des médecins pour fautes professionnelles ou toute autre chose contraire à l'éthique, poursuit-il.

Dans le contexte actuel marqué par des affaires qui déchaînent les passions, il est aussi souhaitable de lever le voile sur les difficultés de tous ordres liés à la pratique de la médecine en Haïti », conseille le spécialiste.«Des erreurs médicales sont commises partout ailleurs», a nuancé le médecin sans vouloir acculer, casser et détruire. On doit faire, dit-il, l'autocritique du système, de la formation jusqu'à la pratique.

D'ailleurs, les médecins, aux Etats-Unis, au Canada et ailleurs, sont couverts par des assurances, renforce un autre médecin, qui s'était confiné dans le silence tout au long de l'entretien. Concernant les suspicions contre des obstétriciens cupides qui pratiquent des césariennes contre-indiquées, provoquées ou occasionnées, il dit militer en faveur de l'instauration des barèmes des prestations.« On doit savoir », martèle-t-il tout en déplorant la passion souvent mal contenue qu'engendre le décès de femmes enceintes. La grossesse est un état délicat pour la femme, ajoute-t-il.
Dramatique, ce nouveau décès remet sous les feux des projecteurs les conditions de la pratique de la médecine en Haïti.

Roberson Alphonse

robersonalphonse@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=47404&PubDate=2007-08-17

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