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vendredi 17 août 2007

Ce 15 août à la cathédrale.. Les fêtes de l'assomption à Port-au-Prince

La messe solennelle dite en français et en latin avec des expressions créoles, ici et là, montre la position actuelle d'une Eglise qui semble vouloir faire le pont entre la tradition et la modernité. Conservatisme versus théologie de la libération ? On ne peut répondre facilement à une telle question. Des journalistes ont été un peu étonnés de voir le Premier ministre dire de mémoire et en latin le « Credo in unum Deum » durant la cérémonie de la Fête de l'Assomption.
Clin d'oeil du côté de la foi religieuse exprimée à l'égard de la « Mère du ciel » au milieu d'une capitale surpeuplée.
C'est en présence du Premier ministre Jacques-douard Alexis, du troisième sénateur de l'Ouest, Evelyne B. Chéron, et d'une nombreuse assistance que s'est déroulée, ce 15 août, dans une cathédrale repeinte en la circonstance, la messe de la Fête de Notre-ame de l'Assomption. Un grand nombre de fidèles venus de divers quartiers de la capitale ont assisté à cet événement religieux « pour se lamenter aux pieds de la Vierge ». Ils sont généralement issus de la classe moyenne et des couches défavorisées. C'est une population visiblement accablée qui prie avec ferveur et passion.

Mme Lafontant, une ancienne habituée de la cathédrale responsable d'une oeuvre de charité nommée « Enfants haïtiens, mon frère », instituée depuis 1969 par le père Jean-Claude Lespinasse, nous affirme que « les nantis ne viennent plus aux messes solennelles de la cathédrale. On y voit aujourd'hui des gens avec leurs sandales qui demandent de l'argent. C'est un peu désagréable comme atmosphère. On n'y peut rien ».

Mauvaise conscience d'une classe possédante qui n'a pas su gérer équitablement les biens nationaux en sa possession ? Effet de recul dans une conjoncture tumultueuse née à partir du concept de « l'Eglise des pauvres » ? La grande foule des « nouveaux fidèles de la Vierge » semble s'approprier ce grand espace de foi ardente sans se poser ces questions sociologiques. Les fastes de l'événement religieux n'ont pas pu cacher le constat du malaise social qui touche aussi les institutions religieuses.

UN AUTRE MIRACLE

Maryse Etienne qui habite Carrefour précise qu'elle est venue « à la cathédrale pour demander à Marie de lui donner le courage pour affronter la vie difficile qu'elle trimbale sur ses épaules ». Marie-Claude Sainvil, habitant une maisonnette sur les mornes déboisés de Canapé-Vert, souligne, les larmes aux yeux:« Je n'en peux plus avec le chômage depuis la maladie qui a emporté mon mari. »Il y a aussi des Haïtiens venus des grands Etats nord-américains, New York ou Floride, qui viennent à la cathédrale « en vue de prier pour Haïti et délivrer le pays des chaînes de la captivité ».

Munis pour la plupart de leur minuscule caméra numérique, ils profitent pour prendre des photos- souvenirs de la messe. « Contrairement à ce qu'on pense, nous n'avons pas seulement besoin de biens matériels », dit un homme d'âge mûr voulant garder l'anonymat qui réside en Floride. « Nous avons mal au coeur quand nous recevons de mauvaises nouvelles de notre pays. Nous sommes ici pour prier Notre-Dame en vue de faire un autre miracle comme quand elle avait guéri le pays de l'épidémie de vérole à Port-au-Prince. »

ALEXIS GARDE SON LATIN

Le Premier ministre Jacques-Edouard Alexis est entré à la cathédrale par la porte principale. Il est accompagné du sénateur de l'Ouest Evelyne B. Chéron, vêtue de bleu, et d'un membre de son cabinet. Les gardes du corps du chef du gouvernement sont vigilants. Ils occupent des postes-clés aux alentours de son siège officiel installé au bas de l'autel.

L'encens monte jusqu'à la nef de la cathédrale à la procession d'entrée des prêtres. La procession d'entrée est accompagnée d'un chant en l'honneur de Notre-Dame. « Reine des anges, entends nos accents », chante la chorale. Les prêtres sont accompagnés de Mgr Joseph Serge Miot. L'archevêque Sede Plena est muni de son sceptre cérémoniel.
Les personnalités connues du monde politique et du secteur des affaires ont brillé par leur absence. Questionnée à ce sujet, Mme Lafontant se contente d'affirmer, prudente : « Les temps ont changé. Ce n'était pas comme ça avant. » Par contre, nous avons vu dans la nombreuse assistance M. Turneb Delpé, ex-sénateur de la République et candidat à la dernière élection présidentielle. « Il est venu se recueillir , dit un confrère, les temps de la dialectique sont devenus des époques de méditation spirituelle. » Presque à la fin de la messe, M. Turneb Delpé s'est pieusement avancé vers l'autel comme tout humble citoyen pour recevoir la communion.
HAITI NOUS APPARTIENT

Le moment fort de la messe a été le sermon de la circonstance. Le prêtre a insisté sur des notions d'accueil, de tolérance, de fraternité, de pardon et d'amour. Il a fait comprendre aux fidèles rivés à ses sereines affirmations que « la Fête de l'Assomption c'est aussi notre fête, car Marie comme nous est ressuscitée avec le Christ ». Rappelant que la célébration du jour est une « Pâque estivale », il a précisé que « l'Assomption est aussi la nôtre, car notre voyage sur terre a un but : le ciel qui est la maison du Père ». Il a souligné que, pour y arriver « il faut de l'effort continu dans le travail ». Dieu, a-t-il ajouté, a besoin de « notre collaboration ». C'est ainsi que « Dieu peut réaliser des merveilles pour Haïti ». Au milieu de ses affirmations simples par la forme mais profondes sur le plan théologique, tombe des lèvres du prêtre cette phrase qui, dans la conjoncture, est comme un baume sur une plaie : « Haïti nous appartient. »
« Elevée, argumente-t-il dans le sermon, par le Pape Pie XII à la gloire du ciel, Marie symbolise la maternité divine préservée de la dégradation de la mort et du tombeau. »Les « lectures » de la messe sont extraites de l'Apocalypse et des Corinthiens. La messe dite en français et en latin avec des expressions créoles ici et là montrant la position d'une Eglise qui semble vouloir faire le pont entre la tradition et la modernité.

Conservatisme versus théologie de la libération ? On ne peut répondre facilement à une telle question. Des journalistes ont été un peu étonnés de voir le Premier ministre Jacques Edouard Alexis dire de mémoire et en latin le « Credo in unum Deum ».


LES BEAUX JOURS DE LA CATHEDRALE

A la fin de la cérémonie, des mots de remerciements ont été adressés à Mgr Joseph Serge Miot : « Votre présence parmi nous montre que le clergé est secondé dans le travail apostolique. » La participation du Premier ministre Alexis à la messe du jour est considérée comme « un honneur et un engagement au sein de l'Eglise ». Un représentant de la mairie de Port-au-Prince, Nadège Joachin Augustin, a été félicitée pour l'apport de la mairie à la réussite de la Fête de l'Assomption, particulièrement pour l'embellissement de la cathédrale. Les fidèles ont tous applaudi « les bienfaiteurs de la paroisse qui n'ont pas hésité à délier le cordon de leur bourse. »
La cathédrale peinte aux couleurs traditionnelles de Notre-Dame, jaune et blanc, a retenti de la grande ferveur de plusieurs milliers de fidèles catholiques. Avec les vingt-deux colonnes qui soutiennent l'historique édifice, les fenêtres dont quelques vitraux méritent d'être retouchés, les portes latérales, les trois arches d'entrée principale, le grand chandelier qui pend de la voûte en équilibre constant, la cathédrale a retrouvé ses beaux jours.

A la porte d'entrée de la rue Mgr Guilloux, les marchandes d'images votives étaient en très petit nombre. L'image la plus vendue était celle reproduisant un tableau célèbre du peintre espagnol Murillo présentant la Vierge montant au ciel, un quart de lune à ses pieds au milieu de plusieurs angelots.

Ce 15 août, la capitale offrait l'aspect d'une ville en grande méditation. Le transport public fonctionnait. Les magasins et les écoles étaient fermés. Comme prévu par la météo, il faisait très chaud.
Pierre Clitandre

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