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mercredi 15 décembre 2010

DH en Haïti : « la situation est préoccupante », selon CARLI

« Soyons tous des militants des droits de l’homme ». C’est l’appel lancé par le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon, le vendredi 10 décembre, à l’occasion de la célébration, par l’Assemblée générale des Nations Unies, de la Journée mondiale des droits de l’homme. Une commémoration qui offre l’occasion de faire le point sur la situation des droits de l’homme en Haïti. C’est sur le thème « les défenseurs des droits de l’homme qui agissent pour mettre fin à la discrimination » qu’a été commémorée cette Journée. Et à l’occasion, le responsable du Comité des Avocats pour le Respect des Libertés individuelles (CARLI), Renan Hédouville, juge « préoccupante », la situation des droits de l’homme dans le pays. Un constat découlant, selon le militant des droits de l’homme, de la situation générale du pays.
Si M. Hédouville considère comme une situation de « violation des droits civils et politiques » le fait pour de nombreux citoyens de n’avoir pas pu voter lors des dernières élections, il met davantage l’accent sur la violation des droits sociaux dans le pays.
De l’avis du responsable de CARLI, il y a un lien étroit entre droits de l’homme, démocratie et pauvreté. «Dans une société où l’on ne facilite pas, à toutes les couches sociales, l’accès aux droits sociaux, il y a des obstacles à l’épanouissement de la démocratie et au plein épanouissement des droits de l’homme », fait valoir Me Hédouville. Et celui-ci d’ajouter : « sans le respect des droits de l’homme, il ne peut y avoir de démocratie, de paix et de développement durable ».
Des conditions déplorables
Pour lui, les conditions dans lesquelles vivent les victimes du séisme constituent une « violation flagrante » de leurs droits. « La population des quartiers pauvres et les gens vivant sous les tentes sont abandonnés à eux-mêmes. L’accès à l’eau potable, à la santé, à la nourriture et à l’éducation n’est pas garanti. La prise en charge des personnes vulnérables n’est pas non plus assurée », déplore le militant des droits de l’homme.
Autre constat, les mauvaises conditions d’incarcération des détenus. Selon lui, le système carcéral ne répond pas aux normes internationales. Dans certaines zones comme la capitale, les conditions de détention, déjà déplorables, se sont aggravées suite au tremblement de terre du 12 janvier. Aussi, au pénitencier national, le plus grand centre carcéral du pays, les détenus qui étaient souvent en proie à des maladies diverses comme la galle, la malaria et la typhoïde entre autres, sont-ils actuellement frappés par le choléra.
Par ailleurs, avant le 12 janvier, le pénitencier disposait d’une superficie de détention de 2.100 mètres carrés. Avec les dommages causés par le séisme et les actes de sabotage des détenus pour pouvoir s’échapper, sa capacité d’accueil s’est considérablement réduite. Seuls deux bâtiments de détention d’une surface totale de 425 m2 étaient disponibles. Les détenus étaient entassés dans cet espace réduit et dans le dispensaire qui était censé accueillir des prisonniers malades.
Au dysfonctionnement constaté s’ajoute le mauvais fonctionnement du système judiciaire haïtien. « Les procédures judiciaires sont lentes et les codes sont dépassés. Une réforme en profondeur s’impose », prône le responsable du CARLI.
Des points de vue partagés par l’expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme en Haïti, Michel Forst. Tout en reconnaissant que des progrès sensibles ont été réalisés dans le domaine des droits civils et politiques, l’expert indépendant estime que la sécurité d’Haïti est menacée par l’exclusion économique. Pour lui, le principe de l’indivisibilité des Droits de l’homme doit se manifester concrètement. «Ce qui est en jeu en Haïti ne relève pas seulement de la restauration de la justice, de la police ou du système pénitentiaire, mais vise bel et bien à garantir l’effectivité de tous les droits ».
Dans cette optique, l’expert a pointé du doigt « la vulnérabilité des déplacés, la situation des personnes vivant avec un handicap ou ayant subi des traumatismes, amputations ou graves blessures, la sécurité des femmes, la fragilité des personnes âgées et des enfants». Et lors d’une visite à la frontière haïtiano-dominicaine, l’expert a déclaré se rendre compte du « risque de trafic d’enfants ».
Concernant les personnes ayant un traumatisme physique, « il faut des mesures fortes pour que ces nouveaux handicapés ne soient pas abandonnés à leur sort », a préconisé l’expert. Il a ajouté : «dans les situations de crise humanitaire ou de troubles importants, certains groupes de la population sont particulièrement menacés en raison de leur vulnérabilité et nécessitent qu’une attention plus grande encore soit portée à leur besoin de protection ».
A propos des détenus du pénitencier national, Michel Forst déplore les « conditions catastrophiques » auxquelles sont soumis les détenus. Pour lui, la situation des prisons de l’intérieur du pays n’est guère meilleure. Dans la prison des Cayes, dans le Sud du pays, « hommes et femmes sont entassés dans des cellules ». Et à cela s’ajoute l’épineuse question de la détention préventive prolongée.
Quelques avancées cependant !
A propos de la réforme de l’État de Droit, certaines juridictions, notamment Jacmel, démontrent des signes encourageants dans le fonctionnement des tribunaux, de la police et des prisons, selon l’expert indépendant. Celui-ci se félicite de l’esprit de coopération entre les institutions concernées. Il a aussi salué les efforts de l’Office de la Protection du Citoyen en vue d’étendre son implantation à travers le territoire.
La Section des Droits de l’Homme de la MINUSTAH, de son coté, accompagne le Gouvernement haïtien dans ses efforts pour améliorer la situation des droits humains dans le pays. Et entre autres actions, la rédaction d’un plaidoyer pour la ratification du pacte sur les droits économiques et sociaux par l’Etat haïtien. La Section a contribué également au plaidoyer qui a abouti au vote de la loi sur l’eau et l’assainissement. Et dans ce cadre, elle a eu à mener une grande campagne sur le droit à l’accès à l’eau potable.
En ce qui a trait aux droits des femmes, des avancées sont à mettre à l’actif du Ministère à la condition féminine et aux droits de la femme soutenu par la MINUSTAH via l’Unité Genre et des groupements de femmes. Parmi les acquis, le décret du 11 août 2005 aggravant les peines des personnes coupables d’agression sur mineures. En outre, l’adultère est devenu une simple cause de divorce tant pour la femme que l’homme alors que sous l’empire de la législation précédente, l’homme était coupable d’adultère si l’acte est commis sous le toit marital.
Par ailleurs, l’excuse dont bénéficiait l’homme dans le cas du meurtre de sa femme pour cause d’adultère a été abolie. La loi sur le travail domestique, pour sa part, octroie aux femmes des droits relatifs aux congés officiels, dont le congé de maternité. Les femmes victimes d’abus sexuels ou de violence de toutes sortes connaissent maintenant mieux leurs droits, signale Marie Françoise Vital Metellus, de l’Unité Genre.
Mme Metellus a cependant noté que pour des raisons culturelles, des femmes victimes hésitent encore à porter plainte contre leurs agresseurs. Et M. Forst de signaler qu’en dépit des efforts déployés par la MINUSTAH et la Police Nationale d’Haïti (PNH), l’étendue des violences faites aux femmes reste très préoccupante. Aussi, invite-t-il toute la société haïtienne à prendre conscience et à se mobiliser pour combattre ces atteintes aux droits.
Quant aux conditions de détention, les partenaires internationaux, de concert avec l’Etat haïtien, « travaillent d’arrache-pied pour pouvoir les humaniser», renseigne l’ingénieur Jean Joseph Candé, de l’Unité Correctionnelle de la MINUSTAH. A travers la Section « Etat de Droit » et l’Unité Correctionnelle, celle-ci finance au pénitencier national un projet d’un montant de 96.610 dollars américains. Un projet consistant à réhabiliter sept cellules dans le quartier «Admission». Des travaux qui comprennent la maçonnerie, la peinture, le remplacement des portes des cellules, la rénovation des blocs sanitaires et le curage des fosses.
Il s’agit également de rendre fonctionnels les systèmes hydrauliques, de bétonner la cour de recréation, de réparer et/ou installer des portes métalliques permettant la communication entre les différents « quartiers » de la prison. La MINUSTAH a aussi construit un mur de 7 mètres de haut sur 25 mètres de long séparant le quartier « Hall » de celui de « Titanic ».
la MINUSTAH, via la Section Réduction de la Violence Communautaire (RVC), finance également un autre projet dont l’exécution est assurée par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). Ce projet financé à hauteur de 223.343,08 dollars américains concerne la reconstruction de deux bâtiments dans le quartier de « Hall ». L’un d’eux, un bâtiment de deux niveaux, comprendra huit cellules pouvant accueillir 200 détenus. L’autre est un bâtiment à usages multiples. Il servira notamment d’atelier de formation et de chapelle.
Autre partenaire intervenant dans les travaux de réhabilitation du Pénitencier national est le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Il s’est notamment assuré de la réfection d’un mirador fortement endommagé et du renforcement du mur d’enceinte périphérique de la prison. Quant au Comité International de la Croix-Rouge (CICR), il finance deux projets de réaménagement de bâtiments. Des projets qui, de l’avis du Sous-directeur logistique de l’Administration Pénitentiaire Nationale (APENA), Antoine Thélusma, visent un double objectif : « rendre fonctionnel le pénitencier national en lui restituant les espaces de détention perdus et améliorer les conditions d’incarcération des détenus ».
Si ces démarches constituent des avancées positives vers le respect des droits de l’homme dans le pays, il n’en demeure pas moins que des actions fortes et urgentes s’avèrent plus que jamais nécessaires pour arriver à des résultats substantiels. Et parmi elles, les travaux de reconstruction dont la finalité, selon Michel Forst, doit être de permettre à tous de bénéficier des droits dont ils ont été trop longtemps privés : le droit au logement, le droit d’accéder aux soins et aux services de base, le droit à l’éducation pour tous et le droit de participer à la vie démocratique du pays.
Rédaction : Faustin Caille
Edition ; Uwolowulakana Ikavi
http://minustah.org/?p=28140

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