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jeudi 23 décembre 2010

Adoption – Rien ne bouge à Haïti… ni au Québec

Écrit par Gabrielle Duchaine Mercredi, 22 décembre 2010 14:00
Mise à jour le Jeudi, 23 décembre 2010 03:13
Près d’un an après le séisme qui a ravagé Haïti, Québec bloque toujours l’adoption de dizaines d’orphelins attendus avec de plus en plus d’impatience par autant de familles d’ici. Même si les crèches débordent, il faudra encore attendre des mois, voire des années avant que le premier enfant débarque dans la province.
Lorsque la terre a tremblé, le 12 janvier 2010, Marie-Pierre Tardif a vu s’envoler ses espoirs d’adopter un enfant dans un avenir proche. « Je vis un immense deuil. Normalement, je serais à quelques semaines à peine d’aller chercher mon fils ou ma fille. À la place, je devrai patienter encore des mois, peut-être plus », raconte la Sherbrookoise. Sa voix tremble au bout du fil. « Juste d’en parler, ça me fâche. »
Comme des dizaines de familles qui avaient enclenché des procédures d’adoption avant le drame, la jeune directrice d’école se sent prise en otage. Dès le lendemain du tremblement de terre, Québec a mis le holà à la venue d’orphelins en provenance d’Haïti de peur que certains aient encore de la famille quelque part. Douze mois plus tard et même si les orphelinats et les organismes d’adoption martèlent que le temps est venu de rouvrir prudemment les frontières, la politique n’a pas changé.
Rien ne bouge
La province attend que le pays des Antilles en pleine élection fasse adopter par le Sénat une nouvelle loi sur l’adoption, conforme aux normes internationales. Elle ne donne aucun indice quant à la fin de l’embargo. Québec a plutôt demandé aux organismes responsables de retourner leurs dossiers à quelque 40 familles québécoises qui avaient entamé des procédures avant la tragédie et qui devront maintenant recommencer à zéro. C’est-à-dire reprendre le processus d’inscription, qui prend de 8 à 12 mois et coûte quelques milliers de dollars, puis attendre jusqu’à un an l’arrivée d’un enfant. Aucune nouvelle inscription n’est acceptée jusqu’à nouvel ordre.
«En attendant de relancer l’adoption, on leur donne de l’aide, mais ce n’est pas ce dont les enfants ont besoin», dit Ginette Gauvreau de l’organisme Soleil des Nations. Photo d’archives Martin Bouffard
« On veut éviter de séparer des enfants de leurs familles et s’assurer que leurs droits sont respectés », explique une porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui gère le Secrétariat à l’adoption internationale (SAI), Nathalie Levesque. Selon elle, Haïti n’est pas prêt à traiter les demandes d’adoption.
À part quelque 126 bambins qui avaient déjà été assignés à de nouveaux parents avant le séisme et qui ont tous été rapatriés dans les jours qui l’ont suivi, aucun orphelin haïtien n’a mis les pieds au Québec depuis janvier dernier.
Pourtant, d’autres pays, dont l’Allemagne et plus récemment les États-Unis, ont recommencé à accueillir des enfants. « On ne comprend pas trop pourquoi ça ne reprend pas ici, déplore la responsable administrative de la Corporation Accueillons un enfant, un des deux seuls organismes agréés par le SAI. Nos familles sont sur le qui-vive. »
Des enfants attendent
« Même si leurs dossiers sont fermés, ils sont toujours en attente dans leur cœur, ajoute Ginette Gauvreau de l’organisme Soleil des Nations. On nous dit qu’Haïti n’est pas prêt, mais ce n’est pas la réalité. Si j’avais huit familles, j’aurais huit enfants disponibles. »
La crèche de la fondation haïtienne Enfant-Jésus, avec qui fait affaire Soleil des Nations, aurait à elle seule quelque 60 orphelins prêts à partir et dont on a la certitude qu’ils sont vraiment seuls au monde. D’autres, jugés « à risque », ont été réunifiés avec des proches jusqu’à récemment. Ils n’étaient pas éligibles à l’adoption.
« Je comprends qu’il faut faire attention de ne pas séparer des familles ou de déclarer orphelins des enfants qui ont des parents quelque part », dit Marie-Pierre Tardif, qui a déjà adopté en 2009 Patrickson, un petit Haïtien de trois ans, et qui souhaite ardemment lui donner un petit frère ou une petite sœur. « Mais qu’en est-il des enfants qui ont été abandonnés avant le tremblement de terre ? En attendant, ils ne font que grandir dans des conditions difficiles. Ils ont vécu le séisme et maintenant il y a le choléra », rage la mère de famille.
Les responsables de la Fondation Enfant-Jésus ne nient pas leurs difficultés à subvenir aux besoins de tous leurs pupilles. « Onze mois après [la secousse], nous sentons l’impact, ayant à charge tous ces enfants. Et financièrement, nous n’étions pas préparés », confirme sa directrice exécutive, Gina Duncan, jointe par Rue Frontenac lors d’un voyage en Allemagne.
Pendant ce temps, familles et organismes d’adoption tapent du pied. « Il faut être prudent, mais ce n’est pas une raison pour fermer un pays », dit Ginette Gauvreau, qui passe en temps normal la moitié de son temps dans le petit pays des Antilles pour superviser les opérations et s’assurer qu’elles soient faites dans le respect des enfants. « En attendant de relancer l’adoption, on leur donne de l’aide, mais ce n’est pas ce dont ils ont besoin. »
http://www.ruefrontenac.com/nouvelles-generales/international/31821-haiti-adoption

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