Haïti: « La météo ne l'avait pas prédit », répète apeurée et surprise une jeune femme adossée à un pan de mur de l'ambassade de France, au Champ de Mars, le vendredi 24 septembre 2010, à 3 heures 17 p.m. « Mon Dieu ! Mon Dieu ! » crie cette marchande de poulet barbecue tandis les rafales de vents et de grosses gouttes de pluies balaient tentes, cahutes et autres ''construction'' de bric et de broc sur la plus grande place publique de la capitale transformée en un gigantesque camp où s'entassent des milliers de sinistrés du tremblement de terre du 12 janvier.
A quelques mètres d'elle, en face de l'Auditorium Adventiste de la Bible, un arbre cède. D'autres le suivent. La rue Capois devient méconnaissable. Elle et les rues St-Cyr et Ducosse deviennent le lit où dévalent les eaux de pluie en furie et les immondices. En face de l'hôtel Le Plaza, non loin du Kiosque Occide Jeanty, une mère se couche sur ses deux enfants. « Dieu merci, c'est le ciel qui nous tombe sur la tête et non la terre qui danse sous nos pieds ! »
Le flash-back. Le souvenir traumatisant de Goudougoudou est là. Certains objets ont des ailes. La pluie, vrombissante, s'intensifie. On se planque. Le risque d'être décapité est énorme. Au terme d'une demi-heure, cela se tasse. La pluie s'arrête de tomber. On souffle. C'est le premier bilan, les premières scènes de désolation. « Un homme, musclé, regard abattu, soulève un morceau de plywood et tente de sauver ce qui peut encore l'être, à un jet de pierre de la statue de Christophe. Le Roi bâtisseur et les autres Pères de la patrie restent silencieux. Ils n'entendent pas les supplications, les lamentations. Dans le mausolée, à la rue Monseigneur Guilloux, où l'on honore leur mémoire tous les 2 janvier, c'est aussi la pagaille. Une grosse bosse sur le front, une fillette de 4 ans, accrochée à la jupe de sa mère, a eu la vie sauve grâce à la Providence. « Un arbre gigantesteque s'est effondré. Des tentes sont détruites mais on ne déplore aucune victime », confie un jeune homme trempé, occupé à aider deux autres femmes encore sous le choc.
« Quelqu'un est mort à Poste-Marchand dans l'effondrement d'une maison, des pylônes électriques, d'imposants billboards publicitaires ont été renversés », informe une jeune femme scotchée à son poste de radio, tandis que les premiers bouchons de circulation se forment à cause de ce coup de vent inattendu accompagné de pluies, en pleine heure de pointe. Immobilisé dans leur véhicule, un couple écoute la radio. Brégard Anderson de Caraïbes FM confie que plusieurs artères sont bloquées à Delmas, Nazon, Lalue.... Des citoyens de bonne volonté mettent la main à la pâte, informe l'animateur.
Ce n'est pas qu'une pluie sectorielle. Certains se rendent compte à peine. Delmas, Aéroport, Pétionville, Carrefour, Croix-des-Bouquet, le centre-ville et les camps n'ont pas été épargnés par ce phénomène météorologique. Les bourrasques enregistrées pendant 55 minutes avaient au moins une vitesse de 55 à 65 km/heure selon certaines estimations.
Bilan partiel
Dans les camps c'est la catastrophe.
« Le premier bilan partiel fait état de cinq (5) morts. Deux enfants au camp de l'Eglise de Dieu de la Paix, un autre au Pétionville Golf Club, une femme au camp de Accra, à Delmas 32, et une personne à Poste-Marchand », rapporte quelques heures après l'événement Mme Rachelle Elien, chargée de l'information pour le bureau des affaires humanitaires (OCHA) des Nation unies. 280 tentes ont été inondées à Corail Cesseless, 30 à Caradeux, 100 à Tabarre Issa, 135 à Santo 17, ajoute Mme Elien qui informe de la tenue d'une réunion d'urgence entre l'OCHA, la DPC et d'autres autorités en vue d'évaluer la situation dans le but de donner la réponse appropriée.
Début juillet 2010, M. Mulet et son second, M. Nigel Fischer, en conférence de presse, avait évoqué les préparatifs effectués en vue de faire face à la saison cyclonique 2010 susceptible d'être plus mouvementée qu'en 2008. Le PAM a pré-positionné 20 000 tonnes métriques de denrées alimentaires dans 31 localités à travers le pays en vue de fournir une aide à plus d'un million de personnes. L'UNICEF, l'OIM et la Fédération Internationale de la Croix-Rouge ont stocké des articles non alimentaires sur le territoire, avait confié M. Fischer. Cette assistance humanitaire, avait-il poursuivi, sera gérée et distribuée par des ONG opérant sur le terrain.
Au niveau logistique, une barge est déjà sur les lieux pour effectuer la livraison rapide des articles humanitaires dans les régions dont l'accès par voie routière pourrait être coupé. Une flotte de 70 camions est aussi disponible. Les centres opérationnels ont été multipliés avec une plus grande présence des agences dans les régions afin de répondre plus efficacement à un désastre naturel, avait expliqué le second du représentant Mulet. Les casques bleus sont prêts à effectuer des opérations de secours et sauvetage dans toutes les régions du pays. Les forces armées américaines participeront au besoin à des opérations de secours. Un bateau de la marine américaine (USS JIMA) doté d'hélicoptères et de capacités médicales navigue déjà dans les eaux des Caraïbes. Nous attendons aussi l'arrivée d'un navire canadien, avait annoncé Nigel Fischer.
« Les capacités de réponse de la communauté internationale et du système des Nations unies sont nettement supérieures qu'en 2008. Nous sommes prêts à répondre à une catastrophe de la même envergure. Mais, avait-il nuancé, personne ne sait comment mère nature va se présenter cette année.
« 26 camps vulnérables sont bénéficiaires de projets de mitigation, c'est-à-dire de création de système de drainage, distribution de cordes pour sécuriser les tentes. Nous avons identifié 5 camps à haut risque dont la population devra être relocalisée. L'UNOPS est en train de construire 6 écoles dans les camps de Corail qui seront terminées au début de septembre et qui pourront servir de refuge en cas de cyclone », avait informé M. Fischer. A Léogâne, 8 abris communautaires seront construits avec un financement de la Fondation Clinton. Les efforts continuent pour trouver des solutions afin d'abriter les populations vulnérables durant le passage d'un cyclone. Mais, malheureusement, il n'y aura pas assez de lieux sûrs pour tous. Ainsi, nous travaillons avec la Direction de la Protection Civile (DPC) sur la sensibilisation pour la prévention et la vie sauve et afin de repérer des abris communautaires et des endroits sécuritaires comme refuges durant le passage d'un cyclone. Nous prévoyons qu'un système d'alerte précoce sera prêt, avec des avertissements émis par radios et par cellulaires, SMS, avait-il ajouté.
Mal en pis et grogne
Peu avant les événements de ce vendredi 24 septembre 2010, des sinistrés dans divers camps de la zone métropolitaine avaient dénoncé la détérioration de leurs conditions de vie alors que l'on est en plein dans la période active de la saison cyclonique. Ils ont menacé de bouder les élections du 28 novembre 2010.
Roberson Alphonse
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=83990&PubDate=2010-09-24
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