L'année 2007 a été généreuse en célébration. De Jacques Roumain, l'homme de lettres, le révolutionnaire qui a laissé en héritage le roman Gouverneurs de la rosée à François Duvalier, paradoxalement, le dictateur, qui a mis à sac la société haïtienne. De 1907 à 2007, l'un et l'autre ont marqué très fort la société haïtienne.
De l'écrivain marxiste au tyran, il y a une certaine idée d'Haïti. L'année 2007, qui ramène le centenaire de naissance de ces deux références haïtiennes incontournables, est une année importante.
Les colloques sur Jacques Roumain (New York, Port-au-Prince) ont permis de reconsidérer l'oeuvre de Roumain, de faire ressortir les fondements de cette pensée si généreuse du pays, de cette vision si éclairante. Les points de vue, ouvrages et considérations politiques sur Duvalier ont montré l'échouage politique, mais aussi le blocage de la réflexion... Comme quoi, après Duvalier... On serait encore en amont de la fabrique des dictatures.
Un ouvrage à ce sujet ne manque pas de faire le point sur la question Duvalier, en ouvrant de nouvelles perspectives.
Ce livre Duvalier La face cachée de Papa Doc (Montréal, Mémoire d'encrier) ressemble à bien des points de vue aux Bienveillantes de Jonattan Littell, et porte à questionner le mal, la violence, à mieux comprendre comment cela s'était passé effectivement. Nous publions ci-dessous le point de vue de l'éditeur Rodney Saint-Éloi, servant de préface à l'ouvrage, Duvalier La face cachée de Papa Doc.Point de vue de l'éditeur
Duvalier.
La face cachée de Papa Doc, qui retrace les moments forts du régime de François Duvalier, est le premier titre du genre publié par les Editions Mémoire d'encrier. Nous avons fait place à l'histoire, particulièrement dans la collection Chronique, mais jamais nous n'avions côtoyé de si près l'histoire.
Avec La face cachée de Papa Doc, le lecteur comprendra que le tyran a un vécu, des désirs, des peines, des amours comme tous les êtres, humanité que souvent on lui ôte. La meilleure façon de triompher de la dictature, n'est-ce pas de lui opposer la nécessité du bonheur? Le dictateur déteste le rire, la joie, et tout ce qu'il ne peut réprimer. L'idée du bonheur m'a accompagné dans la lecture du texte. Est-ce pour échapper à l'horreur?
Le portrait de Duvalier qui ressort de cet ouvrage est celui d'un despote tropical - avec les qualificatifs d'usage : anachronique, sanguinaire, cupide, féroce. Nous sommes évidemment face à l'extrême, l'infinie bêtise, la politique dans son expression la plus monstrueuse. Mais au-delà du rappel, l'invention ici est dans le clair-obscur, les zones grises que nous dépeint l'auteur Jean Florival.
On n'avait pas encore l'image d'un Duvalier amoureux, déchiré par sa passion pour France Saint-Victor, sa secrétaire privée. On n'avait pas encore l'image d'un Gérard Daumec, le poète, amant de la maîtresse du président, qui lit dans les pensées de Duvalier, et qui se joue de lui. On ne savait pas grand-chose non plus des filles du président, qui ont payé de leur corps les dettes du dictateur.
Sans vouloir banaliser le mal et l'injustice, l'aspect théâtral de la dictature duvaliérienne (jeux de dupes, jeux d'ombres et jeux de miroirs) est peut-être l'essence et le fondement du régime, puisque toute dictature est un mensonge créé par l'impuissance des uns et la lâcheté des autres.
Spectateur et souffleur, Jean Florival est dans l'oeil du cyclone. À l'intérieur du régime, sans un quelconque titre officiel, il cultive l'amitié des grands et des barons et tient le beau rôle ; comme dans un drame shakespearien, il est la conscience du pouvoir. Il raconte, ni en opposant ni en panégyriste, les aspects insolites de cette dictature.
Regard de coulisse, Florival, témoin privilégié, plonge dans l'intimité du pouvoir, relate des faits jusque-là inconnus du grand public.
Ce livre a le mérite d'exposer avec sérénité des événements tantôt tragiques, tantôt loufoques, dans le dessein de refuser l'oubli, et de mieux comprendre cette tyrannie qui a endeuillé les familles haïtiennes, afin de sortir du cercle de l'impunité et de la logique bourreau-victimes. Découvrez les frasques d'un pouvoir qui fige depuis un demi-siècle l'histoire et l'imaginaire d'Haïti.
Rodney Saint-Éloi
Octobre 2007
NDLR. : Duvalier la face cachée de Papa Doc, paru en octobre 2007 à Montréal chez Mémoire d'encrier, est mis en vente dans toutes les librairies à Port-au-Prince dès le début du mois de décembre. Après une rupture de stock spectaculaire, le marché a tout de suite été réapprovisionné. Cet ouvrage, considéré déjà comme un best-seller tant à Montréal que dans les autres villes de l'Amérique du Nord, est un témoignage remarquable sur la vie et la dictature de François Duvalier.
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=52478&PubDate=2007-12-28
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
lundi 31 décembre 2007
L'année de Jacques Roumain et de François Duvalier
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