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mardi 9 octobre 2007

Croix-des-Bouquets fête sa reine

Croix-des-Bouquets, la ville du fer découpé, a fait de Marie, depuis plus d'un siècle, sa patronne. Belles comme l'aurore, les prières dédiées à la Vierge ont résonné dans l'église Notre-Dame du Rosaire, ce week-end. Par centaines, les fidèles les reprenaient dévotement. « Ô Marie Notre-Dame du Rosaire, tournez vers nous un regard favorable, et écoutez nos prières avec bienveillance. Nos genoux se ploient devant vous, nos yeux se fixent sur vous... »
Les yeux larmoyants, les bras grands ouverts, une jeune femme priait haut et fort après la messe solennelle célébrée en l'honneur de Notre-Dame du Rosaire, patronne de la commune de la Croix-des-Bouquets. Ponctuées de geignements, d'autres prières dites par d'autres femmes s'élevaient vers le ciel. Geignant, elles déchargeaient leurs peines, leurs tourments aux pieds de Notre-Dame. Des mains égrenant des chapelets se tendaient, suppliantes, les regards fixant la statue impassible de la Vierge.
Plusieurs messes ont ainsi été chantées dimanche dernier en l'église Notre-Dame du Rosaire. Son enceinte était pleine comme un oeuf. Le parvis y débordait de monde, comme si toute la communauté crucienne avait attendu la patronale pour se rendre à la messe.
Crucien de 40 ans, Dieufène, la cravate bleue tombant sur sa chemise blanche, se dit catholique. Chaque année, il se fait un devoir de visiter la maison de Dieu. Il croit dur comme fer que, en ce jour de la fête de la mère de Jésus, un surplus de grâce descendra sur tous ceux qui viennent faire acte de contrition pour les péchés qu'ils ont commis pendant l'année. « Mes activités ne me laissent pas de temps pour aller à l'église. Mais aujourd'hui, ma petite famille est là au grand complet », se félicite Dieufène. Il confie que la chance est de son côté. Il en veut pour preuve le geste de l'officiant, Mgr Dumas, qui a posé sa main sur la tête de sa fille cadette à la sortie de l'église.

Tête ceinte d'un mouchoir bleu, sobre dans sa robe blanche, Laura, une octogénaire, achète une prière de Notre-Dame du Rosaire inscrite sur une feuille volante entre les mains des marchandes qui font le commerce d'objets de piété. Devant l'église, la bonne dame se procure quelques cierges bleus et blancs qu'elle allumera chez elle en vue de prolonger le culte marial. « Je me suis sentie un peu mal à l'aise à l'église quand je sais que les gens qui sont venus nous coincer aujourd'hui n'y seront pas dimanche prochain », reproche-t-elle. Comme pour se corriger, Laura ajoute : « L'église, c'est chaque jour pour moi. Nous sommes l'église a dit le Pape Jean-Paul II. »Des officiels du gouvernement, des parlementaires, les maires des communes de la Croix-des-Bouquets et de Ganthier ont pris part à la messe solennelle ; parmi eux, la ministre à la Condition féminine et aux Droits des Femmes, Mme Marie Laurence Jocelyn Lassègue, la sénatrice Evelyne Chéron, les maires Jean Saint-Ange Darius et Ralph Lapointe.
La patronale, un tremplin pour des activités artistiques et culturellesLa patronale a servi aussi de tremplin aux activités artistiques et culturelles. Les artisans en ont profité pour promouvoir leurs produits. Pendant que beaucoup d'artisans de Croix-des-Bouquets spécialisés dans le fer découpé exposaient à « Artisanat en Fête », les 6 et 7 octobre, au Parc Historique de la Canne à Sucre à Tabarre, d'autres étaient restés sur place. A part le métal découpé, le public découvrait des broderies, des bijoux créés à partir de coquillage, de « grenn madyòk » et autres matériaux locaux.


La veille de la patronale, la caravane de Konesans Fanmi (KF) a attiré des milliers de jeunes. Plusieurs talents de Croix-des-Bouquets ont performé sur le podium de l'unité mobile de la caravane d'Education et de Service de Santé. Plusieurs groupes se réclamant du style de Wyclef Jean ont chanté et dansé du hip hop et du rap. Des concours de « Limbo », une danse dans le vent, ont amusé le public. A tour de rôle, des jeunes hommes, des jeunes filles venaient s'inscrire pour danser « Limbo ». Parallèlement à cette activité culturelle, la caravane de KF a déployé des tentes pour abriter des services de conseil et de dépistage volontaire (CDV). Infirmières, laborantins, conseillers psychologiques ont accueilli des volontaires après les séances de sensibilisation entrepris par des artistes et des animateurs de KF sur les maladies transmissibles, dont le VIH/Sida. Ce duo de travailleurs sociaux a expliqué au public les possibilités qui s'ouvrent pour les gens qui sont infectés par le VIH, virus qui conduit à la maladie du Sida.
Debout sur le podium de KF, le sénateur de l'Ouest, Evelyne Chéron, a prêché le sens de la responsabilité à des milliers de jeunes en âge de procréer. Dans l'état où se trouve Haïti, le pays ne peut pas se permettre le luxe de laisser le sida faucher une quantité de vies qui puissent être utile à la nation, a-t-elle déclaré. Aussi le sénateur a soutenu la démarche de la caravane qui consiste à informer la population et à encourager les jeunes à se faire tester.
La patronale, une occasion pour se faire dépisterDans la file d'attente de volontaires qui attendaient d'être testés, un jeune de quatorze ans s'est fait remarqué. « Tu es un enfant. Qu'est-ce que tu viens faire ici ? », lui demande un père de famille. L'enfant répond : « Je fais toujours l'amour sans capote à plusieurs enfants de mon âge. Il est temps pour moi de savoir si j'ai ou pas le virus dans mon sang. »
Une mère de famille, trentenaire, avoue qu'elle vient faire le test pour avoir sa quiétude d'esprit. « Moi, je sais que je fréquente uniquement mon mari. Mais lui, il couche à droite et à gauche. Je veux savoir », affirme-t-elle. Un résultat positif bouleverserait sa vie, mais pour ses enfants elle continuerait à vivre autrement.« J'ai fait mon test en 1993, et depuis, j'ai commis beaucoup d'imprudences. Dans le cas où je suis séronégatif, j'abandonne toutes mes petites amies. Seule ma femme comptera pour moi », déclare ce jeune homme, décidé à s'attacher avec une dévotion toute neuve à sa femme.Le maire de la commune de Croix-des-Bouquets, Jean Saint-Ange Darius, a salué l'initiative de Konesans Fanmi tout en encourageant les autres institutions qui oeuvrent dans le domaine sanitaire dans la commune à encadrer les jeunes.
Croix-des-Bouquets, a fait savoir le maire, est une commune abandonnée à elle-même. « Notre commune n'a pas d'hôpitaux, elle n'a que des centres de santé qui sont gérés par des ONG », a-t-il déclaré.
Il dit regretter l'époque pas trop lointaine où Croix-des-Bouquets était une collectivité territoriale paisible. Avec les derniers événements, la population a augmenté. « Les gens viennent de Cité Soleil, de Delmas, de Fonds-Verrettes, du Plateau Central. Tous viennent se réfugier à Croix-des-Bouquets.
Ici, ce n'est plus paisible. Les rapports de la police nationale le confirme », se plaint-il tout en pointant du doigt Marin et Lilavois.
Avant de se rendre à la cérémonie solennelle, le maire nous a, entre autres, entretenu des projets de jumelage de la mairie de Croix-des-Bouquets à celles d'autres pays en perspective comme Macouba en Martinique, Spring Valley aux Etats-Unis, Marseille et Anjou en France.
Claude Bernard Sérant

serantclaudebernard@yahoo.fr

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