A Port-au-Prince, à la moindre goutte de pluie, on a peur que les mornes qui l'entourent ne s'effondrent sur les hommes, les immeubles et les véhicules. L'averse du dimanche 16 septembre vient confirmer la fragilité d'une ville livrée aux forces de la nature. Tout a débuté par une petite pluie fine, sans trop grande prétention. Pourtant, quand l'orage commence à tonner dans le ciel nuageux, on se communique, de voisins en voisines, un message inquiétant. On se croirait aux temps prophétiques.
Celui-là a été à la messe du dimanche dans une église protestante et est revenu avec l'idée obsédante de l'apocalypse proche. « Les ténèbres couvriront la terre », répète-t-il d'après le sermon du pasteur. Si on a un peu de culot pour répondre: « On est déjà dans la catastrophe, pourquoi annonce-t-on, avec tant de désinvolture, la fin du monde ? » La riposte tombe, nette et drue : « Le Seigneur ne ment pas ! » Bien sûr ! Mais il faut savoir lire. Pour changer.
Sur ce fond de croyances religieuses et de pessimisme à couper au couteau, se présente une réalité qui n'épargne aucun quartier de la capitale. Au Canapé-Vert comme au Bois-Verna, à Pacot comme à Carrefour-Feuilles, au Boulevard Jean-Jacques Dessalines et au Bicentenaire, il suffit de vingt minutes de pluie pour qu'on assiste au spectacle de nos avenues et ruelles transformées en rivière en crue.
L'averse de dimanche a fait monter les eaux à un niveau inattendu. Les automobilistes ont eu une de ces peurs ! L'eau est rentrée dans les cours des résidences en raison des canalisations non entretenues, obstruées par des objets ménagers de toutes sortes, depuis la petite bouteille de plastique jusqu'au matelas d'un mariage si tourmenté que le couple a jugé bon de jeter, « la mauvaise chance du foyer dans l'eau sale du mois de septembre ». Tout ce bataclan abandonné dans le ravin le plus proche est emporté par des trombes d'eau qui cherchent, dans le tumulte diluvien, leurs voies de sortie.
L'averse de dimanche a fait peur aux résidents de divers quartiers de Port-au-Prince. On les a vus munis d'un balai ou d'une serpillière dérisoire, le visage inquiet, les traits tirés, poussant l'eau qui arrive jusqu'à leur galerie. D'autres, moins fortunés, en profitent pour jeter leurs immondices le long des trottoirs. On voit passer ces choses sales, humides, noircies et s'étalant sur la chaussée tels de tristes bouquets d'une époque décadente.
A la rue Capois, à l'angle de la rue Nicolas, le bureau de la Poste n'est pas protégé par une mare qui s'installe confortablement dans une poche... aménagée par nos apprentis urbanistes. « Venez vite prendre votre colis. A cette époque de pluie, l'eau peut faire beaucoup de dégâts», dit un facteur de la Poste. Des précautions précaires ont été prises pour endiguer l'eau par la construction de faibles barrages de ciment servant aussi d'inconfortables escaliers.
« Le problème est en dessous, dans les égouts non curés et ne répondant plus au volume de déchets d'une population chaque jour plus nombreuse », affirme un résident de la rue Capois. « Imaginez notre poste envahi par les eaux ! C'est fini pour nos documents importants ! » continue-t-il. Tout le monde sait que l'eau et le papier, c'est comme le lait et le citron. Mais, qu'est-ce qu'il en est pour les hommes, les résidences et toute la ville ?
LES NOYES DE LA RAVINE ZONYON
L'averse de dimanche a réveillé une vieille angoisse collective que les pluies sporadiques du cyclône Dean n'avaient pas provoquée. Tout le monde est resté vigilant. «Quand le malheur frappe à la porte, on ne peut pas se permettre de dormir», avance une fidèle de l'église wesleyenne. « Heureusement, qu'un travail a été fait dans l'infrastructure de l'avenue, sinon on verrait les maisons partir comme des barques de boat-people», argumente-t-elle.
D'où vient toute cette eau ? Du Morne L'Hôpital ? Des experts en hydrographie précisent que les eaux viennent de la Rivière Blanche, de la Rivière Redoute, de la Rivière Grise dans les hauteurs de Kenscoff. Nous sommes allés voir au Morne L'Hôpital, le lendemain. Le spectacle est effroyable. Les ravins offrent une image d'absolu délabrement de la terre, des hommes et de leurs maisonnettes. Ces dernières sont construites au flanc de ces dangereuses failles.
La ravine Zonyon, par exemple, est une béance géologique. Des constructions de fortune en bloc aux sous-sols rongés fatalement par les eaux semblent sortir de la terre, rudes et brutes, à côté de plus solides maisons qui ne sont pourtant pas à l'abri du danger de brusques destructions.
A Ravine Zonyon, cabris, enfants, poules, cochons, adultes, femmes faisant pipi en soulevant leur jupe et hommes cherchant un coin pour se soulager, c'est la misère dans son état primal. Un jeune homme nous informe qu'il a « déjà vu passer en deux occasions un noyé dans l'eau sale ». Il y a dans son regard ironique une banalité face aux morts de la pluie. « Ils sont un peu pâles, comme lessivés. On ne sait pas où ils vont s'arrêter. »
La ravine Zonyon est une parmi d'autres de ces terribles conduites d'eau qui frappent la capitale de plein fouet. Il y en a d'autres au Morne L'Hôpital. Les eaux de la ravine Zonyon se déversent, à travers les dédales d'égouts du siècle passé, sur les avenues de la capitale. Après avoir remercié « les saints et les anges d'avoir pu arrêter la pluie », ceux qui vont en ville, le lendemain de ces déluges non espérés, découvrent une ville à genoux dans la boue et la poussière.
UNE FORCE DE SECURITE DU TERRITOIRE
D'où vient toute cette eau ? Du Morne L'Hôpital ? Des experts en hydrographie précisent que les eaux viennent de la Rivière Blanche, de la Rivière Redoute, de la Rivière Grise dans les hauteurs de Kenscoff. Nous sommes allés voir au Morne L'Hôpital, le lendemain. Le spectacle est effroyable. Les ravins offrent une image d'absolu délabrement de la terre, des hommes et de leurs maisonnettes. Ces dernières sont construites au flanc de ces dangereuses failles.
La ravine Zonyon, par exemple, est une béance géologique. Des constructions de fortune en bloc aux sous-sols rongés fatalement par les eaux semblent sortir de la terre, rudes et brutes, à côté de plus solides maisons qui ne sont pourtant pas à l'abri du danger de brusques destructions.
A Ravine Zonyon, cabris, enfants, poules, cochons, adultes, femmes faisant pipi en soulevant leur jupe et hommes cherchant un coin pour se soulager, c'est la misère dans son état primal. Un jeune homme nous informe qu'il a « déjà vu passer en deux occasions un noyé dans l'eau sale ». Il y a dans son regard ironique une banalité face aux morts de la pluie. « Ils sont un peu pâles, comme lessivés. On ne sait pas où ils vont s'arrêter. »
La ravine Zonyon est une parmi d'autres de ces terribles conduites d'eau qui frappent la capitale de plein fouet. Il y en a d'autres au Morne L'Hôpital. Les eaux de la ravine Zonyon se déversent, à travers les dédales d'égouts du siècle passé, sur les avenues de la capitale. Après avoir remercié « les saints et les anges d'avoir pu arrêter la pluie », ceux qui vont en ville, le lendemain de ces déluges non espérés, découvrent une ville à genoux dans la boue et la poussière.
UNE FORCE DE SECURITE DU TERRITOIRE
A la rue Pavée, au Boulevard Jean-Jacques Dessalines, à la rue des Miracles, c'est pire que la désolation. Des écolières en uniforme attendent un tap-tap disponible près de piles de détritus. Les gens sont hagards, accablés par l'insalubrité. Les tréteaux du commerce informel de pièces mécaniques, de produits cosmétiques, de vêtements, de chaises en plastique, d'«arlequin», ajoutent leur part de chaos au désastre général.Du côté du Cimetière métropolitain, les immondices s'amoncèlent et rappellent aux hommes la maxime « souviens-toi que tu es poussière ». Une partie du tronc d'un arbre a été arrachée au cours de l'averse de dimanche. Il y a quelques années, le royaume des défunts a connu son déluge : tombes, cercueils, couronnes de fleurs, cadavres et autres photographies de décédés avaient été déplacés. Expression de nos haines historiques, l'eau peut envahir nos résidences et tenter de tout noyer si des mesures urgentes ne sont pas collectivement adoptées.
Après cette dernière averse, il y a un dépôt de poussière sur tout. Les camionnettes brinquebalantes roulent leur «chimie de bogota» au milieu de rues encombrées. Les immeubles qui n'ont pas été repeints depuis des décades offrent l'image d'une capitale en état de siège. Les propriétaires de magasins ne savent plus où donner de la tête. Le commerce informel étend ses tentacules. La circulation automobile, malgré les installations au panneau solaire de la compagnie Axxium des feux de signalisation, est un douloureux chemin de croix. Les Port-au-Princiens craignent surtout les maladies que peut causer la poussière soulevée après la pluie. Des vers naissent dans divers coins des détritus accumulés. « Il semble que les Travaux publics ne peuvent trouver des lieux de décharge et laissent les immondices sur les trottoirs », souligne un pharmacien.
Dans une ville en grande partie traumatisée, l'eau peut ajouter le coup de grâce du déluge. A l'heure des grandes alertes des temps cycloniques, la police nationale, ne pouvant être à la fois au four et au moulin, devrait être secondée par une force publique de sécurité du territoire. Nous n'oublions pas, pourtant, que les Forces armées démantelées ont aussi provoqué des déluges irréparables dans la vie des citoyens.
Après cette dernière averse, il y a un dépôt de poussière sur tout. Les camionnettes brinquebalantes roulent leur «chimie de bogota» au milieu de rues encombrées. Les immeubles qui n'ont pas été repeints depuis des décades offrent l'image d'une capitale en état de siège. Les propriétaires de magasins ne savent plus où donner de la tête. Le commerce informel étend ses tentacules. La circulation automobile, malgré les installations au panneau solaire de la compagnie Axxium des feux de signalisation, est un douloureux chemin de croix. Les Port-au-Princiens craignent surtout les maladies que peut causer la poussière soulevée après la pluie. Des vers naissent dans divers coins des détritus accumulés. « Il semble que les Travaux publics ne peuvent trouver des lieux de décharge et laissent les immondices sur les trottoirs », souligne un pharmacien.
Dans une ville en grande partie traumatisée, l'eau peut ajouter le coup de grâce du déluge. A l'heure des grandes alertes des temps cycloniques, la police nationale, ne pouvant être à la fois au four et au moulin, devrait être secondée par une force publique de sécurité du territoire. Nous n'oublions pas, pourtant, que les Forces armées démantelées ont aussi provoqué des déluges irréparables dans la vie des citoyens.
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