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mardi 16 août 2011

Haïti-Migration et Coopération : Pourquoi le refus d’hospitalité envers les migrants Haïtiens en Amérique du Sud ?

Au moment où le président haïtien Michel Martelly est en tournée en Amérique du Sud (du mercredi 10 au dimanche 14 août 2011) , ne serait-il pas opportun pour le chef d’État de passer en revue, avec ses homologues, la situation difficile à laquelle font face des dizaines de milliers de compatriotes dans cette région du monde ? « Tout kote nou pase, yo refize nou ospitalite », Tabou Combo, gwoup ayisyen
Par Wooldy Edson Louidor
Bogota, 11 août 2011 [AlterPresse] --- De l’Équateur au Brésil, en passant par le Pérou, la Bolivie, le Chili et le Venezuela, des dizaines de milliers d’Haïtiens sont disséminés partout en Amérique du Sud en quête d’opportunités, selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.
Bon nombre d’entre eux ont été forcés de fuir Haïti, suite au séisme du 12 janvier 2010, ou sont empêchés de retourner dans leur pays à cause de la situation humanitaire difficile qui y sévit.
En juin 2011, le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (Hcr) et le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits humains (Hcdh) ont reconnu le caractère précaire des conditions de vie en Haïti.
La république caribéenne ne peut assurer ni une protection ni une prise en charge appropriée pour certains groupes vulnérables dans le cas de rapatriements [1].
Les deux agences spécialisées de l’Organisation des Nations Unies (Onu) ont même demandé aux gouvernements du monde entier de renouveler, pour causes humanitaires, les autorisations de résidence et autres dispositifs permettant aux Haïtiens de rester en dehors de leur territoire.
Cependant, les gouvernements sud-américains se montrent plus déterminés à fermer leurs portes et à durcir leurs politiques migratoires et de refuge envers les Haïtiens arrivant sur leur territoire, au lieu de créer des conditions pour protéger leurs droits humains [2].
Un accueil digne et humain des Haïtiens constitue le talon d’Achille des gouvernements sud-américains, malgré leur volonté de contribuer à la reconstruction d’Haïti depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Les Haïtiens en Amérique du Sud, une présence de plus en plus remarquable
La présence des Haïtiens en Amérique du Sud est de plus en plus remarquable, principalement en Équateur, au Chili et dans l’Amazonie brésilienne, suivant le constat dressé par AlterPresse.
Par exemple, les flux migratoires haïtiens en Équateur et au Chili, les deux principales portes d’entrée des Caribéens en Amérique du Sud, ont considérablement augmenté durant les trois dernières années (entre 2008 et 2011).
Le nombre d’entrées des Haïtiens au Chili est passé de 392 (en 2008) à 477 (en 2009) et à 820 (en 2010), indique le service national du tourisme du pays sud-américain.
Seulement, du premier janvier au 30 juin de cette année 2011, 669 Haïtiens ont atterri au Chili, selon la même source officielle.
D’autre part, 1,258 Haïtiens sont rentrés en Équateur en 2009 contre 1,687 en 2010 et 1,875 du premier janvier au 30 juin de cette année 2011, d’après les statistiques fournies par la direction de migration de la police équatorienne.

Le cas brésilien
Le cas brésilien est symptomatique de l’accroissement des flux migratoires haïtiens et de leur difficile situation en Amérique du Sud.
Au cœur de l’Amazonie, le plus grand fleuve du monde, personne ne peut s’imaginer qu’on rencontrerait des Haïtiens dans cette région si lointaine.
Ce ne sont ni deux ni trois, mais plus de 500 Haïtiens, hommes et femmes, dont une majorité de jeunes, qui se trouvent actuellement bloqués à Tabatinga, ville brésilienne située au milieu du fleuve de l’Amazonie, dans la triple frontière Brésil-Colombie-Pérou. Ils ne peuvent ni continuer leur voyage à l’intérieur du Brésil, ni rebrousser chemin vers leur pays d’origine.
Après le tremblement de terre qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010, les Haïtiens ont commencé à arriver à Tabatinga par groupes de 8 à 10 personnes. En juillet 2010, 140 Haïtiens avaient déjà transité par cette petite ville brésilienne en direction de Manaus, la capitale de l’état de l’Amazone.
Au total, le nombre d’Haïtiennes et d’Haïtiens, qui sont arrivés à Tabatinga tout au cours de l’année dernière (2010) s’élève à environ 500.
De janvier jusqu’au 18 juillet 2011, 825 Haïtiens ont été interviewés par la police fédérale de migration de Tabatinga, alors que plus de 500 Haïtiens, actuellement bloqués dans cette contrée brésilienne, sont sur la liste d’attente pour être interviewés ou attendent leur protocoles de réfugiés en vue de continuer leur voyage à l’intérieur du Brésil.

Tout un périple et un grand investissement
Le voyage, réalisé par les Haïtiens de leur pays à Tabatinga, est, dans le sens propre du terme, un périple.
Plusieurs d’entre eux voyagent en bus de Port-au-Prince à Santo Domingo ; ensuite de la capitale dominicaine à Quito ou Lima en avion, et finalement à Iquitos et Santo Rosa jusqu’à Tabatinga en bateau.
Les migrants utilisent tous les moyens de transport : avion, bus, bateau.
Le trajet vers la ville brésilienne peut durer des semaines, voire un mois. Seulement, le voyage à l’intérieur du Pérou peut durer de 5 à 6 jours, considérant le trajet de Lima à Pucallpa en bus, et, de là, à Iquitos et à Santa Rosa en bateau.
Dans tous les points du long voyage, d’Haïti à République Dominicaine, Équateur et Pérou, ils sont reçus par des trafiquants, principalement haïtiens, auxquels ils doivent payer d’importantes sommes d’argent pour tous les services rendus : transport, alimentation, logement et l’aide reçue.
Celles et ceux, qui entreprennent le voyage depuis l’aéroport de Port-au-Prince, racontent qu’ils ont été obligés, sous fortes menaces, de verser entre 200 à 1,000 dollars américains (US $ 1.00 = 41.00 gourdes ; 1 euro = 61.00 gourdes aujourd’hui) à des fonctionnaires d’une ligne aérienne et de la migration haïtienne, depuis le premier check-in en arrivant à l’aéroport jusqu’au dernier qui se réalise juste avant de prendre l’avion.
Pour leur extorquer de l’argent, les fonctionnaires haïtiens menacent de leur faire perdre le vol, sous prétexte que la lettre d’invitation ou la réservation de l’hôtel, présentées par les voyageurs, deux documents supposément requis par les autorités équatoriennes et péruviennes, ne sont pas valides.
Le coût total du voyage d’Haïti à Tabatinga oscille entre 2.500 à 5.000 dollars américains.
En plus d’investir le peu d’argent qui leur reste après le séisme dévastateur, les victimes et leurs parents ont dû vendre et/ou hypothéquer tous leurs biens et propriétés pour payer cette grande somme.
Les parents, qui vivent aux États-Unis d’Amérique, contribuent aussi, de manière généreuse, à payer le coût de ces voyages, en leur envoyant de l’argent en Haïti, ou dans les pays où les victimes se trouvent en transit.

Réactions des gouvernements sud-américains
Face à l’accroissement des flux migratoires haïtiens vers les territoires de différents pays sud-américains, aucun gouvernement sud-américain n’a osé accueillir de façon digne les étrangers.
Nul ne veut être le premier à ouvrir ses portes avec hospitalité, par peur d’être envahi par les Haïtiens.
Immédiatement, suite au tremblement du 12 janvier 2010, des gouvernements sud-américains ont manifesté des gestes d’amitié et de solidarité envers les Haïtiens sur leurs territoires, en régularisant leur situation migratoire ou en facilitant le regroupement familial.

Mais, six mois après ?
Ils ont purement et simplement oublié les Haïtiens présents sur leur territoire, se concentrant davantage sur la coopération avec Haïti en vue de la reconstruction du pays dévasté ou pour le maintien de leurs troupes militaires ou policières au sein de la mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah).
À titre d’exemples, la Bolivie n’a fait que fermer sa frontière aux Haïtiens qui utilisaient son territoire pour transiter de l’Équateur vers le Chili, le Brésil ou la Guyane Française.
L’Équateur et le Chili admettent ,avec de plus en plus de rigueur, la rentrée et le séjour des Haïtiens sur leurs territoires. La discrimination frappe bon nombre d’Haïtiens dans ces deux pays, du fait de leur couleur, de leur nationalité et de leur statut migratoire.
Par exemple, même celles et ceux, qui ont acquis en Équateur le visa humanitaire pour 5 ans ou le statut de réfugiés, sont obligés d’abandonner ce pays, en raison de la discrimination dont ils sont victimes au moment de demander du travail auprès d’employeurs qu’ils qualifient de « racistes ».
Outre la discrimination et la stigmatisation, au Chili, la grande difficulté - à laquelle ils sont confrontés - est l’obtention de leur permis de résidence. Pour régulariser leur situation migratoire, ils n’ont d’autre choix que de solliciter de l’État chilien le visa de résidence sujet à contrat de travail.
Malheureusement, le peu d’employeurs, qui acceptent de leur donner du travail, le font de manière informelle sans contrat de travail, par refus de respecter la loi et les droits des travailleurs.
La chaîne de télévision chilienne Chilevisión [3] a réalisé, en mai 2011, un reportage montrant les conditions infrahumaines, dans lesquelles 16 haïtiens travaillaient dans un champ d’oignons près de la ville chilienne de Santa Cruz.
Ces travailleurs haïtiens « saisonniers », qui étaient traités comme « des esclaves », ne disposaient pas de contrat de travail. rapporte le média chilien.
Puisque les Haïtiens ont besoin du contrat de travail pour solliciter leur visa de résidence, des délinquants profitent de l’occasion pour leur offrir de faux contrats.
Les autorités chiliennes ont finalement découvert et démantelé ces réseaux de délinquants, tout en intimant aux migrants, ayant présenté ces faux documents de contrat de travail pour leur demande de résidence, l’ordre d’abandonner le pays dans un délai de 15 jours.
Plusieurs Haïtiens, frappés par cet ordre d’expulsion, ne savent que faire.
Certains d’entre eux ont abandonné le Chili le plus rapidement possible pour se rendre au Brésil ou en Guyane Française, en vue d’éviter le rapatriement vers Haïti.
Au Brésil, la situation est tout aussi difficile pour les Haïtiens.
Prenons le cas de Tabatinga.
Les autorités policières et migratoires de cette ville brésilienne frontalière sont strictes dans l’application de la loi : elles ne considèrent pas les Haïtiens comme des réfugiés, parce que ceux-ci ne fuient pas leur pays « craignant avec raison d’être persécutés du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques », selon la définition du terme « réfugié » appliquée par la Convention de Genève de 1951.
Les Haïtiens fuient leurs pays à cause de la misère et d’un ensemble de facteurs liés à des désastres naturels, tels que tremblement de terre, cyclones, intempéries, souligne le responsable de la migration de Tabatinga.
Ils ne sont pas qualifiés comme réfugiés, mais, pour des « raisons humanitaires », le gouvernement brésilien leur fait une « faveur » en leur délivrant, après interview, des protocoles de réfugiés pour qu’ils puissent continuer leur voyage à Manaus, explique le chef de la police fédérale de Tabatinga.
Ce document, dont rêvent les Haïtiens, autorise le séjour légal des demandeurs d’asile, jusqu’à ce que l’État brésilien prenne une décision finale, après l’examen du processus d’éligibilité - au cas par cas - et sous la coordination du Comité national (brésilien) pour les réfugiés (Conare), organisme du ministère de la justice.
Cependant, les autorités brésiliennes tardent, de plus en plus, à octroyer les protocoles de réfugiés aux Haïtiens, qui peuvent durer de 2 à 3 mois en attente de ce document.
Sans argent dans cette région si isolée du reste du monde, les Haïtiens doivent chercher du travail - dans un contexte où la majorité des habitants de Tabatinga sont en chômage -, en vue de se payer leur nourriture, les frais de logement et de transport en bateau vers Manaus, la capitale de l’Etat de l’Amazone.
Ni les autorités brésiliennes ni les organisations internationales ne leur viennent en aide. Ils ne survivent que grâce à la solidarité entre eux et à la charité des fidèles catholiques du diocèse de Tabatinga.
Au regard de la difficile situation de dizaines de milliers d’Haïtiens en Amérique du Sud, une question s’impose : Pourquoi ces gouvernements refusent d’accueillir de manière humaine et digne les migrants haïtiens arrivant sur leur territoire ? Pourquoi ce refus d’hospitalité ? [wel rc apr 11/08/2011 14:00]
[1] Voir Communiqué du HCR-HCDH sur Haïti en date du 9 juin 2011 : http://www.unhcr.fr/4e03086f6.html
[2] .Voir l’article intitulé Haití-Migración : El sentido de la trascendental petición del ACNUR y la OACDH a gobiernos para suspender las repatriaciones de los Haitianos : http://www.alterpresse.org/spip.php...
[3] http://www.chilevision.cl/home/cont...
http://www.alterpresse.org/spip.php?article11387

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