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jeudi 16 décembre 2010

Le Pr Piarroux a "pisté" le choléra en Haïti

 Publié le mercredi 15 décembre 2010 à 16H29
Le rapport d'un spécialiste marseillais de la Timone établit que les soldats népalais de l'Onu sont en cause
Dans son rapport, l'expert Renaud Piarroux (ici au centre, en bleu, lors d'une mission en RD du Congo) évoque en conclusion la possibilité d'une "enquête judiciaire" sur l'origine du choléra en Haïti.
La mission d'investigation a révélé le caractère sévère et inhabituel de cette épidémie, dont l'origine importée ne fait aucun doute. Elle a démarré aux abords du camp de la Minustah (Ndlr: la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti) et a été propagée de manière explosive du fait de la contamination massive de l'eau de l'Artibonite et d'un de ses affluents par des matières fécales de patients atteints de choléra": les conclusions du professeur marseillais Renaud Piarroux, expert mondialement reconnu accablent l'Onu. Selon l'enquête de terrain de ce spécialiste qui a traqué les épidémies de choléra dans le monde, la bactérie qui a tué quelque 2000 personnes en Haïti provient bien du camp de soldats népalais de la Minustah, situé à Mirebalais.
Cela confirme les rumeurs qui courent dans le pays et qui ont conduit à des incidents entre la population et les soldats de l'Onu. Elle embarrasse l'institution onusienne qui évoque aujourd'hui une épidémie plus large mais aussi les commanditaires du rapport, l'Ambassade de France et le gouvernement haïtien. Il évoque son enquête pour La Provence.
Comment avez-vous procédé ?
Renaud Piarroux : Une épidémie de choléra n'est pas une fatalité après une catastrophe naturelle, comme certains veulent le laisser croire. Chacune d'elle a son origine et son mode de propagation. En enquêtant, du 7 au 27 novembre en Haïti -comme je l'avais fait sur les bords du lac Tanganyika, à Kalémie, jusqu'en 2009-, nous avons, avec mon assistant Benoît Faucher, cartographié les cas signalisés de choléra, avec l'aide de tous les intervenants en matière de santé. Le premier cas, confirmé le 14 octobre près du village de Mirebalais, est un homme de 20 ans. À partir de ce jour, dans cette commune située le long de la rivière la Meye, puis dans les communes en aval, il y a eu une explosion des cas de choléra en quelques jours pour en arriver à un millier de cas le 21 octobre. Une telle épidémie est unique -Haïti représente la moitié des victimes déclarées de choléra sur le globe en 2010- et ne peut être causée par une transmission de personne à personne. C'est bien dû à une contamination massive de l'eau, en quelques heures.
Mais comment prouvez-vous que le camp des soldats népalais de l'Onu est en cause ?
R.P. : Tout d'abord parce qu'il y a une "signature" du bacille vibrio cholerae qui cause la maladie et qui, dans ce cas, est asiatique. Le choléra sévissait dans la région de Katmandou, la capitale du Népal, d'où venaient les soldats de la Minustah. Comme l'attestent plusieurs témoignages, des tuyaux déversaient le contenu des latrines du camp de l'Onu dans la Meye. Au niveau de Mirebalais où les habitants s'approvisionnaient. Puis il y a eu un déversement en une seule fois d'excréments infectés par des milliards de vibrio cholerae dans l'Artibonite, le fleuve dans lequel les patients puisaient l'eau de boisson. Des photos montrent une citerne de l'Onu déversant les matières fécales dans le fleuve. Mon rapport ne voit pas d'autre cause possible.
Mais le choléra s'est propagé à travers tout le pays...
R.P. : Lorsque l'épidémie a explosé à Mirebalais et 40 km en aval, les gens ont fui dans le pays. On en arrive à une contamination classique, de personne à personne.
Pourquoi votre rapport gêne-t-il ?
R.P. : Je fais mon travail de médecin, d'épidémiologiste. Quand une bombe explose, il faut retrouver la minuterie. Le choléra n'est pas survenu en Haïti par génération spontanée. Il est utile de connaître les causes et l'origine pour lutter contre la maladie. Et mettre en place des procédures de surveillance médicales des troupes de l'Onu et de leurs installations sanitaires.
Recueilli par Philippe LARUE (plarue@laprovence-presse.fr )
http://www.laprovence.com/article/sante/le-pr-piarroux-a-piste-le-cholera-en-haiti

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