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jeudi 23 septembre 2010

Haïti joue gros cette semaine à New York

Haïti joue gros cette semaine à New York


Toutes les grosses légumes de la soupe de la reconstruction d'Haïti sont à New York cette semaine, où ils enchaînent meetings et rendez-vous. Lundi, il y a eu une rencontre « informelle, mais importante » des membres de la Commission intérimaire de reconstruction d'Haïti (CIRH), pour citer un des membres qui y a participé. Mardi, le Premier ministre Jean-Max Bellerive a pris la parole devant les 142 représentants d'Etats ou de gouvernements au sommet sur les Objectifs du Millénaire. Mercredi, le président René Préval a débarqué pour prendre part jeudi à la réunion annuelle du Clinton Global Initiative et pour s'adresser au monde entier vendredi à la séance plénière de la 65e Assemblée générale de l'ONU. De gros calibres du secteur privé sont aussi à New York cette semaine, de même que des responsables d'ONG présentes en Haïti.


Haïti: Manhattan est sous haute surveillance depuis huit jours. Chaque coin de rue est bouclé par des voitures de police ou des véhicules banalisés qui ne cachent pas leur appartenance aux forces de l'ordre. Les hommes en veston sombre des services secrets sont aussi nombreux que les policiers. Tout le monde a une arme à la ceinture et une radio de communication à portée de main. Devant les hôtels, c'est le ballet des limousines. Les grosses berlines coupent les files et se faufilent en priorité dans le trafic. De temps à autre, plus souvent que d'habitude, le cri strident des sirènes et l'éclairage bleu-rouge des gyrophares donnent le ton : les chefs du monde passent.
Tout ce que la planète compte de dirigeants importants est à New York pour l'une ou l'autre des rencontres de la semaine. C'est dans ce contexte qu'Haïti doit déployer tous ses charmes pour justifier la confiance placée en son gouvernement depuis le séisme. Haïti doit aussi convaincre que l'argent des donateurs privés, publics et institutionnels est bien engagé et concourt effectivement à la reconstruction du pays.
Haïti est dans une situation spéciale. A l'interne, la patience s'épuise, et à l'international, nos dirigeants doivent répondre aux interrogations sur l'avenir politique de la République à la veille de l'ouverture d'une campagne électorale pour des élections présidentielles et législatives, le 28 novembre. Pour le scrutin présidentiel, aucun candidat ne se démarque encore depuis la sortie de Wyclef Jean de la course. Même si INITE, la plateforme du président René Préval, paraît en bonne position pour remporter la majorité des sièges au Parlement, la communauté internationale cherche des garanties pour bien placer ses billes et ses dons.
Haïti joue donc cette semaine la maîtrise de son destin pour les douze mois qui viennent. Il lui faut inspirer confiance et garantir une certaine stabilité, deux conditions sine qua non pour encourager les bailleurs à tenir leurs promesses.
C'est dans cette atmosphère que lundi, dans un grand hôtel de Manhattan, la CIRH a tenu une réunion de haut niveau en présence de ses deux coprésidents, Bill Clinton et Jean-Max Bellerive, avec les plus importants partenaires de la reconstruction d'Haïti.
Hillary Clinton, Bernard Kouchner, des ministres du Brésil, de l'Espagne, du Canada, du Japon, des responsables de l'Union Européenne, du FMI et d'autres pays amis d'Haïti y ont renouvelé leurs engagements. Selon un membre de la CIRH présent, c'est Hillary et Bill Clinton qui ont pesé de tout leur poids pour faire de cette rencontre une réussite.
« Ce n'était pas une réunion formelle de la CIRH, mais plutôt une de ces occasions que l'on ne doit pas rater, car tout le monde est à New York cette semaine. La rencontre avait pour but d'encourager les représentants des donateurs à reconfirmer leurs promesses et préciser leur agenda de décaissement. Cela s'est bien passé dans l'ensemble... », a estimé ce membre de la Commission joint au téléphone par Le Nouvelliste.

Pour preuve, elle a cité en exemple la signature du protocole sur la reconstruction de l'Hôpital général d'Haïti. « Le 17 août dernier, la CIRH, lors de sa réunion plénière au Karibe, avait annoncé un financement de 17 millions d'euros. Cette somme était insuffisante pour remettre à neuf le plus grand centre hospitalier du pays grandement affecté par le tremblement de terre du 12 janvier dernier. Un mois plus tard, nous en sommes à 50 millions de dollars. La différence de 33 millions de dollars provient des USA et de l'Etat haïtien qui va lui aussi contribuer pour près de 2 millions de dollars. »



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Mardi, c'est le Premier ministre Bellerive qui a pris la parole au sommet sur les Objectifs du Millénaire. Dans les nombreuses rencontres qui se déroulent en marge avec la presse et des notables de la coopération, le PM a dû sans doute expliquer pourquoi nous ne sommes pas de bons élèves depuis l'an 2000. Crise politique de 2003 à 2005, cyclones puis séisme. Toutes les circonstances atténuantes sont versées au dossier de la défense d'Haïti. Mais aussi, il y a le fait que l'argent promis arrive rarement dans les proportions promises et jamais en respect des échéances. Ensuite, il y a la désolante statistique des montants engagés. Moins de cent dollars américains par tête d'habitant dans un pays pauvre et détruit. C'est peu et pas assez.

Autre réunion importante de la semaine, celle du Clinton Global Initiative, une rencontre selecte qui met autour d'une même table les hommes les plus riches du monde et les pays à problèmes. En quelques années, l'ancien président des Etats-Unis d'Amérique a réussi à inventer un Davos d'été autour d'un noble but : résoudre des problèmes concrets. A vingt mille dollars américains le droit d'entrée, les participants ne viennent surtout pas perdre leur temps. Il y aura des PDG d'entreprises, des ONG, des hommes politiques et surtout une belle brochette de dirigeants de tous les secteurs d'activités.

Haïti a été, l'an dernier déjà, un des invités de marque. La situation de l'après-séisme et le rôle que les deux Clinton jouent à un titre ou à un autre dans le cas de Haïti (Madame est Secrétaire d'Etat des USA et Monsieur l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies et Coprésident de la CIRH), placent nos gouvernants sous les feux des projecteurs encore une fois. Il ne semble manquer autour de ces aréopages que nos hommes d'affaires en nombre suffisant (lire l'interview du Premier ministre Bellerive sur ce point et bien d'autres) pour que la synergie nécessaire à la reconstruction soit parfaite.

Toute la semaine, le rôle des officiels haïtiens sera de faire le plaidoyer pour que les engagements soient respectés, les allocations revues à la hausse et maintenues sur une période significative.

Le président Préval, qui a débarqué ce mercredi soir à New York avec la ministre des Affaires Etrangères, Marie Michèle Rey, aura le même rôle à jouer avec, sans doute, un discours similaire. Il devra en plus rassurer que la transition ne viendra pas tordre le cou aux efforts qui sont faits depuis des années pour maintenir la stabilité macroéconomique et assurer la marche timide des institutions démocratiques.

Après avoir informé les principaux candidats à la présidence de son agenda pour la reconstruction, le président René Préval prendra son bâton de pèlerin pour convaincre les dirigeants de la planète de ses intentions et de la situation d'Haïti. A son retour, on ne peut qu'espérer qu'il informera la population de son plan de route.

L'impatience et les incertitudes sur l'avenir peuvent être des trouble-fête en cette période électorale spéciale placée sous le signe de l'urgence et de l'après-séisme. D'autant que pour assurer la bonne tenue des élections, il faudra que les sans-abri votent dans l'isoloir, pas en faisant abstention ni diversion... En ce sens, la déclaration de Wyclef Jean de mettre fin à ses intentions d'attaquer en justice et devant les instances internationales les responsables du Conseil Electoral Provisoire de Gaillot Dorsainvil est une bonne nouvelle pour René Préval.

Le ralliement du PLAPH au processus électoral est aussi un appui de taille. Himmler Rébu et Déjean Bélizaire arrivent autour des urnes comme de bons petits soldats qui n'ont pas laissé la porte du camp se fermer. Le camp de l'espoir de gagner ? Non, celui de l'unité pour les élections...
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com

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