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mercredi 18 août 2010

Cavaillon, un rêve pris en otage

Avec 246 kilomètres carrés, des sols fertiles, un niveau d'éducation acceptable, environ 50 000 âmes qui croient au progrès..., Cavaillon reste une commune aux potentiels multiples. Blottie au coeur du département du Sud, cette commune partiellement boisée et calme se permet de compter sur ses enfants et rêve un jour de constituer seule sa propre circonscription. Haïti: Le plus grand rêve d'un Cavaillonnais est de voir sa commune se séparer de Saint-Louis du Sud, commune avec laquelle elle partage la circonscription Saint-Louis du Sud/Cavaillon. Le maire, Daniel Rivette, fait le constat et le partage. « S'il y a un souhait à faire, c'est que la 49e législature se penche sur le cas de la commune de Cavaillon qui est beaucoup plus grande, en termes de superficie et de population, que beaucoup d'autres communes qui représentent à elles seules une circonscription », clame-t-il, calme et impatient.
Pour certains jeunes de Cavaillon, le fait que les deux communes se partagent une circonscription ralentit les efforts entrepris pour le progrès de la leur. « Nos aspirations sont loin d'être connues des autorités centrales », prétend Michelet Eligène de l'association des étudiants et universitaires de Cavaillon (AEUCAH). Son inquiétude se fonde sur la piètre représentation de la circonscription au niveau politique. « Nos représentants ne sont malheureusement pas à la hauteur pour saisir et adresser nos préoccupations aux espaces qu'il faut », crache-t-il, arguant : « Si la question de décentralisation traversait l'esprit des représentants, ils auraient eu au moins un sujet à débattre avec les autorités de Port-au-Prince. »
Une route nationale qui effleure le centre-ville en pleine construction et 24 écoles secondaires, dont un lycée, comme principales infrastructures, Cavaillon a besoin d'investissements en infrastructures et en production de biens et de services et de formation supérieure. « L'absence d'écoles techniques et vocationnelles dans la commune occasionne trop de fuites de cerveaux », se plaint le maire, qui déplore le refus du ministère de l'Education nationale d'accompagner les écoles classiques. « C'est décourageant de voir des écoles cavaillonnaises se battre seules afin d'améliorer la qualité de leur instruction sans que les autorités port-au-princiennes n'en fassent même pas cas », s'énerve-t-il.
L'incendie de l'usine ''Fabrique de conserves de légumes et de fruits (FACOLEF)'' jette dans le plus grand désarroi les Cavaillonnais qui n'ont plus de possibilités d'emploi. « Le petit commerce risque de remplacer toutes les activités économiques traditionnelles de la commune », s'alarme M. Rivette. L'agriculture, qui dispose de l'un des plus grands canaux d'irrigation du département, n'arrive pas à convaincre ses tenants. Terres morcelées, indisponibilité d'intrants, absence d'accompagnement..., les agriculteurs n'y tiennent plus. « Le travail agricole n'est considéré que comme un hobby », dit-il, arguant que plus de 800 ha de terres sont irrigués en attendant le désensablement des canaux de la FACOLEF.
La culture du vétiver, des tubercules, du cacao, des bananes et des céréales risque de crouler sous le poids des activités de survie telles que le transport à moto et le commerce informel. « Cavaillon vit le pire moment de son histoire », concède le maire.

Une rivière incomprise
Au bord de la rivière, symbole de la commune auquel on dédie un festival annuel, un marché déverse ses lots de déchets. Et comme tout le monde, le maire se plaint de l'irrespect affiché par les gens face à la rivière Cavaillon. « C'est plus qu'inquiétant, fait-il remarquer, pensif. La rivière est un symbole. Elle revêt tout un mythe. Malheureusement les conditions économiques de la population les poussent à se défaire du culte de la rivière qui n'exige que le respect de ce bien commun. »
« Le festival de la rivière perd de son ampleur », se plaint Michelet. Cette activité créée en 2004 n'a pas pu combler les attentes. Car les partenaires ont lâché l'AEUCAH, initiatrice du festival. « On se bat pour tenir les flambeaux de ce patrimoine [la rivière], dit-il. Mais l'Etat, que ce soit au niveau central ou au niveau local, n'a pas su tenir ses promesses. »
L'absence de moyens matériels à laquelle fait face la mairie est loin d'éclipser les efforts d'urbanisme déployés pour faire rayonner de propreté les rues de Cavaillon. « C'est tout cela qui fait dire que Cavaillon est l'une des villes haïtiennes les plus sécuritaires », s'enorgueillit Daniel Rivette.
Un personnel de 25 membres suffit pour diriger cette municipalité qui a sous sa responsabilité 50 000 âmes. « Que ferait-on pour les payer? », questionne le maire Rivette. La seule source de revenus locale est constitué par les impôts locatifs et la subvention du ministère de l'Intérieur et des Collectivités territoriales. La commune peut-elle, dans ce cas, intervenir dans des domaines prioritaires comme l'éducation et la santé ?
« Même les routes agricoles restent un défi pour les autorités municipales qui ne savent plus où donner de la tête », dit-il. La route qui mène à l'unique centre hospitalier de référence de la zone, à savoir l'Hôpital Bonne fin, est en piteux état.
Daniel Rivette ne sait plus quoi faire pour exploiter les potentialités touristiques de Cavaillon, élevé au rang de commune depuis 1796. Il pense à la baie des Flamands, aux vestiges des wharfs coloniaux et aux multiples sites naturels dont regorgent cette commune qui semble être jetée aux oubliettes.
Lima Soirélus
lsoirelus@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=82410&PubDate=2010-08-17

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