Face à une assistance jeune qui prenait des notes avec attention, Gary Victor a précisé qu'il n'y a pas seulement que le récit dans le roman. « Il faut concevoir, argumente-il, les relations entre les personnages. Ce qui demande un travail de préparation mentale. » Le romancier reconnaît qu'on n'est pas dans un domaine scientifique. Ce qui suppose qu'en dépit des techniques de base et des grandes règles générales, l'essentiel du travail du romancier touche à l'imagination et à l'élaboration de cette dernière.
Devant une quarantaine de jeunes et d'étudiants, le romancier Gary Victor n'a pas parlé de son oeuvre à la Bibliothèque du Soleil, le samedi 22 septembre 2007. Il a amplement développé le thème des techniques d'écriture, du moins : les petites recettes qui mènent à la construction d'un livre qui s'appelle roman.
Tout en soulignant que l'écriture est un travail de création où la langue joue un rôle important, le romancier de « A l'angle des rues parallèles » a affirmé que « la priorité est le récit qu'on peut considérer comme la relation orale et transcrite de l'imaginaire. » La conception répandue de l'écrivain comme suprême démiurge traverse, d'un bout à l'autre, tous les secteurs du lectorat. On pense souvent avoir affaire à un personnage hors du commun. Ce n'est pas le cas pour Gary Victor.
Il se présente toujours sans trop grande prétention, sans orgueil intellectuel, tant et si bien que parmi les écrivains haïtiens de sa génération, il peut être considéré comme le plus généreux et le plus simple, malgré l'ampleur de son imaginaire. Les repères anglo-saxons qu'il aime citer traduisent son refus des préjugés littéraires et de la hiérarchie traditionnelle des genres. Il est celui qui démocratise, dans l'éthique et la pratique, le métier d'écrivain.
Face à une assistance jeune qui prenait des notes, Gary Victor a précisé qu'il n'y a pas seulement que le récit dans le roman. « Il faut concevoir, argumente-t-il, les relations entre les personnages. Ce qui demande un travail de préparation mentale. » Le romancier reconnaît qu'on n'est pas dans un domaine scientifique. Ce qui suppose qu'en dépit des techniques de base et des grandes règles générales, l'essentiel du travail du romancier touche à l'imaginaire et à l'élaboration de cette dernière.« Le récit, selon Gary Victor, a une relation directe avec la vie d'êtres humains avec leur pulsion, leur volonté de réaliser quelque chose. » Mais, dans ce parcours, « il y a un élément qui l'empêche d'atteindre ce désir, d'où le conflit posé dans les relations du personnage avec le vécu réel. »Sans le dire, Gary Victor nous révèle un des secrets les plus importants de la vie : on ne peut accomplir quelque chose dans ce monde sans affronter des obstacles. Il y en a qu'on surmonte et on reçoit le bravo. Il y en a qui vous laisse vaincu et accablé. Ils demandent, parfois, de recommencer l'aventure de l'existence, comme une perpétuelle rotation.
« Cet élément qui empêche au personnage d'atteindre un désir provoque chez ce dernier des sentiments, » avance Gary Victor qui soutient que « le moment le plus fort est d'identifier là où le sentiment touche au tragique et devient le plus poignant. » Ceci demande une économie de narration. Gary Victor évite les trop longues descriptions qui promènent le lecteur dans le décor. Il s'agit pour lui de traduire ce que le personnage vit de l'intérieur. Le romancier prend l'exemple de l'école américaine qui « amène le personnage presque à sa destruction. C'est à ce moment de climat maximal, souligne le romancier, que le personnage va tout tenter pour sortir du conflit. »
Gary Victor a pris l'exemple du crucifié qui était arrivé au sommet de son drame après avoir été déséquilibré, frappé, bousculé jusqu'à se surpasser par un mouvement de volonté dans le sens nietzschéen du terme. Il aurait fait une refondation de lui-même, de son identité et des éléments antérieurement désarticulés en son corps et en son esprit. Peut-on parler d'une technologie ? Le littéraire ne va pas jusque-là, mais on soupçonne que cet habitué de la manipulation de personnages pris dans des contextes conflictuels sait quelque chose du rôle des contradictions dans la perfection de l'homme.
Il a posé la problématique de la langue qui, selon lui, demande sinon une maîtrise grammaticale absolue, du moins un bon contrôle formel. Il cite les longues phrases de Marcel Proust recherchant un temps de nostalgie perdue au milieu d'essoufflements asthmatiques qu'il tente de vaincre en libérant le verbe. Gary Victor a précisé que l'écrivain « transgresse toujours les tabous, car le travail de la création est une libération de soi contre les contraintes religieuses, morales, sociales, tout en restant généreux avec soi et avec les autres. »
Gary Victor soutient que l'écrivain qui réussit une oeuvre va au-delà des données de la mode et de l'esthétique. Le romancier évoque la situation de la mère de Manuel de Gouverneurs de la Rosée qui, devant le cadavre de son fils assassiné, trouve le courage de dire à l'assistance éplorée qu'il ne faut surtout pas qu'on sache qu'il a été tué...A une question du professeur Wébert Lahens au sujet de La Piste des sortilèges, Gary Victor avoue qu'il y a « tant d'entrées et de sorties que je craignais me perdre dans les agencements. » Le chroniqueur culturel et animateur Emmanuel Jacquet est intervenu pour insister sur « le souci du mot » dans l'oeuvre des écrivains. Gary Victor reconnaît que le romancier est un sculpteur de termes. Il a parlé de son choix des écrivains anglo-saxons qui accordent une place au fantastique dans leurs oeuvres.
L'intervention du romancier Gary Victor est la première d'une série qui se terminera le 17 octobre 2007. Placées sous le thème « Les ateliers du soleil », ces conférences didactiques, méthodiques et techniques sont initiées à la bibliothèque dans le but de permettre aux universitaires de sortir des généralités au sujet de la culture haïtienne et de comprendre les savoir-faire de notre patrimoine imaginaire.
Les ateliers se poursuivront samedi 29 septembre avec Théodore Beaubrun Junior de Boukman Eksperyans.
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=48983&PubDate=2007-09-28
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
samedi 29 septembre 2007
Gary Victor : une économie de la narration
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