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jeudi 23 août 2007

Une commune où tout est prioritaire

Pas de route, ni de commissariat de police, ni de téléphone ... pas d'eau potable, ni d'électricité, ni un vrai centre de santé ... la mairie privée de moyens ... les écoles dépourvues de professeurs compétents ... Fonds-Verrettes est l'une des communes du pays où vraiment tout est prioritaire. Classée parmi les dix communes les plus pauvres du pays, elle a quand même des ressources qui, exploitées à bon escient, peuvent contribuer à son relèvement.
Depuis les inondations du 23 mai 2004, la commune de Fonds-Verrettes peine à retrouver ses lustres. Les ruines laissées par cette catastrophe témoignent encore de son ampleur et de son impact sur cette population d'environ quarante-cinq mille habitants voués à l'exode. Commune frontalière, Fonds-Verrettes était, avant 1978, une section communale verdoyante de Ganthier. Aujourd'hui, son premier citoyen, Jean Junel, le compare à une arithmétique, car il y a tant de problèmes, les uns plus urgents que les autres.Environ trente ans après son élévation au rang de commune, avec seulement une section communale, Fonds-Verrettes présente l'image d'une communauté abandonnée, livrée à elle-même.
Pour un nouveau centre-ville
L'emplacement de l'ancien centre-ville est aujourd'hui un amas de cailloux sur lesquels des détaillants, en majorité des femmes, étalent leur petit commerce. Tout l'espace peut être comparé à une longue savane bordée de montagnes dénudées. Ce qui occasionne de fréquentes inondations dans cette zone qui a la configuration d'une cuvette très profonde. Après les inondations du 23 mai 2004, le gouvernement de transition du Premier ministre Gérard Latortue avait promis de procéder à l'expropriation forcée pour cause d'utilité publique en vue de reconstruire la ville dans les hauteurs et sur des bases plus solides. Des plans ont été conçus, mais il n'y a pas eu de suivi. Et la population continue à faire face à toute une kyrielle de difficultés.
A Fonds-Verrettes, les infrastructures de base sont rares, sinon inexistantes. Depuis les évènements des années 2003-2004 ayant entraîné la chute du président Aristide, il n'y a pas de présence policière dans cette commune peuplée de quarante-cinq mille âmes. Aucune des compagnies de téléphonie n'est accessible. Pour placer ou recevoir un appel, il faut se déplacer vers la commune de Ganthier située à plusieurs kilomètres en aval. Une suite de démarches sans succèsLe commissariat de police a été déchouqué au cours de ces événements. Les inondations de 2004 ont parachevé l'œuvre de destruction du bâtiment. Depuis lors, aucune autorité n'a jugé bon de réaffecter des policiers à cette commune pourtant frontalière à la République dominicaine.
« Cette absence de présence policière dans la commune occasionne en grande partie la délinquance juvénile, indique Daumec Pierre, juge de paix suppléant. Le fonctionnement du tribunal est ainsi paralysé puisqu'il n'y a pas de force de l'ordre lorsqu'il est question d'exécuter les décisions de justice. » Des démarches auprès de l'ancien ministre de la Justice, Me Bernard Gousse, et de l'ex-directeur général de la PNH, Léon Charles, ont été entreprises mais sans succès. Avec l'arrivée de l'actuel ministre de la Justice, Me René Magloire, et le retour de Mario Andrésol à la tête de l'institution, les mêmes démarches ont été renouvelées.
Cependant, elles n'ont pas encore abouti à des résultats concrets, déplore le juge de paix suppléant de Fonds-Verrettes. Le magistrat a poursuivi ses démarches, dit-il, auprès de son supérieur hiérarchique immédiat, le commissaire du gouvernement de la juridiction de Port-au-Prince. En dépit d'un lot d'accusés de réception qu'il détient, ce dernier n'a pas encore jugé bon de donner suite à ces démarches, a-t-il ajouté.

La nature a horreur du vide

Pour faire face à ce dilemme, le juge de paix, de concert avec d'anciennes autorités locales dont l'ex-maire, Franckel Nelson, l'ex-député de la circonscription, François Sanozier et un inspecteur de police connu sous le prénom de Domond, a procédé à l'engagement de volontaires baptisés « informateurs de police ». Ces derniers aident à l'exécution des décisions de justice. Quand le cas nécessite une enquête plus ou moins approfondie, le prévenu est transféré à Croix-des-Bouquets pour les suites nécessaires.
Cette pratique est inconstitutionnelle, reconnaît le juge de paix suppléant de Fonds-Verrettes. Aussi réclame-t-il à cor et à cri l'intervention des autorités concernées en vue d'y remédier.C'est dans ce contexte que les autorités centrales ont organisé, le week-end écoulé, un forum communal à Fonds-Verrettes en vue de déterminer les besoins pressants de la population au regard du Document de Stratégie nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP). Au cours de ce forum, autorités locales, notables et paysans ont mis à nu les problèmes auxquels fait face la population de cette région du département de l'Ouest.
Pourtant, cette région offre de grands avantages comparativement à d'autres communes du pays où les ressources naturelles sont rares. En effet, oignon, pomme de terre, carotte, cresson et autres légumes font partie des principales denrées produites dans cette région.
Cependant, l'état lamentable de la route y conduisant occasionne souvent la perte de ces produits. C'est aussi dans la commune de Fonds-Verrettes que se situe la Forêt-des-Pins. Cette forêt, lieu touristique par excellence, est malheureusement mal exploitée et livré aux prédateurs. Impuissant et désarméTous les matins ou presque, indique le premier citoyen de la commune, des camions chargés de planches, de madriers et de charbon de bois reviennent de la forêt. Arrivés à Fonds-Verrettes, ils brandissent une autorisation portant le sceau de la mairie, alors qu'il dit n'avoir jamais délivré de tels documents. Ironie du sort, la plupart des conducteurs de camion sont armés ou ont des hommes armés à bord alors que la mairie ne dispose pas d'armes.
« Le désarmement se fait au niveau de Port-au-Prince et des grandes villes de province. Malheureusement, regrette-il, alors que certains bandits viennent se cacher à la campagne et surtout dans la zone frontalière. »
En amont, le déboisement fait rage. En aval, les conséquences sont graves. Les fréquentes inondations en sont des preuves palpables. La mairie ne dispose que d'un budget de fonctionnement et d'investissement de soixante mille gourdes par mois, soit moins de trois gourdes par mois par habitant. Promesse lui a été faite d'augmenter ce budget de 50%. Et là encore, cette somme, même quintuplée, ne pourra résoudre "l'arithmétique" de problèmes de la commune.
Aussi, les Fonds-Verrettiens espèrent-ils que ce forum sera un levier qui va contribuer effectivement au relèvement de la communauté. Espérance qui rejoint les objectifs poursuivis par les autorités constituées et les promesses qui les accompagnent. Promesses qui seront matérialisées dans le concret, à en croire les différentes autorités qui s'étaient rendues, le week-end écoulé, au chevet de Fonds-Verrettes.
Samuel BAUCICAUT

baucicaut@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=47559&PubDate=2007-08-23

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