Publié le 09 janvier 2011
Le Soleil
(Québec) Le calme est revenu dans la famille Trân. Un an après la tourmente du séisme en Haïti, la famille du célèbre maître de taekwondo Trân Triêu Quân a terminé son deuil. Mais si le disparu repose en paix, ses deux filles continuent à déplorer le sort réservé aux familles lors du décès d'un proche à l'étranger.
La mort tragique de Trân Triêu Quân à Port-au-Prince avait créé bien des remous il y a un an. L'homme d'affaires québécois d'origine vietnamienne s'était rendu en Haïti pour la deuxième fois en janvier 2010 afin d'y aider les citoyens à respecter des normes de construction plus sécuritaires en cas de séisme ou d'ouragan.
Le destin aura voulu que l'homme de 57 ans périsse comme bien d'autres sous les décombres de l'Hôtel Montana, où il logeait à Port-au-Prince. Aujourd'hui, l'histoire semble triste mais limpide. Il y a un an, elle était confuse et cauchemardesque pour la famille Trân.
Trân Triêu Quân a été porté disparu peu de temps après le tremblement de terre. Mais au-delà de ce constat, c'est le brouillard. Les membres de sa famille, en quête désespérée de réponses, ne trouvent aucun réconfort auprès des autorités canadiennes et des différents ministères. Pas de coups de fil, pas d'accusés de réception à leurs demandes. Pas d'information. Le néant ou le flou, selon l'interlocuteur auquel ils se butent dans leurs démarches pour confirmer la mort de leur père.
La famille Trân est devenue pendant quelques semaines un symbole dans la région de la grogne des familles touchées par le séisme. De tous ces gens incapables d'enfin entamer leur deuil. «Nous, ce qu'on avait décrié, c'est de ne pas avoir d'information du ministère des Affaires étrangères. Des fois, de se faire dire des choses, alors que dans la réalité ils n'étaient pas au courant. C'était la partie la plus difficile à accepter», raconte aujourd'hui sa fille Cécilia.
Plusieurs familles ont ouvertement appuyé les sorties publiques des filles de Trân Triêu Quân, mais d'autres n'ont pas apprécié. Une petite souffrance en comparaison des centaines de milliers de morts en Haïti, ont reproché certains. «Il faut se rendre compte que dans une telle situation, quand tu es dans un contexte qui est aussi gros, tu as l'air de te plaindre pour rien lorsque tu demandes des petites choses. Si jamais c'est un cas isolé, la réponse ne sera pas la même. Des gens nous ont écrit après le séisme en nous disant : "Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais il y a des centaines de milliers de personnes qui sont mortes, il n'y a pas juste vous dans la vie."»
Bien consciente de l'ampleur de la catastrophe naturelle, sa fille aînée Joliette souhaitait avant tout mettre en lumière les besoins des familles endeuillées. «Que les gens comprennent, tout ce qu'on a besoin, c'est que quelqu'un soit là pour nous rassurer. Pas pour nous dire des faussetés, mais nous dire où en est le gouvernement canadien là-dedans. C'est frustrant de voir qu'il n'y a rien qui est fait. Quand on appelait le numéro de téléphone contact, ce n'était jamais la même personne qui répondait, il n'y avait pas de suivi.»
Les proches de Trân Triêu Quân auront eu besoin d'aller bien au-delà des sorties médiatiques pour connaître la vérité. Au bout de plusieurs semaines d'angoisse, ils ont dépêché le frère du défunt, Lân, et son fils Nicolas à Port-au-Prince pour y voir plus clair.
Le corps a été finalement retrouvé et rapatrié à Québec. Les funérailles ont eu lieu selon la tradition bouddhiste devant quelques centaines de proches. La poussière est retombée. Le message, lui, demeure le même. «Il y a quelque chose qui manque. Si jamais autre chose arrive, je suis presque certaine que des familles vivront encore la même chose. Et nous n'apprenons pas de ça. Quand la catastrophe arrive, ce n'est pas le temps de mettre le mécanisme en place pour s'occuper des familles», insiste Joliette Trân, qui poursuit aujourd'hui les activités de son père au centre de taekwondo Trân Fusion à Sainte-Foy.
Plus de colère. Plus d'amertume. Seulement cette revendication douce. Et une grande fierté aussi : celle de constater l'énorme reconnaissance des gens d'ici depuis la mort de leur père. «Beaucoup de gens connaissent mon père, plus qu'on croyait. Et il a touché beaucoup de gens. Nous avons reçu des témoignages et des condoléances d'un peu partout dans le monde. Je pense que ce n'est pas fini encore. On a tellement de gens qui sont venus pour nous parler. J'ai l'impression que ça va toujours continuer», raconte Cécilia.
Et sa soeur Joliette de conclure avec cette anecdote : «Des fois, les gens m'arrêtent, sans que je sache trop pourquoi. Les gens me disent : "Vous êtes la fille de..." Des fois, ils connaissent mon père, mais des fois, pas du tout. Ils me disent que mon père était bien. Quand on aime quelqu'un, c'est toujours agréable de savoir ça.»
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/dossiers/seisme-en-haiti/201101/08/01-4358405-haiti-la-revendication-des-tran.php
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
dimanche 9 janvier 2011
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