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mardi 21 décembre 2010

En Haïti, la reconstruction est au point mort

Le 12 janvier, un séisme dévastait Haïti. 250 000 tués, 1 500 000 sans-abri. Retour sur les lieux du drame.

Port-au-Prince. De notre envoyé spécial
Cela saute aux yeux dès les premiers faubourgs, après avoir quitté l'aéroport international Toussaint-Louverture. Rien n'a changé. Rien de visible, en tout cas. Les maisons effondrées restent des tas de ruines. Par endroits, une parcelle nette. Mais elles sont rares !
En remontant par Delmas, l'un des deux grands axes de Port-au-Prince, on croise les premiers camps. Les sans-abri s'y sont installés dès le soir du tremblement de terre. Ils y sont encore. L'organisation internationale pour l'immigration (OIM) a recensé 1 376 de ces campements de toile. Leur nombre n'a pas bougé. Ils sont juste un peu moins peuplés. De 1,5 million, la population des déplacés est passée à environ 900 000.
Par endroits, une tente sur la terrasse d'une maison en chantier. Un privilégié qui, au moins, dispose d'un espace à lui. Mais devant, dans la rue, des tas d'ordures. Des cochons qui fouillent dedans et, à côté, des gosses qui jouent, qui rient.
« Rien n'a changé »
Partout dans la capitale, des habitations qui menacent ruine, châteaux de cartes branlants qui font peur. Pas une tractopelle, aucun de ces gros engins de chantier pourtant si efficaces. Ce n'est qu'au bout de dix jours, en repartant vers l'aéroport, que je croiserai le premier Caterpillar jaune qu'un camion achemine vers un chantier.
Où est-elle, l'aide promise ? Où sont-ils passés les milliards de dollars que la communauté internationale avait juré d'apporter au pays mutilé ? Place du Champ de Mars, dans le centre de la capitale, les ministères continuent de ressembler à des immeubles bombardés. Le palais présidentiel, fierté des Haïtiens, est toujours à terre.
« Rien n'a changé », dit Jonas, le chauffeur du vieux 4x4 coréen qui nous transporte en sautant sur la chaussée défoncée. Les rues de Port-au-Prince sont toujours aussi crasseuses, offrant un contraste saisissant avec la propreté de la population, polos toujours nets, pantalons impeccables. On trouve sur les trottoirs les mêmes petits marchands - les ti komes (petits commerces) - qui vendent aussi bien des chaussures, que des bananes, des poulets vivants, des comprimés d'aspirine à l'unité ou des pneus rechapés. Jonas a raison, rien n'a changé.
La survie s'est organisée
Dans Pétion-Ville, un immeuble neuf, tout de même. Un market, comme on appelle ici les supermarchés. Il appartient à des Libanais et avait été mis en chantier avant le séisme. Aucun rapport, donc, avec la solidarité internationale. De même, le marché Hyppolite, superbement rénové dans le style Eiffel, près du Champ de Mars. C'est un privé, l'opérateur téléphonique Digicel, qui a payé la note, 8 millions de dollars.
Dans les camps, la survie s'est organisée. Les draps tendus entre des piquets ont été remplacés par des tentes. Au fil des mois, la toile s'use, quelquefois part en lambeaux. De grandes bâches distribuées par les ONG améliorent l'étanchéité. À l'intérieur, les vêtements, les ustensiles de cuisine, quelques rares provisions éparpillées car, évidemment, il n'y a aucun meuble. À même le sol, un grand matelas sur lequel on dort à cinq ou six, dans quelques mètres carrés.
Joseph, 38 ans, nous montre son logis, au camp de la place Boyer. Comme beaucoup, il a construit des bas de murs en mortier pour éviter que l'eau entre quand il pleut. Il a aussi installé un cadre de porte et posé de la tôle ondulée rouillée sur le toit. La tente devient cabane. « Les camps sont en pleine bidonvilisation. C'est un des gros problèmes », confirme Lucile Grosjean, d'Action contre la faim.
« On ne reçoit plus rien du tout »
Dans la ville, on croise sans arrêt des véhicules aux sigles des organisations internationales. Haïti, surnommée « république des ONG », en compterait plus de 10 000. Mais la majeure partie des camps ne reçoit quasiment pas d'aide de leur part, surtout depuis que le gouvernement a interdit les dons de nourriture pour ne pas ruiner le petit commerce des rues - et les grandes familles qui tiennent l'importation, glisse un volontaire d'une ONG. « On ne reçoit plus rien du tout », confirme Onise, 20 ans, qui habite dans une tente de la place Saint-Pierre, à l'un des pires emplacements, près des toilettes. Il s'en dégage une odeur effroyable, car elles ne sont vidées que tous les quinze jours.
La jeune fille est à bout. Sa cousine a failli être violée, la semaine dernière, dans une tente voisine. Désormais, elle dorment ensemble. « On a peur toutes les nuits », disent-elle. Des milices sont organisées dans les camps. Mais l'insécurité règne. Benita, quatre enfants, montre le petit abri de toile où elle rangeait le lait et le chocolat qui lui servait à un ti biznes de boisson, dans la rue. « On m'a tout volé. Je ne peux plus gagner d'argent », se lamente-t-elle.
Comment font-ils pour tenir, ces gens sur lesquel le sort s'acharne ? Comment peut-on résister au tremblement de terre, aux cyclones, aux émeutes politiques, à l'épidémie de choléra qui a déjà fait 2 500 morts et plus de 115 000 malades ? « On est Haïtiens, on est durs au mal, on s'habitue », dit Evelyne, ancienne croupière de casino, désormais au chômage.
Marc MAHUZIER
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