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samedi 14 août 2010

Jude CNE, candidat de INITE

Jude Célestin. Ce nom ne vous dira pas grand-chose tant l'homme est discret. Dites Jude CNE, du nom du service des équipements lourds qui réalise des routes aux quatre coins du pays, et tout le monde sait que l'on parle du directeur général du Centre National des Equipements, le bras robuste et fidèle qui permet à René Préval de donner forme à ses projets les plus audacieux en terme d'aménagement du territoire. Le Nouvelliste vous présente Jude Célestin, le jeune qui a ravi la place à Jacques Edouard Alexis pour devenir le candidat de INITE. Haïti: Jude Celestin est né le 19 juin 1962 à Port-au-Prince d'une mère originaire de Grand Gosier et d'un père jacmelien. Le candidat de INITE est un produit de ce Sud -Est si important aux yeux du sénateur Lambert, il y garde des attaches solides et a pied à terre à Thiotte où il a pendant des années cultivé des terres et investi dans l'exploitation de caféiers.
Jude passe son enfance au Bois-Verna dans la bâtisse qui loge le collège Fernand Prosper. Toute la famille est d'ailleurs composée d'enseignants : son père, sa mère, ses tante et oncle, tout le mode fait sacerdoce de transmettre le pain de l'instruction.
Le futur candidat a une enfance tranquille et fréquente le Petit Séminaire Collège Saint Martial. Il a la chance d'aller à l'ecole  pendant quelques années en fréquentant le collège Fernand Prosper avant d'achever son secondaire au Centre d'études Secondaires. Ses études achevées, il part pour la Suisse et entreprend une formation universitaire en génie. Il se spécialise dans la mécanique. Le travail manuel le fascine, la vitesse et les moteurs aussi.
En 1985, ingénieur en mécanique, il revient en Haïti et commence à travailler à la Minoterie d'Haïti. Sa première quinzaine de travail, il la passe en salopette, les mains dans le cambouis, à réparer tout ce qui ne marche pas.
Résultat : sa paie est de six cent soixante gourdes soit quarante gourde par jour. Le salaire d'un simple ouvrier. Le Français qui dirige le service où il est affecté lui présente des excuses : on a confondu l'ingénieur avec un manoeuvre tant il mettait la main à la pate.
Il gravit tous les échelons de la direction technique avant de devenir directeur d'usine en 1991. C'est le plus haut poste dans l'entreprise à côté du directeur général qui siège en ville, à la rue Pavée. Jude règne sur Lafitteau. En cette année 1991, la Minoterie marche bien, l'ingénieur veille.
C'est à la Minoterie qu'il rencontre pour la première fois René Préval, Premier ministre à l'époque, lors d'une visite d'inspection de celui-ci. L'histoire d'une longue amitié commence, mais les deux hommes ne le savent pas encore.
Entre-temps, Jude Célestin se marie, divorce, est père de famille. La famille, il en fait son roc. Il en est le leader d'ailleurs pour son clan. Sa soeur Rita, très proche de lui témoigne qu'il n'est jamais là pour les fêtes, mais le premier qui accourt quand il y a des pleurs ou un problème quelconque.
Passionne des gadgets, sportif, coureur automobile, fan de moto cross, ce séducteur qui ne fréquente pas les fêtes dort peu et se réveille tous les jours à 4 h 30 pour être au bureau à 6 h.
En fait, il est enchaîné à son travail, quel qu'il soit. Aujourd'hui, en fait jusqu'à sa démission remise au président Préval, il ne vivait que pour son CNE inventé pour lui au fil des années de bons et loyaux services.
« Parrain de mon mariage, il arrive en retard, de peu, il a failli me conduire à l'hôtel en bottes et salopettes », raconte Rita Célestin.
Fin 1997, Jude Célestin rencontre à nouveau René Préval qui cherche un ingénieur pour s'occuper du parc des équipements lourds que la présidence est entrain de constituer pour pallier aux déficiences du ministère des Travaux Publics.
Jude a deux qualités qui impressionnent le président. Il est calme, discret même, appliqué et fait ce qu'il doit faire dans les délais, sans entrer dans les discussions à n'en plus finir des ingénieurs des Travaux publics. Au fil, des mois, Préval le renforce dans son rôle d'interlocuteur privilégié de la présidence et donne à Jose Ulysse la responsabilité du SMCRS. Les deux hommes étaient sur les rangs pour piloter le CNE.
Le CNE fait de beaux coups et quelques couacs. N'en déplaise aux autres Préval s'en emmourache et les critiques le renforcent dans son choix. A la fin de sa présidence en 2001, le CNE est déjà une très belle machine.
Le retour de Jean Bertrand Aristide, qui ne fait pas des routes sa priorité, met de l'eau dans le gaz des ambitions du Centre National des équipements. Les moyens baissent. Se réduisent à presque rien. En février 2002, Jude Célestin quitte son poste.
La traversée du désert, il le passe à l'Unops, un organisme des Nations Unies mais surtout à Marmelade auprès de René Préval qui s'est replié sur la ville natale de ses parents. Préval qui mange son pain noir apprécie la compagnie de celui qui est ce fils qu'il n'a pas et cet ami qui le comprend plus que les autres, rapporte un habitué des week-ends à Marmelade pendant cette période.
En 2006, Jude, fin tacticien ne remonte pas sur les tracteurs du CNE dès le retour de son président au pouvoir. Le Centre est l'objet de scandales. Le parc d'équipements est en pièces. Il y a plus de carcasses que de tracteurs sur la cour de l'ancien Seprenn le Service Permanant d'Entretient Routier du Ministère des Travaux Publics à Varreux où loge le CNE.
Cette bâtisse, quand Jude en parle, il a la nostalgie des premiers moments quand un soir le président Préval lui demande d'aller visiter les locaux désaffectés du Sepren pour savoir si cela peut convenir pour l'organisme qu'il rêve de mettre sur pied.
Quelques jours plus tard Jude Célestin y prend poste avec pour siège une marmite surmontée d'un morceau de carton et cinq employés dont certains y sont encore. La route qui le conduira à devenir Jude CNE n'était pas clairement tracée à l'époque.
Toute l'année 2007 le CNE se débat dans des affaires administratives. Une commission d'évaluation fait le ménage et ce n'est qu'en septembre 2008, que le directeur des années fastes du CNE reprend le contrôle après les ravages des quatre cyclones.
Il faut tout reprendre à zéro pour regarnir le CNE. Les millions abondent. Le maillage routier annoncé par le président Préval ne se concrétise pas avec les fonds de la communauté internationale mais se fait, partout, à travers le pays, grâce à l'opiniâtreté des techniciens du CNE. Continuer >

Toujours présents, de jour comme de nuit, les camions et tracteurs percent des voies, nivellent des talus et construisent les routes promises par le président pendant sa campagne présidentielle ou pour lui permettre de faire d'un élu un allié.
Jude reprend les anciennes formules. Il se remet à recruter des femmes. Avant son départ, en 2002, près de 50% du personnel du centre est de sexe féminin. Chauffeurs de camion, operateurs d'engins lourds, mécaniciens, moniteurs, ingénieurs, les femmes font tout au CNE. Elles s'en iront, débaucher par des ONG ou par des entreprises dans le secteur de la construction.
A son retour en 2008, Jude Célestin recommence avec les dames. « Elles donnent des résultats extraordinaires. Sont les meilleures élèves lors de l'apprentissage, sont appliquées après. Leurs équipements sont propres et bien tenus. Elles sont fiables et prennent soin de tout ce qui est sous leur responsabilité. Atout supplémentaire, elles ont un pouvoir d'attraction extraordinaire. Dans un quartier difficile, elles monopolisent l'attention, calment le jeu. Sur les chantiers durs, leur présence galvanise les hommes qui ne veulent pas perdre la face », confesse Jude Célestin pour expliquer son parti pris pour le sexe faible dans la réalisation de tâches qui sont réputées pénibles, interdites aux femmes.
Jude avoue même que l'intégration des femmes au CNE est l'une de ses plus grandes réussites au sein de cette institution. « Quand une femme travaille, on peut être sûr que les enfants sont bien nourris et vont à l'école, que la maison est bien tenue et qu'il y aura de l'épargne », confie celui qui est aussi changé de recueillir les confidences de ces dames qui devenues autonomes et chef de famille grâce à leur chèque doivent calmer la déprime de leurs maris, souvent chômeurs.
L'autre satisfaction de Jude : les nouvelles routes percées sous sa direction par le CNE. Et il raconte son expérience sur le tronçon Lascahobas-Belladere, il y a quelques années.
« Il fallait une semaine, une semaine pour franchir les 21 kilomètres qui séparent les deux villes. Nous nous sommes mis au travail et avons réussi à faire la route en inventant des solutions au fur et à mesure sous le regard curieux et moqueur des riverains. Il a fallut à un certain moment « enterrer la boue » en creusant des tranchées immenses où on prélevait des matériaux et où on versait la boue retirée de la chaussée. Quand on eut fini, pendant les dernières semaines des travaux, personne de l'équipe du CNE ne payait (rien) aux habitants de Belladere. Tout leur était offert en signe de remerciement», raconte avec des yeux qui brillent le candidat de INITE qui reçoit Le Nouvelliste chez lui dans les hauteurs de Pétion-Ville, ce vendredi.
Jude ne s'est pas étendu sur le déroulement de la semaine décisive qui l'a vu devenir le candidat de INITE en emportant la décision après la démission de Jacques Edouard Alexis de la Plateforme après une réunion orageuse vendredi dernier avec les mammouths du parti-plateforme.
Pour le moment, il partage son temps en séances de réflexion sur le programme qu'il aura à défendre, en réunion de préparation de sa future campagne électorale et en rencontres avec les élus, candidats et soutiens de la Plateforme présidentielle.
Quand on demande à ses conseillers s'ils sont confiants à veille du carnet du 17 août, l'un d'eux répond sans ambages « toutes les pièces requises par la loi électorale ont été soumises au CEP, nous sommes confiant de la suite. La seule personne qui contestait la candidature de Jude a désisté ».
Ceux qui entourent le candidat sont des vieux de la vielle qui ont fait et gagné toutes les campagnes électorales depuis 1990 et aidé deux hommes à accéder à la magistrature suprême en quatre occasions. Ils connaissent le terrain et les hommes qui la composent. Jude leur apporte le bain de jouvence qui ne coule plus dans leurs artères et c'est cela tout le charme du candidat qui apprend de ces expérimentés tuteurs dont le président Préval est le premier d'entre-deux.
Quand on demande à Jude Célestin ce qu'il pense de son choix comme candidat à la présidence pour la plateforme INITE, il devient pensif et sort une anecdote qui date de vendredi dernier, le jour où il est entré au palais à la réunion de désignation directeur général du CNE et en est ressorti avec la responsabilité de défendre les couleurs de la Plateforme.
« Avant d'aller au palais, j'étais à la Croix des Bossales pour visiter un chantier. Les égouts obturés, l'eau arrivait au mollet des marchandes restées là pour débiter leurs marchandises. Quand je suis entré dans l'une des rues avec ma voiture, une dame m'a apostrophé : « ou fou pou ap antre la a ak bel machin sa a ». Je voyais qu'elle s'inquiétait du sort de la voiture alors qu'elle pataugeait dans la boue. Après ma désignation, c'est à elle que j'ai pensé en premier en me disant qu'il allait me revenir, plus encore qu'avant, de la sortir de cette situation, elle et tous les autres Haïtiens », raconte un Jude réputé peu bavard mais qui a mille histoires à raconter, une sur chaque mètre de chantier qu'il a mis en place ces dernières années.
La force du candidat Célestin est d'ailleurs d'avoir des points d'encrage dans chaque commune du pays. Nombreux sont les élus locaux qui lui sont redevables d'un coup de tracteur qui a assuré leur élection ou améliorer le décor d'une fête patronale. Même soutien auprès de ceux qui tiennent les cordons de la bourse, élément déterminant dans une campagne électorale.
Celui qui se présente comme un homme simple, travailleur, qui respecte tout le monde et aime son pays, va se présenter dans le premier combat électoral de sa vie et cela au plus haut niveau. Ceux qui le croient dénué d'expérience politique oublient qu'il fait partie du premier cercle du pouvoir de René Préval depuis plus de douze ans.
« Samedi après le dépôt de ma candidature, je me suis dit que je devaiS appeler tout le monde, tous ceux qui veulent, qui savent travailler pour qu'il viennent participer au relèvement du pays. On va avoir du boulot et comme pour le CNE, seule une équipe où chacun fait ce qu'il a à faire pourra relever le défi»
Jude CNE va mettre sa machine en route. Le tracteur de l'INITE a un jeune chauffeur.
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com

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