Google

vendredi 20 août 2010

Beaucoup de bruit pour rien

Publié le 20 août 2010 à 14h
«Beaucoup de bruit pour rien» (Much ado for nothing). Le titre de la célèbre pièce de Skakespeare décrit avec aplomb le coup de tonnerre provoqué sur l'échiquier politique d'Haiti et dans le monde entier la candidature surprise de Wyclef Jean à la présidence de ce pays politiquement corrompu jusqu'à la moëlle. Simplement parce que tout ce tintamarre médiatique, ces bavardages, engueulades, coups de griffe de tous genres, pour ou contre, et au premier chef la colossale trouille que cette candidature a donnée à l'ensemble des politiciens haitiens responsables de la faillite du pays amplifiée par le séisme du 12 janvier dernier ne riment finalement à rien et ne mènent Wyclef Jean nulle part : sa candidature n'a aucune chance, mais absolument aucune, d'être agréée par le Conseil Électoral Provisoire (CEP).
Même au risque de déclencher du riffifi et des convulsions politiques et sociales sans nom, souvent arrosés de sang, auxquels les présidentielles en Haiti nous ont malheureusement habitués, pour que Wyclef Jean comprenne bien le message, cette institution électorale opposera en plusieurs langues et patois un «Non, No, Never, No way, No sir, No thanks, Nein, Niet» sans appel à sa candidature. Parce qu'il n'a pas «résidé au pays pendant cinq années consécutives avant la date des élections». Aussi simple que çà.
À cette enseigne, le nouveau «Messie» attendu par les masses populaires haitiennes surtout depuis l'exil forcé de leur «Titid» en Afrique du sud ou l'auto-proclamé «Barak Obama d'Haiti» se trompe éperdûment en comptant sur sa notoriété de mégastar pop, sur l'énorme capital de sympathie dont il jouit en Haiti et à l'étranger et plus particulièrement sur son titre d' «Ambassadeur honoraire d'Haiti» que lui avait conféré le président sortant René Préval lui-même, pour combler son déficit résidentiel. Et obliger le CEP à faire une entorse bienveillante aux exigences de l'éligibilité présidentielle pour lui octoyer un billet de faveur. Somme toute, une présidentiabilité nonobstant.
Rien n'est plus impossible. Sinon autant dire que la candidature de Jean-Bertrand Aristide aurait pu être recevable et agréée nonobstant... En effet, dans ce jeu de «Chins mangé chins» (Chiens mangé chiens) personne ne doit rien à personne et ne fera cadeau à qui que ce soit. Préval, pour un, qui a veillé à ses propres intérêts et à ceux de sa plateforme Inité (Unité) en nommant personnellement les neufs membres du CPE au grand dam des principaux partis d'opposition qui boycottent les prochaines élections, serait bien «niaiseux», un vrai «Tonton BouKi», de vouloir absolument laisser ou lancer Wyclef Jean dans les pattes de Jude Célestin, son fils spirituel, bras exécutif robuste, discret mais archi-connu partout au pays comme directeur du Centre national des équipements (CNE) et candidat officiel de sa Plateforme Inité! C'est par le truchement de ce jeune loup président-ingénieur politiquement encore vert que le président sortant compte garder avec Jean-Max Bellerive, son actuel premier ministre, co-directeur avec Bill Clinton de la Commission intérimaire de la reconstruction d'Haiti (CIRDH), une main haute et pesante sur la première phase du plan de reconstruction, un programme évalué à 10 milliards $ et accepté par les pays donateurs. Somme toute, un «pain de patate douce» alléchant, convoité par presque trois douzaines de candidats, qu'il ne lâchera pas si facilement en invitant aux portillons de la présidence Wyclef Jean ou encore Fanmi Lavalas d'où il émane originellement comme ex-frère jumeau de Titid. Certains le voient déjà René Garcia Préval premier ministre (à la Poutine) du gouvernement Célestin. Laisser passer Wyclef Jean nonobstant un déficit résidentiel qui le disqualifie sans coup férir surprendrait énormément, en l'occurrence.
De plus, sans cesser de contester la légitimité du CPE et de crier que les dés sont pipés d'avance en faveur de Jude Célestin, candidat officiel de la plateforme Inité, d'où la multiplication passée et annoncée des manifestations pour le renvoi du CPE et la démission de Préval, les boycotteurs des prochaines présidentielles et l'ensemble des politiciens haitiens, toutes allégeances confondues, publiquement démasqués, interpellés, dénoncés et gifflés par le simple fait de la candidature de Wyclef Jean comme de celle de Michel Martelly, un autre chanteur populaire en Haiti, ne verseront aucune larme sur le rejet de cette candidature, pour dire le moins. «Alea jacta est», le sort de Wyclef Jean est d'ores et déjà fixé : No pasara! Il ne peut pas passer, l'échiquier politique haitien étant ce qu'il est.
Quelle sera la réaction de ceux très nombreux qui voient en lui sinon le Messie attendu, mais au moins l'incarnation d'un espoir de changement de la donne politique en Haiti? Elle risque d'être orageuse. Au diapason de l'acuité de la frustration que le rejet de Wyclef provoquera. Malheureusement, il faut prévoir un risque de nuages de feu et de sang à la météo des prochaines présidentielles. Entre autres, parce que Wyclef Jean n'y figurera pas.
Yvon Valcin, Montréal
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201008/20/01-4308362-beaucoup-de-bruit-pour-rien.php
Note de Haiti Recto Verso:
Un texte un peu lourd à lire. Un style fleuve pour un discours fait de déjà-dits.
Mais Haïti Recto Verso reste ouvert à tout le monde à tous les styles et à tous les courants d'opinion.
Tout ça pour dire que la candidature de Wyclef ne sera pas recevable!

Aucun commentaire: