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jeudi 18 février 2010

Edito du Monde: Le défi d'Haïti

LE MONDE | 18.02.10 | 12h34  •  Mis à jour le 18.02.10 | 12h34
Quatre heures pour solder deux siècles d'une histoire douloureuse : c'est bref, trop bref, diront les grincheux. Il reste que la visite de Nicolas Sarkozy en Haïti, le 17 février, était bienvenue. Jamais un chef d'Etat français n'avait fait le déplacement dans la perle noire des Antilles depuis 1804 et l'indépendance de l'île, arrachée dans le sang à la France. Il aura fallu le séisme qui a dévasté ce pays le 12 janvier pour que cette faute soit corrigée.
Pourtant peu porté sur la repentance, le président de la République a trouvé les mots, devant son homologue haïtien, René Préval, pour assumer sobrement ce passé, ce passif. "Notre présence ici n'a pas laissé que de bons souvenirs", a-t-il déclaré. Bel euphémisme pour évoquer les méfaits, les crimes même de la colonisation, ici plus qu'ailleurs : ressources spoliées, exploitation sauvage des esclaves noirs par les colons, massacre des élites, exigences financières exorbitantes imposées par Charles X, en 1825, pour reconnaître l'indépendance de l'île. De tout cela, Nicolas Sarkozy s'est dit "quand même responsable, au nom de la France". Dont acte.
Cette responsabilité singulière impose une solidarité exemplaire. Le président de la République s'est employé à la démontrer. Même si l'on peut pinailler sur les chiffres, le plan d'aide proposé à Haïti est généreux : outre l'annulation formelle des 56 millions d'euros de dette du pays à la France, ce sont quelque 300 millions d'euros que Paris entend mettre à disposition de Port-au-Prince, sous une forme ou sous une autre, en 2010 et 2011.
C'est une manière de prendre rang et date, avant la conférence internationale sur la reconstruction d'Haïti, prévue à New York le 31 mars. Si elle reste feutrée, la concurrence est indéniable, en effet, notamment avec les Etats-Unis, massivement présents depuis le tremblement de terre du 12 janvier et manifestement décidés à accroître leur influence dans une île qu'ils ont déjà occupée et placée sous protectorat, entre 1915 et 1934.
A cet égard, M. Sarkozy a raison d'exhorter les Haïtiens à "tourner le dos aux erreurs du passé" et, si épuisés soient-ils, à rester "debout" ; raison également de dire qu'il faudra, à l'avenir, cesser de mettre sous perfusion humanitaire un pays qui doit se refonder, trouver des sources de croissance endogènes, reconstruire un Etat et un contrat social, bref prendre en main son destin. Le défi est immense. René Préval en a donné la mesure, de manière saisissante : "Le pays n'est pas à reconstruire. Il est à construire." Tout est dit.
Article paru dans l'édition du 19.02.10
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