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mardi 25 mars 2008

Starmania haïtien: en passant par Port-au-Prince...

On connaissait le Starmania original, le Starmania deuxième génération, le Starmania anglais (Tycoon) le Starmania symphonique et le Starmania 100% parisien. Mais un Starmania haïtien, ça, on ne l'avait pas vu venir.
Créée par la troupe de Port-au-Prince Haïti en scène, cette version antillaise du célèbre opéra rock de Luc Plamondon et Michel Berger existe pourtant bel et bien. Et elle sera présentée pour la première fois cette semaine à Montréal, à la Cité des arts du cirque (La TOHU).

Pour une curiosité, disons que c'en est toute une. Starmania est un classique du patrimoine populaire franco-québécois. Qu'il soit revisité à la sauce créole ne peut que surprendre et susciter l'intérêt. Car si cette comédie musicale a vécu plusieurs vies depuis sa création en 1978, jamais, au grand jamais, n'avait-elle connu d'incarnation aussi exotique. Imaginez. Le businessman poussant son blues sur des rythmes kompa. Ou la serveuse automate chantant sa «stonitude» en créole
On a beau nous prévenir que ce Starmania haïtien est exécuté par une troupe amateure (12 chanteurs, six musiciens, sept danseurs en tout), il n'en demeure pas moins que le concept est intriguant, voire rafraîchissant - au moins sur papier.

Pas étonnant que les billets se soient vendus aussi vite. Trois représentations sur quatre affichant déjà complet, les producteurs du spectacle (La TOHU) n'ont pas eu le choix d'ajouter des supplémentaires les 29 et 30 mars, incluant deux spectacles en après-midi.
«Les miracles existent, je le confirme», résume le metteur en scène Bertrand Labarre, visiblement surpris par tout le chemin parcouru.
«Français blanc égaré en terre haïtienne», comme il aime à se décrire, M. Labarre est celui sans qui ce projet n'aurait pas vu le jour. Car c'est lui qui a fait découvrir Starmania à ses partenaires de Port-au-Prince. «Ils ne connaissaient pas; ils ont aimé», résume-t-il.

Il n'en fallait pas plus pour que la troupe Haïti en scène s'approprie ledit opéra-rock en lui donnant bien sûr une grosse touche locale. Car il était hors de question, précise M. Labarre, de faire un simple remake sans y mettre son grain de sel. «Haïti est une terre de musique et de rythme. Il fallait intégrer cette couleur au Starmania original.»
Présenté un peu partout en Haïti, le spectacle a finalement été vu par Mo Carpels de La TOHU, pendant un événement présenté à Jacmel en 2006. Charmé par le résultat, ce dernier a convaincu son boss, Charles-Mathieu Brunelle, de produire la comédie musicale à Montréal.
Des résonances haïtiennes
Pour La TOHU, on peut parler d'un arrimage naturel. Bien implantée - et impliquée - dans le quartier Saint-Michel, la Cité des arts du cirque vit, bouge, embauche et respire au coeur de la communauté haïtienne de Montréal. Depuis sa fondation en 2004, la compagnie a par ailleurs démontré un net penchant pour les projets artistiques ayant une portée sociale.
Or ce Starmania haïtien, vous vous en doutez bien, est beaucoup plus qu'une simple comédie musicale. D'abord parce que les profits du spectacle seront versés à un organisme socio-culturel de Jacmel. Mais aussi - et surtout - parce que l'oeuvre de Berger-Plamondon s'avère particulièrement «parlante» dans le contexte haïtien actuel.

Pour Bertrand Labarre, pas de doute: les parallèles entre la capitale haïtienne et la ville fictive de Starmania, sont extraordinairement nombreux.
«Port-au-Prince n'est certes pas Monopolis, avance le metteur en scène. Mais son vécu s'en rapproche. C'est une ville déchirée dans un monde sans futur ni espoir, devenu violent et nihiliste par la force des choses Monter un spectacle de cette renommée dans un endroit comme Haïti n'avait de sens que si l'on y cherchait des résonances entre le livret et la situation actuelle dans le pays.»

Grosse pression?
Reste à voir ce que tout cela donnera sur scène. Malgré tout le bien fondé du projet, on devine que la pression sera énorme sur les épaules de la troupe Haïti en scène. Car produire Starmania en Haïti, c'est une chose. Mais le présenter à Montréal, devant son «public-mère», c'en est une autre!«Ne pas décevoir les connaisseurs, les fans, est pour nous un challenge, admet Bertrand Labarre. Mais il n'est pas question pour nous de chercher à entrer en comparaison avec les troupes professionnelles qui ont déjà interprété le spectacle. Les moyens qu'elles avaient correspondaient à 10 ou 20 fois les nôtres.
En revanche, jamais vous n'aurez vu un Starmania comme celui-ci, avec un souffle où l'on sent à la fois la richesse culturelle d'Haïti et la souffrance d'un peuple tourné en permanence vers la survie. Nos jeunes artistes ont en eux cette énergie. Les artistes professionnels du Canada seraient obligés de l'inventer»
À noter que le spectacle sera donné sous la présidence d'honneur de la gouverneure générale Michaëlle Jean, du chanteur d'origine haïtienne Luck Mervil et du parolier Luc Plamondon.

Starmania, une version revisitée par Haïti en scène de Port-au-Prince, les 26, 27, 28 et 29 mars à 20h. Supplémentaires 29 mars 14h, 30 mars à 14h et 20h.
Jean-Christophe Laurence(Extrait de La Presse samedi 22 mars 2008)

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=55777&PubDate=2008-03-24

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