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jeudi 20 décembre 2007

ENTRETIEN DE MADAME MIRLANDE MANIGAT ACCORDE A REOBERT BENODIN DE RADIO CLASSIQUE INTER :QUATRIEME PARTIE

RB : Les narcotrafiquants ayant atteint les plus hauts sommets de l’Etat sous le premier mandat de Préval, par exemple, Fourel Célestin président de l’Assemblée Nationale et plusieurs autres autorités lavalassiennes croupissent aujourd’hui dans les prisons de la Floride. Peut-on croire à la lutte contre la drogue sous Préval ?

MHM : C’est un peu la même chose. La drogue est une calamité. Haïti malheureusement est sur le chemin, sur l’itinéraire de la drogue, entre les zones de production et de commercialisation. Haïti devient un des circuits des zones de distribution et de consommation. Je suis d’accord que nous n’avons pas les moyens qu’il faut pour lutter efficacement contre la drogue. Mais, on n’a pas non plus la volonté réelle de lutter contre la drogue. Parce que ce qui fait la puissance des narcotrafiquants, c’est que participer d’une manière ou d’une autre à la production, à la commercialisation, et même à ce circuit intermédiaire que représente Haïti, ceci est extrêmement lucratif. Il y a beaucoup de gens qui se laissent tenter. Donc, il y a des particuliers qui sont impliqués dans le trafic de drogue, dans ce circuit, cette étape que représente Haïti. Mais il y a aussi des fonctionnaires de l’Etat. Pourquoi ?
Parce que la distribution, la commercialisation font d’Haïti un circuit important pour l’acheminement de la drogue. Ceci implique une certaine complicité au niveau des structures de l’Etat. Que ce soit l’aéroport. Que ce soit les douanes. Que ce soit la police. Il y a nécessairement la complicité. Les avions ne peuvent pas impunément atterrir en Haïti, livrer la drogue et repartir, s’il n’y a pas une complicité des fonctionnaires de l’Etat. Donc, on ne peut pas lutter contre le Trafic (T majuscule). Mais on peut certainement contrôler les circuits, les poches, les interstices de l’Etat par lesquels passe le trafic de la drogue. Là encore, s’il y a la détermination politique, je pense qu’il n’est peut être pas facile, mais il n’est pas impossible d’identifier les coupables et de les punir.

S’il y a des gens qui sont inculpés aux Etats-Unis. Ou qui attendent leur jugement. Qui sont déjà jugés et condamnés. Ca signifie qu’un tribunal américain a donc toutes les évidences qu’il faut pour les inculper. Vous savez qu’en matière de trafic de drogue, les Etats-Unis ont pu obtenir de plusieurs pays latino-américains que la DEA puisse intervenir directement dans le territoire même, pour arrêter les gens et les extrader vers les Etats-Unis. Il y a un double problème de souveraineté de l’Etat. Le premier problème c’est la capacité de l’Etat lui-même d’identifier les fauteurs, les trafiquants, les complices du trafic de la drogue en Haïti, les fonctionnaires de l’Etat. De l’autre un problème de souveraineté à savoir l’incapacité des tribunaux haïtiens à les juger, comme ils le sont aux Etats-Unis.

RB : Préval veut que les élections indirectes soient tenues après la promulgation de lois régissant le fonctionnement des Assemblées. Or le dysfonctionnement du Sénat constituera irréfutablement un handicap à l’adoption de telles lois. Ce pré-requis n’étant ni dans la lettre, ni dans l’esprit de la Constitution de 1987, Préval peut-il faire une telle exigence ?
MHM : Le fonctionnement des Assemblées, vous voulez dire les ASEC les Assemblées Municipales, les Assemblées Départementales et les Conseils. La Constitution a prévu quand même l’adoption de lois à cet égard. C’est vrai qu’il n’y a que le parlement et le gouvernement qui peuvent prendre l’initiative des lois. Mais il n’y a pas de conditionnalité prévue par la Constitution. C’est exact, il n’y en a pas.

Il y a une étape qui est la constitution de ces Assemblées et une autre étape qui est leur fonctionnement. Evidemment la Constitution a prévu une cinquantaine de lois d’application pour toutes les institutions qu’elle a créées. Ces lois d’application n’ont jamais été votées depuis 20 ans, depuis que la Constitution existe. Ceci représente un handicape. Mais pas un handicape pour la préparation, pour la constitution de ces organes eux-mêmes. Car la constitution de ces organes est prévue aussi bien par la Constitution que par les lois électorales antérieures et par le décret de 2005, qui régit les élections du moment.

Le Sénat n’est pas encore dysfonctionnel. Il ne l’est pas encore. Il peut le devenir. Même à 19, encore une fois comme je vous le dis, sauf des cas très rares où la Constitution prévoit la majorité des deux tiers. Comme par exemple, pour adopter définitivement une réforme, un amendement constitutionnel. Le quorum pour le Sénat c’est la majorité plus un. Ce quorum est éminemment fragile. Un gouvernement qui veut agir dans ce sens, qui veut rendre virtuellement caduc le Sénat, peut, peut être convaincre quatre sénateurs de ne jamais se présenter. Le dysfonctionnement s’exprime dans la continuité de défaut de quorum. Mais pas dans la réalité présente.

Nous avons une situation dangereuse. A savoir que sur les 19 sénateurs, obtenir le quorum peut être facile mathématiquement. Mais politiquement ce quorum est extrêmement fragilisé, car il dépend de la volonté soit de quelques sénateurs, soit de la possibilité pour l’Exécutif d’agir auprès des ces quatre sénateurs.

RB : Comment percevez-vous la décentralisation, la déconcentration et le régime d’Assemblée ? Quels sont les bénéfices que les Collectivités Territoriales peuvent en tirer ?
MHM : Vous mentionnez trois questions dont deux sont comparables. La troisième, non. Les deux questions sont la décentralisation et la déconcentration. Ce qu’on appelle le régime d’Assemblée n’a rien à voir avec les Collectivités Territoriales. J’estime que vous voulez dire des Assemblées des Collectivités Territoriales. Pas le rédime d’Assemblée tel que prévu par le droit constitutionnel.
J’ai une opinion en ce qui concerne les Collectivité Territoriales, disons pour rafraîchir la mémoire de nos auditeurs que la Constitution identifie comme Collectivités Territoriales, la Section Communale, la Commune et le Département. Les institutions des Collectivités Territoriales sont le CASEC, l’Assemblée Communale et l’Assemblée Départementale. Il est bien précisé dans la Constitution que par la loi, on peut créer d’autres Collectivités Territoriales. C'est-à-dire que l’on ne peut pas créer une autre catégorie. On ne peut pas dire par exemple la Région est une collectivité territoriale. Mais dans les trois catégories qui existent, Section Communale, Commune, et Département, la loi peut en créer. C’est pourquoi d’ailleurs le président Aristide n’avait pas violé la Constitution en créant le Département des Nippes qui devient le 10e Département du pays. Il n’a pas violé la Constitution en créant Cité Soleil et Tabarre comme Commune. Ou créant d’autres Sections Communales à travers le pays.

Les institutions elles-mêmes CASEC, Conseil Municipale, Conseil Départemental, en outre à coté d’elles il y a des Assemblées. On a coutume de dire que le CASEC représente un pouvoir exécutif local et l’ASEC un embryon de pouvoir législatif. Ceci est une mauvaise interprétation dans la mesure où l’ASEC n’a pas un pouvoir de créer quoi que ce soit, ni comme norme, encore moins des lois. Cependant ceux sont des organes de délibération. Ceux sont des organes supposément dans lesquelles les représentants des populations locales peuvent venir délibérer de choses, de problèmes qui les concernent.

Mais le grand problème en ce qui concerne les Collectivités Territoriales, c’est qu’on a multiplié les institutions. Nous devrions donc avoir du Département 10 Assemblées départementales, et au dessus un Conseil Interdépartemental, 142 Communes, 142 Conseils municipaux, et 142 Assemblées communales, 565 Sections communales, 565 CASEC, 565 ASEC. C’est une machine extrêmement lourde. On les a créés, et pour la plupart elles sont vides de sens. Elles sont vides de pouvoir. Et elles sont vides surtout de moyen. Il n’y a pas à ma connaissance une cinquantaine de CASEC qui fonctionnent normalement. Les CASEC se plaignent qu’ils n’ont pas de moyen. Les communes se plaignent qu’elles n’ont pas de moyen. Alors que la Constitution dit que la Commune est autonome. C’est-à-dire elle est financièrement autonome. Elle devrait être en mesure de prélever des taxes, de marché, le droit d’alignement, l’impôt locatif, qui est très mal nommé, ceux sont les propriétaires qui paient l’impôt locatif. Dans les Communes ceci ne se fait pas régulièrement. Il y a énormément de problèmes pour faire fonctionner les Collectivité Territoriales.

C’est pourquoi la Décentralisation qui est considérée comme étant synonyme de Démocratisation. Si cette Démocratisation doit passer par la Décentralisation, il aurait fallu que celle-ci fût mieux pensée, d’abord par les constituants et en outre par les lois.

La France a adopté des lois de Décentralisation en 1982 depuis lors, il y a une soixantaine de lois d’application et beaucoup plus de règlements qui ont été adoptés par l’Etat français pour mettre tout ceci en pratique. Car il y a énormément de problème à considérer. Un des problème, en ce qui concerne les Collectivités Territoriales, c’est la délimitation géographique. C’est la délimitation territoriale. C’est insensé lorsque l’on voit une carte d’Haïti avec les Communes et à l’intérieur des Communes les Sections communales. J’aime bien citer le cas d’une Commune que je connais bien. Parce que j’y vis, c’est la Croix-des-Bouquets. Vous avez des Sections communales de la Croix-des-Bouquets qui sont plus proches de Pétionville que de la Croix-des-Bouquets.

Il faudra, je pense pour ma part, de manière à mieux réaliser cette délimitation, il faudra revoir tout le processus. A commencer par un réaménagement territorial du pays. 565 unités, sans compter les Habitations. On a plus de 12 milles Habitations à l’intérieur des Sections communales. Il faudra peut être repenser tout cela. Et faire appel à des équipes de démographes, de géographes, de géologues, de spécialistes en administration publique et aussi à des fonctionnaires, pour établir des politiques publiques. Si non on n’aboutira pas à l’objectif meme de la Décentralisation, qui est d’apporter le bien-être matériel, le progrès, la modernisation aux populations là où elles se trouvent. C’est ça le grand défi !

Il ne s’agit pas d’obliger les gens a venir inscrire leurs enfants dans une école primaire de la ville la plus proche. Il s’agit en matière d’éducation d’apporter l’éducation, les structures de l’éducation là où vivent les enfants et leur famille.

La Déconcentration, mais nous l’avons dans le droit administratif haïtien. Le fait pour un ministère d’avoir des représentants au niveau des Départements et au niveau des Communes. La Déconcentration ne marche pas en ce qui concerne tout les ministères. Mais c’est déjà dans le panorama. Mais il y a des problèmes qui se posent sur place, entre les agences déconcentrés de l’Etat et les quelques rares élément d’une fonction publique territoriale, dépendant donc des Collectivités Territoriales sur place. Sans compter des conflits de compétence entre les agents de déconcentration et de décentralisation et les représentants de l’Etat à travers les délégués et les vices délégués.

On a toute une série de problèmes qui sont liés entre eux et qu’il s’agira de résoudre de façon à rendre cette Décentralisation, cette Déconcentration vraiment des réalités. A faire d’elles des réalités efficaces.

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