Suite à la publication, dans notre édition du jeudi 20 septembre en cours, de l'article titré "Ascendance haïtienne : binationaux ou apatrides" paru sous la plume de notre rédacteur Samuel Baucicaut relativement aux déclarations de l'Ambassadeur Fritz Cinéas, le diplomate haïtien en poste à Santo Domingo a écrit au journal pour donner sa propre version des faits. Le Nouvelliste publie in extenso la correspondance de l'ambassadeur.
Santo Domingo, le 21 septembre 2007
Cher monsieur Baucicaut,
Je désire tout d'abord vous remercier pour l'occasion que vous m'avez offerte, en fin de votre article paru le 20 septembre 2007 dans les colonnes de" Le Nouvelliste", d'apporter des précisions au sujet de mes déclarations faites le 29 août dernier, à l'occasion d'un déjeuner auquel j'avais été convié par le Groupe Corripio, à Santo Domingo.
Il est vraiment malheureux qu'il soit difficile de publier in extenso ma conversation avec les plus de vingt journalistes de la presse parlée, écrite et télévisée de cet important Groupe qui participaient à cette agape. S'il en était autrement, le débat aurait été académique et n'aurait peut être pas soulevé autant de commentaires.
En répondant à la question concernant la situation des enfants nés de père haïtien ou de mère haïtienne en République Dominicaine, j'ai cité exactement ce qui est prévu à l'article 11 de notre Constitution, nonobstant ce que détermine la Constitution de la République Dominicaine en ce qui concerne la nationalité des enfants nés sur son territoire et ai parlé de la déclaration d'option à l'âge de la majorité.
L'Ambassadeur d'Haïti ne pourrait admettre que les enfants de nos compatriotes nés en République Dominicaine sont des apatrides. Notre Constitution protège justement les enfants de nos expatriés. Nos ressources financières malheureusement ne nous permettent pas de les atteindre partout où ils se trouvent pour leur offrir les services auxquels ils ont droit.
Nous luttons pour le respect des droits de nos compatriotes dans ce pays.
Dès notre arrivée en janvier 2006, à la tête de notre représentation Diplomatique en République Dominicaine, à un moment particulièrement délicat de nos rapports avec nos voisins, notre leitmotiv a été le suivant et nous n'avons jamais cessé de le répéter:" Nous allons travailler pour une entente cordiale" entre notre pays et la République Dominicaine. Mais cette "Entente Cordiale" ne se fera jamais au détriment des intérêts supérieurs de notre Patrie ni de ceux de nos nombreux frères, les ouvriers agricoles, travaillant péniblement chez nos voisins.
Evidemment, l'action d'un diplomate n'est pas toujours visible et dans notre cas plus spécialement. Débattre publiquement nos querelles avec nos voisins aurait été négatif et au lieu d'améliorer les rapports les auraient envenimés. C'est pourquoi le grand public et la presse ne pourront jamais apprécier à sa juste valeur notre action et nos démarches. Nous continuerons à utiliser les voies traditionnelles de la diplomatie, les canaux normaux de communication, filières habituelles par lesquelles les agents diplomatiques doivent passer pour évacuer les querelles, les dissensions, les chocs qui sont souvent le lot des rapports surtout entre pays limitrophes.
Ce que certains appellent " le mutisme" de l'Ambassadeur Cinéas traduit une méconnaissance du rôle du diplomate. Il y a une réserve qui est indispensable dans les positions difficiles et l'activité de l'Ambassadeur, fondée sur la prévention de tout incident, est exposée à des situations à risque qui révèlent toute la fragilité du rôle diplomatique. C'est pourquoi, le sang froid, la réserve, le tact, la maîtrise de soi et la civilité, doivent prévaloir sur les éclats verbaux, souvent préjudiciables aux principes et à ceux que l'on prétend défendre.
La négociation dans la vie internationale est la recherche des solutions par voie d'un accord pacifique. Ce jeu complexe se déroule discrètement par les contacts, les entretiens personnels ainsi que les concessions réciproques et aboutit parfois à des ajustements qui consolident les relations pacifiques, but essentiel de la diplomatie.
Dans leur lettre, les organisations signataires font référence à un certain rapport de la CIA condamnant le régime des Présidents Duvalier " dans le trafic des personnes par l'embauche des braceros à l'époque où j'étais Ambassadeur". Le contrat d'embauchage a existé bien longtemps avant l'avènement en 1957 du Docteur François Duvalier à la Présidence de la République. Il fut un instrument légal signé le cinq février 1952 durant le gouvernement du Général de division Paul Eugène Magloire, repris et modifié le 14 novembre 1966 entre les gouvernements des Présidents François Duvalier et Joaquim Balaguer.
Nous avons certes été Ambassadeur, pour la première fois en République Dominicaine, de mars 1979 à mars 1981 et si le rapport de la CIA nous concernait, il eut été impossible pour nous de devenir, par la suite, Ambassadeur, comme nous l'avons été, aux Etats Unis d'Amérique, près la Couronne Espagnole etc.
C'est l'occasion aussi pour moi, cher Monsieur Baucicaut, de faire savoir que s'il est vrai que j'ai reçu une invitation du Groupe Vicini à visiter leurs bateys et installations, je n'ai pas encore répondu à cette invitation. Mes efforts après plus de trois lettres aux organisateurs du déjeuner pour rectification ont été vains. Je vous rappellerai également les propos attribués à notre Président, S.E. René Préval, lors de sa visite en mars dernier par un important quotidien de cette capitale alors que le Chef de l'Etat n'avait fait aucune déclaration.
Toute notre vie diplomatique a été consacrée à la défense des intérêts supérieurs de notre pays. Nous continuerons à le faire aussi longtemps que le Chef de l'Etat, le Chef du Gouvernement et le Sénat de la République nous en auront gardé leur confiance.Je reste à votre disposition pour tous les éclaircissements que vous désireriez avoir et saisis l'occasion pour vous exprimer, mon cher concitoyen, les assurances de ma haute et distinguée considération.
Dr. Fritz N. CinéasAmbassadeur d'Haïti http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=48799&PubDate=2007-09-21
Commentaires :
Malgré les déclarations fracassantes des organisations qui puisent leurs sèves et leurs essences dans ce genre de situation ou la maladresse conjoncturelle est assimilée à une mauvaise foi structurelle, il faudrait reconnaître une part de vérité dans la mise au point de l’ambassadeur.
Il sera toujours très difficile d’être ambassadeur d’Haïti et toujours éviter ce genre de situation embarrassante. La presse et l’opinion dominicaine utiliseront toujours tous les subterfuges pour mettre les fonctionnaires haïtiens dans leurs petits souliers en les interrogeant sur certains aspects troubles des relations dominico-haïtiennes.
Lors du scandale des médias autour des déclarations prêtées à tort au président Preval lors de son passage en République Dominicaine en mars dernier, nous avions eu les réflexions de ce genre. Sans affranchir complètement le président nous avions déploré l’inefficacité d’un éventuel service de presse de la présidence qui n’aurait pas suffisamment filtré les questions et les thèmes embarrassants pour un président de la République dans le contexte de la complexité des relations entre les deux pays.
Aujourd’hui plus que jamais, il est très compliqué d’être diplomatique haïtien en République Dominicaine, comme il est définitivement très compliqué d’être président de la République en Haïti.
Nous ne prétendons pas absoudre l’ambassadeur Cinéas des ses responsabilités face aux accusations souvent portées contre lui. Nous voulons juste admettre qu’il est très difficile de défendre correctement les intérêts d’Haïti en République Dominicaine quand tous les jours on ne parle que de rapatriement de citoyens haïtiens.
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
samedi 22 septembre 2007
L'ambassadeur Fritz Cinéas précise
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