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lundi 27 mai 2013

Haïti jour 5: "Une sorte de désintérêt du reste du monde"

HAÏTI - Jour 5: Ce matin, dans les hauteurs de Port-au-Prince, nous avons visité un projet que j'ai trouvé extrêmement cohérent, car il mélange des notions sociales d'emploi et de réinsertion des jeunes des quartiers difficiles à qui l'on propose un travail. Ils améliorent leur quotidien dans la ville en construisant des murs de pierre dans cette ravine à flanc de montagne afin de retenir la terre en cas de pluies importantes. En travaillant, ces jeunes vont pouvoir gagner de l'argent, un minimum syndical respectable, afin d'améliorer à la fois leur quotidien et l'environnement de leur île. Ce projet est le fruit d'une très bonne collaboration entre la MINUSTAH et une association locale, l'Organisation des jeunes professionnels pour sauver Haïti. Avec l'aide d'agronomes, ils construisent ces murs en pierre sèche semblables à nos"restanques" dans le midi, qui retiennent la terre et s'endurcissent au fil des ans pour constituer des remparts contre l'eau.


© Igor Rugwiza, MINUSTAH
 Je crois que ces jeunes sont très respectés dans le projet car on les emploie et en même temps ce sont leurs familles qu'ils protègent en empêchant le déferlement de l'eau si dévastatrice dans les quartiers bas. Il y a aussi des rencontres et des formations sur la violence, car, issus de quartiers très difficiles, ils appartiennent parfois à des gangs. Cela les responsabilise et peut faire germer une réflexion dans leur esprit par rapport à cette notion de violence.
Cependant je pars avec une impression mitigée. L'étendue des travaux à faire est énorme. Je me sens préoccupé car il y a une sorte de désintérêt du reste du monde. Les ONG et les Nations Unies ont fourni un gros effort, alors on se dit que le pire est passé, qu'il y a d'autres chantiers dans le monde, et l'on donne de l'argent pour d'autres priorités. Il y a effectivement des initiatives intéressantes en Haïti mais celles-ci auront besoin de l'oxygène que pourront leur apporter des soutiens extérieurs et, je l'espère, du gouvernement.

© Igor Rugwiza, MINUSTAH
Saint Soleil Après cela, nous avons continué notre progression dans la montagne pour atteindre le village de Soissons et la communauté artistique de Saint Soleil. C'est un collectif d'artistes initié par le plasticien Tiga dans les années 70. Celui-ci a décidé, pour lutter contre la super commercialisation de l'artisanat pour touristes, de trouver une alternative en aidant des gens talentueux qui avaient d'autres métiers et qui ne dépendaient pas de l'art pour vivre. Il y a maintenant plusieurs générations d'artistes de Saint Soleil. Nous avons rencontré l'un d'entre eux, très doué, Onel. Cotés sur le marché de l'art, ils travaillent dans de bonnes conditions puisqu'ils ne sont pas en péril de survie en tant qu'artistes.

© Igor Rugwiza, MINUSTAH
On pourrait imaginer que l'art passe au deuxième plan après les crises mais il reste vivant et l'existence de cette forme d'expression reste essentielle. J'avais noté depuis mon arrivée que l'Haïtien en général a un oeil pour l'arrangement des couleurs, des végétaux. C'est un pays tellement beau que j'imagine que cela instille dans l'œil un goût de l'esthétique. C'est frappant quand on arrive ici. Il y a une sorte d'équation "Haïti = problèmes". Même s'il y a des difficultés, il y a aussi des choses extraordinaires dans ce pays. La géographie, les paysages et les Haïtiens sont merveilleux. Ils m'ont complètement séduit. Pourtant, on ignore cela en lisant les journaux. Il est clair que, plus on avance dans la découverte d'Haïti, plus on se rend compte de sa complexité avec des strates sociales compliquées, une histoire très lourde, un rapport au politique pesant. Ça serait prétentieux de dire que je puisse être utile mais, en même temps, j'ai envie de revenir, si possible avec un projet. Maintenant c'est concret, j'ai vu les gens, les paysages, les situations et surtout un cadre dans lequel je peux m'impliquer, si les Nations Unies veulent bien continuer à travailler avec moi.
Et maintenant, de retour en France, j'entre dans la période de réflexion...
http://www.huffingtonpost.fr/lambert-wilson/haiti-desinteret-reste-du-monde_b_3332007.html

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