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lundi 19 mars 2012

Erzuli dahomey, déesse de l'amour de Jean-René Lemoine

Vaudeville vaudou  La salle « expérimentale » de la Comédie-Française, le Vieux Colombier, nous propose une sacré expérience : « Erzuli Dahomey, déesse de l'amour ».
Cette pièce, primée par la SACD en 2009 et plébiscitée par le bureau des lecteurs du Français en 2010, est l'oeuvre audacieuse d'un écrivain-comédien-dramaturge d'origine haïtienne, Jean-René Lemoine. On y croise une vraie-fausse actrice veuve et dépressive, des jumeaux incestueux, un prêtre-précepteur pervers, une truculente mère africaine, un zombie, un escort-boy et une bonne possédée par l'esprit d'une déesse de l'amour africaine...
Au gré d'une intrigue rocambolesque, l'auteur s'amuse à convoquer tous les genres : le vaudeville, le sitcom, le kitsch, le fantastique, le mélodrame, la tragédie.
On passe d'une petite ville française à un village africain, d'un monologue bouleversant sur l'esclavage à des conversations frivoles sur Lady Di, du « nonsense » à la pure poésie... Politiquement incorrect, en dents de scie, avec quelques tunnels, le texte peut rebuter au début.
Mais on est vite embarqué par la magie blanche et noire de ce vaudeville vaudou.
Par flashs, l'auteur éclaire son propos : douleur de la solitude contemporaine, étouffement de la famille occidentale, séquelles de l'esclavage, désir de libérer nos âmes intranquilles...
Grâce feutrée
Metteur en scène de ce singulier patchwork dramatique, Eric Génovèse (sociétaire du Français) s'est laissé envoûter par la prose de Lemoine, enchaînant les séquences avec la grâce feutrée d'un somnambule. L'onirisme domine : les murs, le plancher, les meubles glissent... les personnages s'enfoncent dans le sol. Le beau décor de Jacques Gabel passe du mortifère au solaire (pour le dernier acte « africain »). Les comédiens-français jouent magnifiquement le jeu de l'illusion et du décalage : Claude Mathieu, pathétique et féroce mère indigne ; Françoise Gillard et Pierre Niney, ados sublimes et sulfureux ; Serge Bagdassarian, atroce et cocasse prélat ; Bakary Sangaré, travesti en irrésistible « mamma » africaine ; Nâzim Boudjenah, troublant zombie en tenue d'Adam ; et Nicole Dogué (comédienne « invitée »), renversante servante rebelle... Il faut laisser ses préjugés aux vestiaires et se laisser porter par ce spectacle sorcier, qui nous raconte un monde surréel, poétique et vénéneux.
PHILIPPE CHEVILLEY, Les Echos
http://www.lesechos.fr/culture-loisirs/sorties/musique/0201951266089-vaudeville-vaudou-303128.php

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