Google

jeudi 12 janvier 2012

Haïti deux ans plus tard. Place au développement, d'urgence

L'aide apportée à Haïti au moment du tremblement de terre a été gigantesque et efficace. Mais, selon Pierre Verbeeren, administrateur au Consortium belge pour les situations d’urgence, le bilan de la reconstruction est limité. Le développement indispensable à ce pays, l'un des plus pauvres du monde, n'a pas été au rendez-vous. Il ne faut cependant pas baisser les bras.


Une solidarité efficace
Il y a 2 ans jour pour jour, le 12 janvier 2010, un tremblement de terre détruit en grande partie Port-au-Prince et sa région, tuant au moins 240.000 personnes, faisant 1.300.000 sans-abri et provoquant des dégâts estimés à 8 milliards de dollars. Les infrastructures du pays sont mises à plat ; les Haïtiens sont traumatisés.
Au lendemain du séisme, personne n’est indifférent. Les images présentées par les médias imposent d’intervenir. Aucun lieu de vie n’échappe à l’émotion. La famille, le club de sport, l’entreprise, les autorités politiques : tout le monde veut faire quelque chose. La vague de solidarité est immense.
L’aide se déploie rapidement, mais dans des circonstances particulièrement difficiles. Des actions de solidarité voient le jour aux quatre coins de la planète. Dans notre pays, le Consortium belge pour les situations d’urgence (Caritas International, Handicap International, Médecins du Monde, Oxfam-Solidarité et UNICEF Belgique) lance l’appel « Haïti Lavi 12-12 ». Cet appel bénéficie d’un large soutien du public belge, des autorités, des médias et des entreprises ce qui a permis de délivrer une aide concrète et souvent vitale sur le terrain.
Deux années ont passées depuis le tremblement de terre. Pendant deux années, une aide gigantesque a été organisée : des millions d’actes médicaux, des centaines de milliers des tentes, des milliards de litres d’eau, des mégatonnes de nourriture, des milliers de constructions temporaires pour relancer les écoles, les dispensaires, les entreprises et autres infrastructures collectives détruites par le séisme.
On peut également citer la relance des petites exploitations agricoles, la vaccination d’enfants, la lutte contre le choléra, la recherche des familles d’enfants qui les avaient perdues, le placement de prothèses de personnes amputés, leur revalidation… On trouvera le bilan impressionnant d’une partie significative des ONG belges sur le site du consortium

Le séisme a fonctionné comme un miroir de l’extrême pauvreté préexistante
Malgré cela, le bilan de la reconstruction d’Haïti est mitigé. Si l’aide humanitaire a rarement si bien fonctionné, la reconstruction est en rade : environ 500.000 personnes - initialement 1.300.000 - vivent encore dans des camps précaires pour déplacés.
La moitié des haïtiens n’ont toujours pas accès aux soins pour des raisons financières et géographiques. L’eau courante, lorsqu’elle existe, n’est toujours pas potable et la moitié des débris de bâtiments effondrés n’a pas été déblayée. Bien que le pays aborde 2012 doté d’un nouveau gouvernement et d’un budget adapté, la population reste confrontée aux conséquences des nombreux défis qui se posent au pays et les infrastructures, les institutions et le système social continuent à porter les stigmates de la catastrophe. En effet, le séisme a fonctionné comme un miroir de l’extrême pauvreté préexistante dans un pays déjà à terre bien avant, livré au clientélisme, sans système éducatif réel, sans accès aux soins pour la majorité, les plus pauvres vivant avec moins d’un à 2 USD par jour. Pour les organisations de la société civile, le bilan n’est pas positif.
Les projets publics mis en œuvre au cours de l’année 2011 dans le cadre de la reconstruction n’ont pas contribué au changement réel des mauvaises conditions de vie des sinistrés et de la population en général. Globalement, les bailleurs de fonds demeurent insatisfaits des progrès, ralentis par des questions administratives mais surtout par une crise politique en 2011 qui a bloqué pendant plusieurs mois les activités.
Déjà, ils annoncent un désengagement sans que les changements structurels attendus par les Haïtiens se fassent sentir sur le terrain. L’action des ONG humanitaires reste indispensable et alors que les moyens se tarissent et qu’on espérait pouvoir passer de l’humanitaire au développement.
Le gouvernement nouvellement élu prend la mesure des critiques et revendique un leadership sur le processus de reconstruction. On doit s’en réjouir.
C’est donc l’heure de combiner capacités d’action humanitaire, là où c’est encore nécessaire, et stratégies de développement. Médecins du Monde par exemple, ne s’est pas contenté de sauver des vies et d’endiguer le choléra. Dès le lendemain du séisme, nous nous sommes engagés à participer au relèvement du système sanitaire haïtien.
Notre stratégie d’intervention est claire : profiter de cet élan de solidarité pour casser le cycle de la dépendance humanitaire et des solutions temporaires, et aider le gouvernement à reprendre l’initiative et le leadership de la reconstruction.
Nous souhaitons en effet la construction d’un système de santé public fort. Mais cela ne se fera pas sans un accompagnement durable qui permettra que la mise en œuvre des programmes nationaux bénéficie localement de tout le suivi nécessaire pour garantir la qualité des prestations, la bonne gouvernance et la transparence du système, l’accès pour les plus vulnérables et le renforcement des ressources humaines de santé.
Cela vaut pour Médecins du Monde et la santé, pour Oxfam et le développement socio-économique, pour l’UNICEF et l’enfance, pour Caritas et les plus vulnérables, pour Handicap International et les personnes handicapées. Ces efforts doivent être soutenus.
Les Haïtiens ne sont pas encore au bout du tunnel. La reconstruction peut et doit venir maintenant.
Pierre Verbeeren, Directeur général de Médecins du Monde – Belgique, Administrateur au Consortium belge pour les situations d’urgence asbl
Le Consortium 12-12 est né en 1979 à Bruxelles, pour venir en aide aux victimes du génocide au Cambodge et d’un conflit militaire en Somalie. Le Consortium dispose d’un numéro de compte commun qui se termine par 12-12 et avec lequel il peut mobiliser les autorités et le public belge pour apporter la solidarité nécessaire lors de catastrophes humanitaires majeures.
http://www.rtbf.be/info/opinions/detail_haiti-deux-ans-plus-tard-place-au-developpement-d-urgence?id=7375563

Aucun commentaire: