Publié le 06 octobre 2011
Harry Dortelus, L'auteur est avocat à Longueuil
La semaine dernière, le président élu par le peuple haïtien a présenté aux ambassadeurs son plan pour sa nouvelle armée et son service d'intelligence pour combattre, dit-il, les menaces terroristes, des organisations criminelles et des réseaux de trafic illégal.
Sont-ce là vraiment les préoccupations des femmes et des filles qui se font violées sous les tentes ou le propriétaire d'un bien spolié par des plus forts, qui décident, faute de recours judiciaires, d'utiliser à son tour d'autres hommes encore plus forts pour se faire justice? Ou encore le père de famille attaqué par des voleurs en rentrant du boulot? Pour le moment, c'est le silence radio du côté de l'international. Utiliser nos impôts pour subventionner une force armée en Haïti serait une erreur.
Le nouveau président haïtien est fougueux et pressé. Il est dévoué et veut changer son pays pour le mieux; nous devons le reconnaître et l'encourager. La mythologie du phoenix est à souhaiter pour ce beau pays et le peuple haïtien. D'aucuns perçoivent d'un très mauvais oeil sa décision accélérée de mettre en place les structures d'une force parallèle à la police nationale dès l'automne 2011. Et pour cause.
Près de 70% du budget de l'État haïtien provient de la communauté internationale, principalement du Canada et des États-Unis. La mission des Nations unies pour la stabilisation d'Haïti, la MINUSTAH, compte 12 000 soldats, dont 10% sont des policiers et l'effectif de la police haïtienne est de 10 000 membres. Mais que font soldats dans un pays qui n'est pas en guerre et qui n'est pas menacé?
La MINUSTAH est une force intéressée de la communauté internationale afin de dissuader les réfugiés de la mer, contrôler le transit de la drogue, éviter que le pays serve de repère pour des terroristes coincés; maintenir la sécurité des ambassades, et des élites locales; en dernier lieu, maintenir la populace calme. La force onusienne est impopulaire en Haïti et les diplomates le savent. Exit la MINUSTAH et entre l'armée d'Haïti!
Des compatriotes ont atterri au Canada, certains ont fui les dictatures militaires et démocratiques, de 1957 à 2004. Beaucoup n'ont pas eu cette chance. Les forces de tous genres ont été utilisées par les potentats locaux et des étrangers afin de maintenir la main mise sur le peuple. Ce président et sa nouvelle armée ne seront pas différents. En Haïti, les bourreaux d'hier côtoient les victimes et leurs descendants sans remords ni crainte de poursuite. Que de mauvais souvenirs!
Le Canada et les autres pays amis d'Haïti contribuent à mettre en place une police professionnelle. Beaucoup reste à faire afin d'y arriver. Selon les experts, il faudrait doubler l'effectif actuel pour le porter à vingt mille, avant le retrait de la MINUSTA, afin de garantir efficacement la sécurité de la population.
Le système judiciaire est sous financé et corrompu; la plus haute instance judiciaire du pays est dépourvue de président et fonctionne avec la moitié des juges depuis 2005; beaucoup de criminels agissent en toute impunité et la misère ambiante demeure un terreau fertile pour les malfaiteurs.
C'est d'abord à ces niveaux que les dirigeants haïtiens doivent intervenir s'ils veulent que le phoenix se relève de ses cendres. C'est là que les impôts des Canadiens seront mieux investis si le bien-être et la sécurité du peuple haïtien nous tiennent à coeur. Le temps est venu d'aider Haïti à structurer son système judiciaire et économique. Nous devons refuser de participer au réveil de ses vieux démons.
http://www.cyberpresse.ca/place-publique/opinions/201110/06/01-4454896-ne-subventionnons-pas-une-armee-en-haiti.php
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
vendredi 7 octobre 2011
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