Agnès Gruda, La Presse À deux semaines du second tour de la présidentielle haïtienne, Mirlande Manigat a fait campagne, hier, à... Montréal. Où elle a plaidé pour la restauration de la souveraineté de son pays.
Sur une de ses affiches électorales, Mirlande Manigat, coiffée d'une casquette, serre une jeune femme dans un geste protecteur. Une image qui fait contraste avec la dame au collier de perles qui a enchaîné les entrevues, hier, dans un restaurant de Montréal.
La photo a été prise à Solino, quartier populaire de Port-au-Prince, où la candidate à la présidence d'Haïti a lancé sa campagne à la mi-février. Mirlande Manigat se souvient très bien du moment où l'adolescente a pris sa main et lui a lancé: «Je suis une jolie fille, pourquoi je ne peux pas aller à l'école?»
«J'ai compris que, ce qu'elle voulait dire, c'est qu'elle pourrait se prostituer pour pouvoir payer l'école», explique la candidate. Alors, Mme Manigat a craqué: elle lui a offert de payer ses études.
Ça, c'est une facette de Mirlande Manigat: la grand-mère de 70 ans qui n'a pu résister à un criant appel à l'aide. Mais il y a aussi l'autre facette: celle de la juriste et fine politicienne qui pèse bien ses mots et slalome entre les écueils.
De passage à Montréal, où elle fait campagne auprès de la diaspora haïtienne, Mme Manigat a expliqué que, même si Haïti ne reconnaît pas la double citoyenneté et que les Haïtiens naturalisés au Canada ne peuvent pas voter pour elle, ils peuvent néanmoins influencer leurs proches restés au pays. Du coup, elle leur a promis de changer la Constitution haïtienne pour permettre la double nationalité.
État court-circuité
C'était l'engagement électoral le plus concret qu'elle avait à offrir, hier. Pour le reste, son programme, rempli de bonnes intentions, occulte un peu les principaux enjeux auxquels Haïti doit faire face.
Ainsi, le programme de Mme Manigat passe sous silence la reconstruction du pays, dévasté par le séisme du 12 janvier 2010. Il faut dire que cette reconstruction est entre les mains de la communauté internationale, qui s'était engagée à verser 11 milliards de dollars en 5 ans pour remettre Haïti sur pied.
L'argent n'arrive pas au rythme prévu, déplore la candidate. Mais ce qui la dérange encore davantage, c'est que les sommes recueillies par la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti transitent par la Banque mondiale - et court-circuitent donc l'État haïtien.
«Ce fonctionnement met en cause la souveraineté d'Haïti. L'argent de la reconstruction doit être versé au gouvernement», plaide la candidate.
Si elle est élue présidente, Mirlande Manigat entend changer les règles du jeu. Elle en a déjà glissé un mot à Bill Clinton, l'un des deux présidents de la Commission. Mais encore faudra-t-il convaincre les donateurs internationaux que l'État haïtien, qui s'est montré totalement déficient au lendemain du séisme, est capable de reprendre les rênes de la reconstruction.
La quadrature du cercle
C'est ce à quoi Mirlande Manigat s'attellera durant les 100 premiers jours de son mandat, si elle est élue le 20 mars. «Nous devrons montrer que nous sommes sérieux et que nous voulons vraiment changer les choses», dit-elle.
Quels gestes ferait-elle, une fois élue, pour bien montrer ce désir de changement? Ici, Mme Manigat se fait évasive: «Nous travaillons là-dessus», dit-elle.
Avant de constater que, au bout du compte, le futur président d'Haïti devra résoudre une sorte de quadrature du cercle: «Nous avons besoin d'assistance massive pour nous moderniser, mais nous devons déclencher cette modernisation avant d'avoir reçu cette aide.»
Une juriste contre un chanteur
Le premier tour des élections législatives et présidentielle en Haïti s'est déroulé le 28 novembre dernier. Il a été marqué par des fraudes massives visant surtout à favoriser le candidat du régime, Jude Célestin. Selon les résultats officiels, Mirlande Manigat est arrivée première, avec 31% des voix, contre 22% pour Jude Célestin.
Le dépouillement judiciaire réclamé n'a finalement pas eu lieu, mais sous la pression, ce dernier s'est retiré, cédant la place au chanteur Michel Martelly. Ce dernier est particulièrement populaire auprès des jeunes Haïtiens. Dans un pays où la moitié de la population a moins de 21 ans, c'est un atout de poids.
Mais si Martelly peut compter sur le soutien d'un autre chanteur populaire, Wyclef Jean, Mirlande Manigat a récemment reçu un appui-surprise du groupe rap Barricade Crew... Comment éviter que le second tour soit lui aussi entaché par la fraude? Mirlande Manigat affirme avoir tiré la leçon du 28 novembre. Son parti s'organisera pour mieux surveiller les bureaux de scrutin, notamment. Mais elle reconnaît que le vote du 20 mars risque d'être «hypothéqué» par la faible participation et un éventuel déficit de crédibilité.
http://www.cyberpresse.ca/international/dossiers/elections-en-haiti/201103/05/01-4376388-100-jours-pour-changer-haiti.php
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
samedi 5 mars 2011
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