Nicole Guedj Plus jeune Chef d’État de l’histoire, « Baby Doc » a été propulsé à l’âge de 19 ans sur le « trône » autrefois occupé par son père. Durant plus de quinze ans, Jean-Claude Duvalier a fait régner en monarque absolu la terreur en Haïti, avant d’être sommé de quitter l’Île face à une insurrection populaire sans précédent. Crise économique, instabilité politique, taux de criminalité record, c’est dans cet état de chaos que la famille de « Baby Doc » a laissé le peuple haïtien, le 7 février 1986, embarquant dans un avion de l’US Air Force. Destination Grenoble, des centaines de millions de dollars en poche et le poids de chefs d’inculpation allant du vol à la corruption en passant par l’abus de pouvoir et le détournement de fonds. Les États-Unis lui ayant refusé l’asile, Duvalier s’est rabattu sur la France avec statut de « sans-papier » pendant 18 ans… Ce n’est qu’en 2005 que le fondateur de la brigade des Tontons Macoutes obtiendra un passeport diplomatique, sans avoir jamais payé sa dette.
Coup de théâtre le 16 janvier dernier, lorsque celui qui s’était proclamé Président « à vie », décide de retourner en Haïti pour « aider » : « Me voici revenu pour vous témoigner ma solidarité en cette période extrêmement difficile de la vie nationale où vous êtes encore des centaines de milliers à vivre à la belle étoile, au milieu des ruines (…) Je saisis aussi cette occasion pour exprimer (…) ma profonde tristesse à l’endroit de mes compatriotes qui se reconnaissent, à juste titre, d’avoir été victimes sous mon gouvernement ». A peine débarqué, il est accueilli par des plaintes pour violation des droits de l’homme et l’ouverture par la Justice haïtienne d’une procédure pour « corruption, détournement de fonds publics et association de malfaiteurs ».
Comme s’il en était besoin et alors que les Haïtiens éprouvent les pires difficultés à élire leur prochain Président, « Baby Doc », en revenant au pays, a semé encore plus le trouble sur la scène politique. Si Haïti doit se relever d’une catastrophe naturelle qui a littéralement ravagé le pays, elle doit également s’engager dans des « opérations de reconstruction » d’une nouvelle ère démocratique. C’est un État dans son entier qui doit être remis sur pieds et il lui faudra garantir de sa légitimité pour sortir de la fatalité.
Au lendemain du tremblement de terre, je me suis rendue à Port-au-Prince. J’y ai notamment rencontré le Président René Préval, semblant bien déterminé à porter secours aux victimes et à redresser le pays. Malheureusement, et je n’ai eu de cesse de le répéter, les échéances électorales déjà planifiées le privaient déjà, dès le 13 janvier, de toute crédibilité pour s’investir dans un véritable plan de réhabilitation. C’est un Président « en sursis », sans aucune légitimité, qui a dû faire face à l’une des plus catastrophes les plus meurtrières de ces dernières années. Ne nous étonnons pas que les promesses de dons n’aient pas été respectées. Ne nous offusquons pas non plus que le travail de reconstruction peinent à avancer. Certains, bien inspirés, lui reprochent sa mauvaise gestion de la crise. Rappelons que six ans après le passage de l’ouragan Katrina, les États-Unis n’ont toujours pas achevé leur chantier en Nouvelle-Orléans…
Sur un tel champ de ruines, le retour de Duvalier sonne comme une insulte à la souffrance d’un peuple meurtri. Un an après le tremblement de terre et à la veille du second tour des élections présidentielles, formons le vœu que la Justice fasse regretter son retour à Duvalier. Qu’une vague de démocratie s’abatte cette fois-ci sur Haïti.
Par Nicole Guedj
Ancien ministre et Président de la Fondation Casques Rouges
Plus d’informations sur Nicole Guedj : www.nicoleguedj.com
Un an après… Haïti : le désespoir est-il permis ?
La Fondation Casques Rouges présidée par l’ancien ministre Nicole Guedj, organise une manifestation à l’occasion de l’anniversaire du tremblement de terre d’Haïti, mercredi 26 janvier 2011, de 18h30 à 20h30, à l’ESG Management School (25, rue Saint-Ambroise – 75011 Paris).
http://laregledujeu.org/2011/01/25/4383/de-la-legitimite-de-gouverner-en-haiti/
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
mardi 25 janvier 2011
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