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lundi 22 novembre 2010

Une artiste et une avocate qui agissent en faveur d’Haïti

Spectacles - Arts visuels

Écrit par Agnès Gaudet
Dimanche, 21 novembre 2010
Beaucoup de gens se demandent encore comment faire pour aider les résidants d’Haïti, qui tentent de surmonter une catastrophe après l’autre. Paule Juneau et Geneviève Rochette ne se posent plus la question. La première a fondé un organisme qui amasse de l’argent pour eux grâce à la vente d’œuvres d’art créées de leurs propres mains. La seconde prête son nom et son image à cet organisme.
Le 1er décembre, Paule Juneau sera très fébrile. Elle attendra les amateurs d’art au Phillips Lounge de la place Phillips, à Montréal, aux côtés de Geneviève Rochette, en espérant que les tableaux réalisés par des femmes haïtiennes trouveront preneur. Ces tableaux proviennent tout droit d’Haïti, d’autres arrivent de Tanzanie, deux pays parmi les plus pauvres du monde.
La comédienne Geneviève Rochette, qui interprète
la passionnée avocate Isabelle dans La Galère,
s’implique de plus en plus. Photo Alain Décarie
Ils ont été réalisés au cours de visites que Paule Juneau a effectuées auprès de femmes de milieux défavorisés. Elle leur a fourni du papier, de la peinture acrylique, de l’encre de Chine, des toiles, des pinceaux et des pailles (pour souffler sur la peinture), ainsi qu’une initiation à une technique de base. Les femmes, d’abord hésitantes, ont embarqué dans l’aventure.

Pour les amener à participer à l’activité créatrice, l’organisme de Paule Juneau, Challenge Art Global, leur a payé un salaire (c’était avant le tremblement de terre). Les personnes démunies veulent bien prendre le temps de s’amuser un peu, mais de toute évidence, leurs priorités sont ailleurs.
«On leur offrait un salaire, sinon elles ne seraient pas venues, estime Paule Juneau. Ces femmes doivent se battre au quotidien pour leur survie. Elles doivent trouver de la nourriture avant de penser à faire des tableaux.»
Néanmoins, les recrues de Challenge Art Global ont grandement pris plaisir à peindre. Une activité rarissime dans leur univers qui leur a donné «un moment de répit», dira Paule Juneau. En fait, en cours d’exécution, certaines n’étaient plus «arrêtables». Le plaisir l’emportait sur les inquiétudes du moment. Quand enfin leurs œuvres d’art ont été terminées, la valorisation liée au projet leur a fait grand bien, quasi autant que les dollars.

Faire un geste
Geneviève Rochette, l’avocate fonceuse de La Galère, n’a pas hésité à cautionner Challenge Art Global (CGA). Elle qui a du sang antillais par sa mère, née en Guadeloupe, est particulièrement touchée par le sort des femmes haïtiennes.
«Je ne sais pas si c’est en raison de ma fibre antillaise, mais j’ai envie d’aider», dit-elle.
L’aspect artistique de l’organisation est aussi pour elle un incitatif à s’associer à la cause. Vendre à des gens des pays riches des œuvres conçues par les démunis des pays pauvres a ce petit quelque chose d’accrocheur.
«En ce moment, les gens sont très sollicités pour toutes sortes de causes, estime la comédienne. Il faut user d’originalité pour faire bouger les choses. J’aime bien la formule de Challenge Art Global, qui apporte une grande valorisation à ces femmes-là, qui les aide à s’aider elles-mêmes par le biais de la création. D’autant plus que les œuvres sont belles, poursuit-elle. Les gens qui vont les acheter vont faire l’acquisition de quelque chose de beau et en même temps faire un geste plus large.»
Très en demande pour toutes sortes de causes, Geneviève Rochette avoue que c’est difficile pour un artiste de dire non. «Il faut choisir ses causes selon ses coups de cœur, dit-elle. Prêter son nom à une cause, c’est un geste simple, facile à faire. Nous sommes tous tellement des privilégiés.»
«La participation des artiste, pour nous, c’est toute la différence du monde», réplique Paule Juneau, qui ne cesse de remercier Geneviève pour son implication.

Faire une différence
Les tableaux en provenance d’Haïti et de Tanzanie seront vendus le 1er décembre au Phillips Lounge, de 17h à 22h, lors d’un encan silencieux. La soirée sera animée par Geneviève Rochette et Emmanuel Bilodeau. Le public est invité à l’événement et les sociétés sont bienvenues. Au cours de la soirée, question de mettre un peu de piquant, quelques œuvres seront aussi vendues à la criée.
Geneviève Rochette nous présente quelques-unes des œuvres d’art réalisées par des femmes démunies d’Haïti, œuvres qui seront vendues lors d’un encan silencieux.
Les prix des œuvres varieront entre 200$ et 800$. Des pièces plus petites et moins coûteuses seront aussi disponibles. Il y aura une trentaine d’œuvres offertes, toutes des créations abstraites à la Jackson Pollock. Sachant d’où elles proviennent et par qui elles ont été exécutés, leur valeur n’en est que plus grande.
«Il n’y a pas que les artistes des Beaux-Arts et de Paris qui aient du talent, souligne Paule Juneau. Le marché de l’art n’est pas très représentatif.»
Paule Juneau est avocate en droit international. Après avoir quitté un poste à la société Hydro-Québec, elle a voulu faire une différence. Son travail l’avait amené à voir la pauvreté dans divers pays. Elle s’est lancée dans l’aventure il y a quelques années.
L’encan de CGA en est à sa deuxième tenue et, depuis, Paule Juneau… perd des milliers de dollars. Pourtant, toujours, elle y croit. Si les profits de la vente de tableaux le permettent, CGA pourra initier un projet de développement durable. Les idées ne manquent pas: une plantation de citronniers, des bourses d’études pour les enfants, un dispensaire avec des infirmières, un potager attenant à une école.
«Souvent, les gens me demandent ce qui m’a pris de me lancer là-dedans. Mais c’est ma cause sociale à moi, dit-elle. J’ai vu de mes yeux vu les besoins de ces gens et je sais qu’il faut les aider.»

Consciente de l’urgence
De son côté, Geneviève Rochette, qui a longtemps fait de la critique sociale par l’humour alors qu’elle était membre des Zapartistes (de 2001 à 2005), souhaite s’impliquer de plus en plus. Lors de notre rencontre, cette mère de deux enfants de six et quinze ans comptait notamment participer à la Journée internationale des droits de l’enfant (le 20 novembre) et appuyer la cause d’Omar Khadr, l’enfant soldat de Guantánamo.
«Pas étonnant que nos enfants soient accablés, qu’ils décrochent», ajoute-t-elle, mentionnant au passage le dépotoir de déchets de plastique qui flotte sur l’océan Atlantique et les marchés qui mènent le monde plutôt que les idéaux. «Je les comprends, dit-elle. Ce qui s’en vient est apeurant. Longtemps, avec les Zapartistes, je prônais que "le rire est une si jolie façon de montrer les dents". C’est vrai. Mais ce n’est pas assez. Notre démocratie s’effrite. L’élite est de plus en plus à droite. Le gouvernement Harper n’en fait qu’à sa guise, dans une quasi-légitimité. Les gens sont estomaqués par tout ce qui se passe, poursuit-elle, mais semble figés dans leur torpeur. On s’insurge. Mais personne n’agit. L’urgence pourtant est à l’action. Le "non-agir" est complice de ce raz-de-marée-là. On est – les Québécois – les plus sociaux-démocrates d’Amérique du Nord, mais on fait des révolutions, malheureusement, bien, bien tranquilles…»

Quelle Galère!
Lundi (22 novembre), le dernier épisode de la saison de La Galère sera diffusé à Radio-Canada. Vu son succès, la série écrite par Renée-Claude Brazeau doit revenir l’an prochain. Geneviève Rochette ne sait pas ce que lui réserve l’auteure, mais elle a bien hâte de le savoir.
«L’année a fini en beauté, estime la comédienne. Une femme qui découvre l’orgasme à 40 ans et qui décide de se rattraper, c’est… réjouissant!»
Ce qui enthousiasme aussi Geneviève (qu’on avait découverte il y a bien des années dans la série Au nom du Père), c’est le large jeu que permet son personnage de La Galère, Isabelle.
«Ce rôle-là est un exutoire, dit-elle. Il me permet de jouer autant la comédie que des scènes très dramatiques.»
Dans la rue, le public complice se fait une joie de saluer la comédienne et de partager avec elle les bons et mauvais coups d’Isabelle.
«Les gens m’abordaient de façon plus sérieuse à l’époque où je jouais un rôle plus dur dans la série Omertà, se souvient-elle. Certains me parlaient même en italien, moi qui ne parle pas du tout l’italien (en revanche, elle parle le créole). Avec La Galère, les propos des gens sont plus légers. Quand Isabelle a donné sa démission du bureau d’avocats, les femmes me félicitaient dans la rue. Les femmes s’identifient beaucoup à Isabelle, toujours à la course, conclut-elle. Mais tout ça est fait avec un clin d’œil, évidemment. Les gens font la part des choses et savent distinguer le personnage de la comédienne.»
http://www.ruefrontenac.com/spectacles/artsvisuels/30557-rochette-haiti

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