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vendredi 27 août 2010

« Jésus, Marie, quelle décadence ! Quelque chose est pourri dans mon royaume..."

SIM PA RELE.....La chronique de Lyonel TROUILLOT
Jeudi 26 août 2010, Radio Kiskeya
Il y a l’odeur de la pauvreté. Des immondices.
Il y a l’odeur des crimes de sang, et la culture de l’oubli. Une bibliothèque municipale portant le nom d’une tortionnaire, tristement célèbre, à l’époque où l’on tuait des jeunes gens. Son nom était le symbole de la répression, de la barbarie. Une bibliothèque à son nom, la honte. Qu’elle ait aidé sa ville natale, et qu’on y garde d’elle la mémoire d’une bonne marraine, on peut comprendre. Un buste, mais pas une bibliothèque, symbole du savoir et de la liberté.
Il y a l’odeur du mensonge. Des salaires mirobolants des hauts gradés de l’humanitaire et des institutions internationales. Fraîche, climatisée. Une odeur de Haïti chérie, pi bon peyi pase ou, nanpwen, une odeur d’épargne, d’argent de côté pour plus tard, quand on sera retourné chez soi, anonyme, presque rien. Et l’odeur des camps, mal vivre et exactions.
Il y a l’odeur de la corruption, des formes les plus viles du degaje pa peche. Un élu salarié d’une ONG qui opère dans sa ville.
Il y a l’odeur de l’indécence, du manque d’éthique. Pas besoin de démissionner de son poste de haut fonctionnaire ou d’une fonction politique ou administrative non élective, quand on est candidat à la présidence. Après tout, pourquoi se priver des biens de l’Etat et des réseaux qu’on a déjà à sa disposition aux frais du contribuable.
Il y a l’odeur du Conseil électoral, un concentré, qui choisit quels articles de la Constitution et de la loi électorale, lesquels il faut oublier, qui peut dire tout et n’importe quoi, faire silence quand cela lui sied.
Et puis, couronnant tout cela, il y a la sale odeur de la résignation, du laisser faire. L’impossibilité pour celles et ceux qui souffrent le plus de taper du poing, de se transformer en force sociale, politique, pour ramener le jeu à des enjeux plus dignes : un mieux vivre pour un peuple en souffrance.
Sans verser dans le jeunisme, il faut espérer que des jeunes porteurs d’une conscience sociale et d’un radicalisme à toute épreuve commencent à se lancer dans l’activisme social en écho et dans la construction des discours revendicatifs. Ce que nous payons aujourd’hui, c’est l’assaut du politique sans inscription réelle dans le social après la chute de Duvalier. Le Conseil électoral, l’Exécutif, le parlement, tout ce monde-là, toutes ces institutions inodores, incolores (mais comme dans la chanson de Brel : pas d’odeur nous monte au nez) ne représentent rien, ni intérêts collectifs, ni revendications sociales, ni projet de société pour un vrai vivre ensemble.
Nos institutions politiques, ces élections annoncées à la n’importe quoi, ces magouilles, ces mensonges, tout cela a une odeur rance. Il y a dans les rues, à la campagne, un peuple qui en fait les frais. On pourrait parodier la chanson de Ferrat : « Jésus, Marie, quelle décadence. Quelque chose est pourri dans mon royaume de France ».
Lyonel TROUILLOT
http://radiokiskeya.com/spip.php?article6980

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