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samedi 2 août 2008

Limonade, mwen tale nan fèt chanpèt

25 juillet 2008. Ils sont des milliers à avoir investi les rues de Limonade. En pèlerinage, catholiques et vodouisants se côtoient dans une ambiance harmonieuse et festive.
Vêtues de leurs robes bleu et blanc ou encore bleu, blanc, rouge en l'honneur de grann sent Ann, des centaines de dévotes ont envahi le parvis de l'église qui, pour l'occasion, a perdu de son air solennel pour ne plus ressembler qu'à un vaste marché, une place de foire où se joue un spectacle qui se répète depuis bien longtemps déjà. Les barques de friture et les glacières remplies de gazeuses ont trouvé de la place au milieu de « laye » de rubans, de bougies, d'images saintes et d'amulettes de toutes sortes.

Les affaires marchent bien. Grisés par l'ambiance, les pèlerins et les fêtards ne se privent de rien et commettent tous les excès. Même la viande qui, depuis plus de 24 heures, est frite et refrite à outrance, trouve preneur. On prie, on boit, on se prostitue, on s'insulte, on s'embrasse comme si l'avenir du monde en dépendait. Les pieds blanchis par la poussière des rues en terre battue, le visage ruisselant de sueur sous le chaud soleil de l'été, tout ce beau monde boit autant qu'il peut et, lentement mais sûrement, les rues disparaissent sous un amoncellement de sachets et bouteilles en plastique. La pollution est aussi de la fête, le sida aussi. On en parle, on en discute, des organisations de divers horizons distribuent des préservatifs par-ci, par-là. Et, parallèlement, des couples se forment et se défont au rythme de l'ambiance. La moralité n'est pas au rendez-vous. C'est la fête avant la fête pour une population qui gémit sous le poids de la misère et du sous-développement. « Grann Sent Ann, maman, tu connais ma douleur, tu connais mes souffrances et mes inquiétudes. Aide-moi à les supporter, car tu es la plus forte, la plus solide, notre mère à tous... » Elle doit en avoir plein le dos, la pauvre Sainte Anne, car la misère est grande et les souffrances visibles.
Ils sont partout, ces pèlerins, qui continuent à croire qu'un miracle est encore possible, qui les sortira des profondes ornières de leur désespérance quotidienne. Syncrétisme oblige, on salue Sainte Anne, on fait des génuflexions devant la croix du Christ puis, tout simplement, on va danser un ''yanvalou'' ou un je ne sais quoi pour appeler les ''lwas''. On ne prend pas de risque. Comme on ne sait qui répondra, on appelle tout le monde, lwas, saints, prophètes, avec l'espoir qu'une porte s'ouvrira.

Le soleil tape fort, certains ne s'en soucient pas et l'alcool coule à flots, et, à l'ombre des grands arbres, on s'amuse à jouer aux dominos ou à se raconter des blagues. Pour d'autres, plus sensibles à la canicule, c'est la quête d'un abri. On s'installe dans les bus qui ont servi à amener les pèlerins, et ceux qui ne trouvent pas de place s'allongent sur une natte ou un « atè miyo » qu'ils ont pris le soin d'installer sous un camion en stationnement.

La place, elle aussi, transformée en marché, grouille d'activités. Des tonnelles ont envahi l'espace et les «pèpè » et autres bimbeloteries sont les sujets d'âpres négociations entre vendeurs et acheteurs. Les gargotes des marchandes de « manje kwit», de « chen janbe » ne désemplissent pas.
Il est difficile, au milieu de cette foule, d'imaginer que la plupart des Limodadiens se reposent et n'ont pas encore investi les rues et que la plupart des visiteurs n'arriveront que dans la soirée pour le festival qui se déroulera sur la place publique ou leur traditionnel bal « champêtre » avec les incontournables orchestres Septentrional et Tropicana. La ville doit probablement avoir des propriétés élastiques pour pouvoir accueillir tout ce monde-là ! Plus tard, comme d'habitude, il y aura des cérémonies vaudoues dans plusieurs «lakou», et pendant que retentiront les première notes des grands orchestres, certains, faute de moyens, iront danser une « bidyonèl » alors que d'autres, encore moins fortunés, se contenteront d'une gazeuse ou de deux coups de clairin devant la porte d'entrée de l'espace réservé au bal, savourant à distance les mélodies de leur groupe préféré.
Demain, la fête prendra fin, et rares sont ceux qui iront à la messe célébré en l'honneur de la sainte patronne de la ville. Comme on le dit si souvent : « Apre bal, tanbou lou. »

Patrice-Manuel Lerebours

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=60586
Commentaires :
Dans un pays normal, un petit pays en territoire comme Haïti, ce genre de manifestations devraient drainer une populace monstre vers ses lieux magnifiques avec beaucoup de choses à voir et à visiter. Les élus locaux qui s’évertuent a récupérer de l’argent pour faire des simulacres de carnaval devraient accepter le principe de la centralisation des festivités carnavalesques et que des fonds leur soient alloués pour la réalisation de fêtes patronales.

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