Google

mercredi 12 décembre 2007

Port-de-Paix tourne le dos à la mer

Elles avancent sur l'Atlantique, les boîtes de béton. Le bord de mer de Port-de-Paix a le visage de l'anarchie.
Certains pays n'ont pas de mer, d'autres en sont entourés de tous les côtés. A Port-de-Paix, les gens n'en savent que faire de cette richesse océanique ! Des investisseurs étrangers donneraient tout l'or du monde pour avoir cette mer en face de l'île de la Tortue. A portée du regard, l'île appelle à l'aventure. « Ici, la mer est une poubelle », déclare une propriétaire d'hôtel de Port-de-Paix, chef-lieu du département du Nord-Ouest, à qui nous venions d'adresser nos reproches parce que l'un de ses employés avait balancé à la mer un panier d'ordures. « Où doit-on jeter nos fatras ? Dans la rue ? Regardez là-bas, les gens défèquent dans la mer », dit-elle.
Une porcherie battue par les vagues est exploitée sur le littoral, bordant des maisons construites sur pilotis. Une rangée d'horribles boîtes de béton avancent vers l'océan Atlantique. Elles ressemblent singulièrement à des bidonvilles qui dévorent la côte. Pas un pouce de sable ne recouvre la bordure rocheuse sur laquelle s'élèvent des piliers de béton servant de base aux constructions anarchiques.
Les hôtels de Port-de-Paix tournent le dos à l'Atlantique. Ces lieux de plaisance ainsi que beaucoup d'habitats de cette commune agrandissent leur surface constructible en empiétant sur la mer. Les gens font ce qui leur plaît. Aucun responsable de l'autorité publique n'a intimé l'ordre à quiconque de ne pas construire sur le littoral. Il en a toujours été ainsi.Le sable fin, velours pour un littoral, que la publicité dans les autres pays vante pour attirer des touristes, sert à d'autres fins. Du côté de la plage « Embouchure » encore recouverte, on l'exploite avec acharnement comme une mine de sable. Cet élément entre dans la préparation de mortier et de construction des blocs. « Nous lavons le sable à grande eau pour éliminer le sel », confie un fabriquant de blocs. Même les roches de la mer sont recueillies, empilées le long de la plage en attendant des gros camions. Un enfant rencontré sur la plage met des roches dans une brouette. Il compte les vendre pour récolter un peu d'argent.

Et pourtant la mer est là, rutilante de soleil
La propriétaire de l'hôtel qui nous héberge craint d'ouvrir sa propriété sur la mer uniquement pour des raisons de sécurité. « On ne sait jamais ! Un concurrent jaloux peut toujours s'aviser d'envoyer un énergumène semer le trouble en vue de faire fuir notre clientèle », argumente-t-elle. La cuisine, le parking et quelques toilettes de cet hôtel bordent la mer. Même image à l'hôtel que l'on considère comme le plus sélect de Port-de-Paix.L'hôtellerie, à Port-de-Paix, joue une partition contraire aux habitants de cette commune qui regardent la mer comme un espoir. L'espoir d'aller dans les îles de la Caraïbe ou à Miami. L'espoir de voir s'ouvrir la voie maritime pour faire du négoce. Le mari de cette femme, un jeune marin, avant de jeter son ancre dans le domaine de l'hôtellerie, a bourlingué sur les mers pendant deux décennies. D'autres propriétaires ont fait le même parcours.Cet hôtel était auparavant un port privé comme beaucoup d'autres. « Mon mari et moi, nous avons décidé de fermer notre port pour ouvrir cet hôtel », dit-elle. C'est moins inquiétant que d'être obligé de se battre contre la mer.
Un mur orné de balustres et une cuisine masquent l'étendue. L'hôtel tourne dos à l'île de la Tortue. Pour regarder l'île qui écume au soleil comme un gros sous-marin, il faut monter sur le toit. La mer est là, rutilante de soleil. Des pêcheurs viennent accoster avec leur poisson à l'arrière de l'hôtel près de la cour. Pas l'ombre d'un baigneur à l'eau. « Est-ce que l'on a vraiment besoin de plage à Port-de-Paix, puisque les touristes ne viennent pas ? S'il n'y avait pas les ONG, on fermerait depuis longtemps nos portes », dit-elle, pensive. A l'occasion de la fête de l'Immaculée Conception, sainte patronne de la ville, une colonie de gens envahit les hôtels. Hauts dignitaires de l'Etat, représentants d'ONG, groupes d'artistes venus de Port-au-Prince, la foule des fêtards, animent la métropole du Nord-Ouest. Des putains, des éclopés, des mendiants sortent de leur trou et créent un embouteillage dans les principales artères de la ville déjà méconnaissable. Après la fête, le temps mort reprend son rythme lent, morne et accablant à Port-de-Paix.
« Si l'envie vous prend d'aller vous baigner, je vous conseille d'aller à Anse-à-Foleur, il y a du sable et c'est très propre », fait-elle remarquer.
La ville de Port-de-Paix se modèle sur Port-au-Prince par ses côtés anarchiques. Mais quand donc viendra l'ordre ?
Claude Bernard Sérant

Commentaires
Paris Plage… Ca vous dit quelque chose ?
Oui c’est en effet un projet cher aux parisiens et surtout à la mairie et aux maires de la ville qui consiste à mettre à la disposition des habitants de la ville lumière un aménagement rappelant une plage et ceci sur les rives de la seine. Rien de bien étonnant puisque les nations qui n’ont que faire de leur argent ont construit une station de ski en plein désert ! Tout ceci sans nul doute pour le bonheur de certains ou de tous les riverains.
En fait ce n’est que l’expression de cette vérité absolue de pouvoir utiliser à bon escient les richesses naturelles au profit du bien être de la société.
Chez nous tout ce qui représente richesse et potentialité est traité avec le plus méprisable des dédains et devient carrément un vrai problème.
Notre bord de mer est converti en poubelle et en déchèteries dans l’indifférence de notre classe dominante politique et économique qui cependant se plait bien à se pavaner sur les plages de juan dolio, boca chica ou sosua en République dominicaine.
Personne ne se sent concerner par le sort de ce pays dont les dirigeant ont déjà déserté en expédiant leurs familles ailleurs ou en se protégeant derrière un passeport étranger.
La situation s’est simplement considérablement aggravée. Elle n’est ni nouvelle ni l’apanage d’un gouvernement en particulier. Et les duvaliériste et les lavalassiens dans des proportions presque identiques ont travaillé très fort pour arriver à ce déclin. Et ce , malgré les voix qui claironnent pour dire que c’était « moins pire » ou « plus pire » -accroc voulu et recherché à la langue de Molière-
Les appels aux investissements et aux investisseurs devraient s’élargir vers de vrais systèmes d’ingérence pilotés par des « humains » conscients des potentialités de cette nation puisque nous autres les haïtiens nous n’y voyons qu’une sorte de vache à lait dont on ne soucie même pas de la survie.
Et pour les nationalistes nostalgiques...on verra après.

Dr JJ

Aucun commentaire: