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vendredi 16 novembre 2007

Les gens de Cité Soleil au comble de la misère

Sept mois après que 20 millions de dollars américains eurent été débloqués pour Cité Soleil, les conditions de vie des habitants de cette commune ne sont guère améliorées. Ces derniers vivent toujours dans la misère.
Pieds nus au milieu des mares d'eau nauséabondes, le torse nu, Willy, un homme dans la cinquantaine habitant depuis toujours « Ti Ayiti», un quartier de Cité soleil, crie haut et fort «aba lamizè». Ce père de quatre enfants, assis à l'entrée de sa maisonnette en tôle, regarde, l'air désespéré, le canal d'évacuation des eaux usées dans lequel des immondices s'exhibent dans des flaques d'eau stagnante.« Aucune des autorités qui représentent la commune ne se soucie de nos conditions de vie, dit-il d'un air indigné. Nous avons entendu dire que des fonds ont été débloqués par les Américains pour la Cité, mais jusqu'ici rien de concret n'a été fait pour la population. Vous pouvez constater que nous sommes livrés à nous-même, tant au niveau du logement, de la nourriture qu'au niveau sanitaire. »
« Si l'Etat haïtien veut vraiment réduire la violence, le banditisme, la délinquance, le kidnapping et le chômage dans le pays, il doit au plus tôt investir en partenariat avec le secteur privé dans la création d'emplois, en particulier en faveur des habitants de la Cité. Car, le chômage, c'est l'une des causes majeures des actes de violence», a-t-il soutenu.

Willy n'est pas le seul. Il y a en effet plein de gens aussi pauvres que lui dans ce bidonville: Louisiana, Andrène, Yoletta, Célida, Ilmanie, vivent eux aussi dans des conditions inhumaines.
A Bélékou, Ti Canada, Cité Blodè, Projet Lintaud 1 et 2 habitent - ou plutôt survivent - dans des masures infectes faites de tôles rouillées, à la merci de la moindre pluie qui transforme en quelques minutes leur habitat déjà dégradé à l'extrême en un cloaque immonde. Même constat à Ti Ayiti où les milliers d'habitants se partagent la même misère. « La proximité des fatras et l'état insalubre des lieux sont néfastes pour notre santé », soupire d'un air frustré Yoletta, marchande de «Tonm-Tonm», âgée de 43 ans. « Je sais que je suis exposée à de graves maladies, dit Yoletta, une veuve dont le petit commerce fait vivre - ou plutôt survivre - ses sept enfants. Mais nous n'avons aucun autre endroit où gagner notre pain. »
Andrène, une jeune femme de 28 ans et mère de trois enfants, vit cette même misère. Chaque jour qui passe, elle a le sentiment que les carottes sont cuites pour les habitants de Cité Soleil. « Au lieu que des ONG dilapident les fonds pour construire de petits corridors, j'aurais aimé qu'avec ces fonds des maisons soient construites pour nous, afin que nous ayons un environnement sain », dit-t-elle d'un ton triste. Pour Louisiana, mère de six enfants, ces fonds n'ont pas été utilisés dans les domaines qu'il faut. « Nous sommes en train de crever de faim, nos enfants souffrent de la malnutrition et de maladies comme la malaria et le kwashiorkor », dit-elle. Pire. Au moment de notre visite, des enfants d'à peine 3 ans jouaient près des piles d'immondices enflammées dégageant une fumée délétère en bordure d'un canal du Projet Lintaud 2.

Essayant d'entrer en contact avec le député de la commune afin de faire lumière sur les 20 millions de dollars qui ont été débloqués, « J'en sais rien, dit-il d'un ton embarrassé. De préférence, contactez le maire. » A la mairie de Cité Soleil, le maire titulaire, Wilson Louis, n'était pas disponible. Au téléphone, il a refusé de nous parler, manifestement mal à l'aise. Pourtant, à Cité Soleil, les attentes sont de plus en plus grandes et les habitants veulent profiter de l'attention particulière accordée par les bailleurs de fonds internationaux au plus grand bidonville de toute la Caraïbe. Pour certains, la réhabilitation des deux commissariats incendiés lors des évènements de 2004 compte parmi les priorités. « On veut que les projets tiennent compte de nos besoins réels », dit un habitant de Cité Soleil.
D'après Valsaint Francy, directeur de l'institution mixte Foi de Job à Soleil 19, la situation dans laquelle évoluent les jeunes et les habitants constitue un cancer aux yeux de tous. Pour lui, des institutions nationales et internationales se servent de la situation des gens de ce bidonville pour en tirer profit sans avoir aucune intention d'améliorer réellement l'état de cette commune. « Quelque 20 millions de dollars américains ont été récemment débloqués pour améliorer les conditions de vie des gens de Cité Soleil, mais on se demande où sont-ils passés », s'interroge-t-il. Les Haïtiens doivent enfin prendre conscience de l'état catastrophique de certaines zones comme Cité Soleil afin que Haïti projette une image positive aux étrangers. Les gens de Cité Soleil attendent des solutions. Pendant combien de temps attendront-ils encore? C'est la question que se posent tous ceux qui souhaitent réellement gagner la bataille de la misère.
Amos Cincir

cincir2005@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50815&PubDate=2007-11-15

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