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jeudi 28 juin 2007

Jusqu'à la dernière goutte !...Les nappes Phréatiques en danger!

On veut boire la nappe souterraine de la Plaine du Cul-de-Sac jusqu'à lie. Et on s'en fiche des conséquences...

Un saut d'eau sur la tête, Nathalie, 19 ans, grimpe le Morne Marinette, à la rue St-Martin. Les contours des seins dévoilés par un t-shirt trempé de sueur, elle s'empresse, avec ses longues jambes, de regagner son taudis aux confins d'un corridor crasseux à la rue Tiremasse.

Comme tous les matins, elle fait le va-et-vient entre chez elle et la citerne d'un particulier qui vend, à Delmas 4, de l'eau apportée par camion de la Plaine du Cul-de-Sac. Lucratif, le commerce de l'eau est aussi une véritable alternative aux graves faiblesses de la Centrale Métropolitaine d'Eau Potable (CAMEP), estime-on. Et pour cause.

Selon une étude de l'OPS / OMS rendue publique en 2003, la CAMEP fournissait seulement 20 % des besoins en eau des 2 millions 500 habitants de la communauté urbaine de Port-au-Prince évalués à 220.000 m3 d'eau par jour. Un déficit, conjugué à une demande accrue, responsable de la pression constante et croissante sur la nappe phréatique * (nappe d'eau souterraine) de la Plaine du Cul-de-Sac.

Pompe, pompons, pompez...


A Cazeau, à l'entrée de Tabarre, c'est l'impératif, le leitmotiv dans une station de pompage disposant de quatre bouches d'approvisionnement où des dizaines de camions-citernes, à la queue leu leu, attendent leur tour pour faire le plein. Parfois, on les sollicite pendant leur réapprovisionnement. « Si vous allez au Centre-ville, le camion de 3500 gallons coûte 2500 gourdes », raconte un chauffeur à un client potentiel. En pleine négociation, son portable résonne. Au bout de la ligne, un de ses fidèles clients : un chantier à Thomassin a désespérément besoin d'eau.

Esquissant un sourire, il réfère son interlocuteur à quelqu'un d'autre avant de prendre, en toute hâte, la direction des hauteurs de la capitale. « Il va empocher au moins 7 000 gourdes après cette livraison », commentent d'autres chauffeurs un tantinet envieux.


Sept jour sur sept et au moins 16 heures sur 24, cette station siphonne l'eau de la nappe. Située à au moins 3 minutes en voiture du Service National des Ressources en eau (SNRE), elle n'est pas la seule à exploiter la nappe de manière anarchique, sans véritable contrôle. SNRE aux oubliettes...

Chargé de la gestion des ressources nationale en eau, le SNRE est traité en parent pauvre depuis plusieurs années. C'est le moins que l'on puisse dire en visitant ce service important parqué dans une petite salle d'environ 25 m2 depuis le 3 août 2005. « Le service est ankylosé parce qu'il est sous tutelle du ministère de l'Agriculture, des ressources naturelles et du développement rural », confie, au milieu de mobiliers désuets, l'ingénieur Bernardine Henry Georges, responsable de la section hydrogéologie.


Selon elle, « le ministère a des priorités qui ne sont pas celles du SNRE ».Concernant la nappe de la Plaine du Cul-de-Sac, elle évoque les dispositions de la loi du 12 juin 1974 qui donne au SNRE les prérogatives de supervision, de forage et de contrôle des exploitations.N'ayant pas les moyens de sa politique, le SNRE s'inquiète tout simplement des conséquences de l'exploitation anarchique de cette nappe sur le long terme, poursuit l'ingénieur.
D'autant, enchaîne-t-elle, que la recharge de la nappe s'est considérablement réduite à cause du déboisement.Pédagogique, elle explique qu'à cause du déboisement, une bonne partie de l'eau de pluie ruisselle, dégouline au lieu de s'infiltrer dans le sous sol. Chercheurs préoccupésSelon l'ingénieur Joseph Osnick, doctorant en assainissement des eaux à l'INSA de Lyon, en France, et membre d'une équipe de chercheurs de l'Université Quisqueya, l'exploitation de la nappe d'eau souterraine de la Plaine frôle déjà le rouge.

Se référant aux données d'une étude réalisée en 1999 par le Corps des Ingénieurs de l'armée américaine, il indique que 418,5 méga mètres cube d'eau sur 1100 disponibles étaient consommées par année dans la « région Centre/Sud » : une délimitation géographique qui comprend la communauté urbaine de Port-au-Prince. Soit 38 % des ressources disponibles. Un seuil qui frôle les 40 % qualifié de grave par l'UNESCO.

Persuasif dans son argumentaire, l'ingénieur Joseph Osnick estime que la menace de stress hydrique se précise. Un phénomène défini comme le rapport entre la quantité d'eau consommée et les ressources disponibles, poursuit-il. « Au niveau national, nous disposons de 12600 méga mètres cube d'eau. Une bonne réserve », dit-il en mettant toutefois en relief les graves problèmes de gestion susceptibles de provoquer des pénuries, surtout au niveau de la capitale et de ses environs.
En attendant une prise de conscience nationale et des dispositions gouvernementales pour bien gérer nos ressources en eau, là, à la rue Tiremasse, l'effort déployé tous les jours par Natacha indique combien cette ressource épuisable et épuisée est indispensable à la vie.

* Une nappe phréatique ou nappe d'eau souterraine est une sorte de réservoir naturel. L'eau de pluie, voyageuse de nature, s'infiltre dans le sol et achève sa descente lorsqu'elle rencontre une couche de roches imperméables. Comme elle ne peut pas la traverser, elle s'accumule et forme un aquifère. En Haïti, les ressources en eau souterraine sont classées en deux catégories d'aquifères. D'abord, les aquifères continus représentent les plaines littorales et alluviales. Puis, les aquifères discontinus correspondent, pour la plupart, soit à des faciès géologiques d'origine détritique d'une bonne porosité efficace (conglomérats et grès), soit le plus souvent à des faciès calcaires cristallins affectés d'abondantes discontinuités, réalisant ainsi une importante fissure.

Roberson Alphonserobersonalphonse@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=45207&PubDate=2007-06-28

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