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dimanche 18 mars 2007

"François Duvalier Titan ou Tyran ?" d'Anthony Georges-Pierre

Enfin, un inventaire objectif d'une tranche de la réalité socio-politique haïtienne.
Si d'ordinaire la critique objective réserve un accueil chaleureux aux oeuvres littéraires capables de séduire de larges fractions de l'opinion, il convient d'accorder une place de choix à François Duvalier, Titan ou Tyran ? Cette oeuvre magistrale de Me. Anthony Georges-Pierre (professeur de belles lettres, politologue, chercheur, historien et écrivain) certainement défiera l'usure du temps.

"La vérité est dans la contradiction" disait Jean Jaurès. Ainsi, elle doit influencer les méthodes d'investigation entreprises par le chercheur en vue d'aboutir à des résultants concrets, basés sur le raisonnement et la logique. Pour l'historien, le duvaliérisme reflétait une certaine vision de la société haïtienne, marquée par une lutte de classe aigue, opposant nantis et démunis confrontés à la dure réalité du préjugé de couleur. Aussi, avec cette honnêteté qui refuse toute contrainte et toute forme d'intolérance, l'écrivain a fustigé sans réserve les excès de la tyrannie duvaliérienne et a dénoncé les violations flagrantes des droits de l'homme, ainsi que les accrocs à la liberté citoyenne.
Anthony Georges-Pierre a mis en lumière avec brio le climat politique détestable de l'ère duvaliérienne sans s'enfoncer dans la mare sordide de l'émotivité qui d'ordinaire conduit à l'intransigeance ; ce qui donne de l'autorité au jugement de l'auteur, tout en rehaussant sa crédibilité. D'entrée de jeu, il manifeste un sens élevé de l'humain ainsi que sa fidélité aux valeurs transcendantales qui dépassent les affiliations idéologiques et permettent à l'esprit d'opérer la synthèse des expériences propices à la découverte de la vérité."François Duvalier, Titan ou Tyran ?" est une histoire palpitante d'intérêt, un livre de chevet, une biographie qui se situe à mi-chemin de l'engagement et de l'enracinement. Scrupuleux et méthodique, l'auteur a eu le courage de s'arracher aux interprétations malfaisantes, communes aux nombreux biographes du Dr. François Duvalier, dont le récit et les conclusions débouchent sur une histoire partisane sans prise sur l'événement.
Incontestablement, Me. Georges-Pierre s'est révélé un historien de talent par la flexibilité de son jugement, son sens élevé de l'objectivité, la profondeur de ses analyses qui font de ce livre un document important. "François Duvalier, Titan ou Tyran ?" permet de découvrir en son auteur l'étoffe d'un historien consciencieux et averti dont le talent consiste à mettre sous nos yeux et d'une manière convaincante les différents paramètres de la personnalité d'un homme passionné du pouvoir qu'il détenait. Aucun des biographes du 8e (huitième) président à vie d'Haiti ne l'a fait avant lui.
L'auteur refuse de se faire le thuriféraire d'un régime dictatorial et intolérant pour privilégier la vérité dans toute sa nudité. Aussi, nous a-t-il présenté son protagoniste comme un doctrinaire intransigeant, astucieux mais courageux et assumant ses actes. Le critique avisé peut aisément découvrir à travers des analyses sereines le profil d'un patriote sincère, fidèle à lui-même et à l'idéal qui le fascinait. Néanmoins, ce personnage est aussi pétri de contradictions, car, s'il a cherché à créer les évènements pour mieux les exploiter, il arrive des fois que ses démarches se heurtent à la force des circonstances et à l'ambiguïté des situations."François Duvalier, Titan ou Tyran ?" n'est pas une apologie du duvaliérisme, encore moins une tentative de rejoindre les pamphlétaires qui, par opportunisme politique ou par carence d'objectivité, ont flétri ou grandi sans réserve l'homme et sa politique. Historien occupé à faire de l'intervention intellectuelle une arme au service de la vérité, Me. Anthony Georges-Pierre a transcendé les conflits de chapelle, les déclamations partisanes et le parti pris vulgaire pour saisir les nuances et les subtilités, qui sont autant de points de repères utiles à l'analyse des nombreuses sources, des témoignages et des récits sélectionnés avec un souci didactique pour faire jaillir la lumière du choc des idées.En exposant sans fard les efforts déployés par le Dr. François Duvalier pour rallier sous le même drapeau les éléments disparates de l'entité haïtienne, Me. Anthony Georges-Pierre a fait montre d'un esprit chevaleresque, guidé par le souci de l'objectivité et par le besoin de transmettre aux générations postérieures, une oeuvre historique capable de marquer son époque et de transcender les franges émotionnelles du moi.
Il est souhaité que la clarté projetée avec une telle hardiesse sur la vie d'un homme qui a dominé, même par-delà la tombe, près de 3 (trois) décennies de notre existence nationale, fasse naître un engouement pour une histoire qui "dégonfle les baudruches". Ce qui ne manquera pas de faire de cette biographie un témoignage capital et émouvant.Après avoir lu ce livre de près de 900 pages "François Duvalier, Titan ou Tyran ?", disponible aux librairies La Pléiade et Astérix, je me laisse croire que François Duvalier s'identifiait aussi bien au Titan qu'au Tyran.
Jean-Albert SaindouxFévrier 2007
Paru dans Le Nouvellsite sur
http://www.lenouvelliste.com
Commentaire
En peu de temps je suis tombé sur deux livres retraçant la vie et l’œuvre de ce personnage singulier de notre histoire. A quelques mois du cinquantième anniversaire de son ascension au pouvoir et du début de son régime de fer deux auteurs semblent nous inviter à faire un choix. Un choix qui risque d’être assez facile avec le recul et l’inertie morose que nous ont offerts les dirigeants qui ont succédé à la gestion des affaires du pays.
Ces récits ne semblent pas vouloir réveiller d’engouement chez les partisans d’un régime qui pourrait avoir sa place dans les débats aujourd’hui. Mais force est de constater que le duvalierisme n’avait point laissé d’héritiers tandis qu’une grande partie de la population aurait bien du mal à refuser une version corrigée des choses.
Après 1986, les duvaliéristes étaient plutôt intéressés – semble-t-il- par trouver un endroit pour se la couler douce et surtout dépenser ce qu’ils avaient pu emmagasiner en matière de richesse donnant l’impression hormis quelques velléités célèbres par la maladresse de leurs auteurs que le duvaliérisme n’a pas su résister le temps d’un « déchoucage »

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