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mardi 19 juillet 2011

Céder sur l'accessoire pour réaliser l'essentiel

Haïti: Deux mois après son investiture, le président Michel Martelly peine à faire ratifier son premier gouvernement. La rentrée des classes ne tiendra pas toutes ses promesses, ou au pire, nous allons y aller à l'haïtienne : la sauce coûtera plus cher que le poisson. Le budget national 2011-2012 sera bâclé. On rapiécera celui de l'an passé.
Par un de ces bégaiements de l'histoire, le changement annoncé rate la première marche au pas de la porte.
Ici, quand ce n'est pas la volonté qui fait défaut, c'est un déficit de savoir-faire qui nous empêche de prendre le bon départ depuis 1991. Non depuis 1986. Bien avant : depuis 1957. Mais non, depuis 1804.
Perpétuel recommencement.
En réaffirmant son soutien à Bernard Gousse à son retour d'Espagne après la pétition du groupe des seize sénateurs affirmant leur détermination à voter contre le choix du président de la République, Michel Martelly a lié son sort à celui de son poulain.
L'addition Rouzier+Gousse sera lourde si les deux se rejoignent dans la liste des Premiers ministres désignés non ratifiés. Martelly donne l'impression qu'il ne peut pas reculer sans ajouter la débandade à l'échec. Alors il avance avec Gousse. Serrant les rangs, serrant les dents et mettant plus de coeur à l'ouvrage.
Pourtant, depuis qu'il a compris qu'il s'est enfermé dans un piège, les cartes sont jouées avec prudence dans le camp de la présidence. Martelly paraît plus accommodant et Gousse multiplie les rencontres, les déclarations apaisantes, grappille les appuis. L'avocat a même fait le pèlerinage à Seau-d'Eau ce week-end. Tout compte. Le plus infime agio s'ajoute à son capital.
Si le mot négociation est banni du vocabulaire du président Martelly, on sent qu'au fond la réticence n'est pas coulée dans le béton. D'ailleurs, en coulisse ou à visage découvert, il n'y a pas quatre chemins pour vaincre la réticence des sénateurs et celle sans doute latente, des députés.
Nos élus si mal élus doivent aussi comprendre que la reculade n'est pas signe de défaite. Rejoindre l'autre au milieu du gué est un sort meilleur au périr ensemble que nous conjuguons si souvent.
Il est à craindre cependant que le prix du passage de la pilule Gousse n'ouvre la porte à des pete koken en cascade sitôt la ratification acquise.
La gouvernance future, les élections qui s'annoncent, le marasme de l'économie mondiale, les dossiers compliqués de la reconstruction, tout nous prescrit un pacte de gouvernabilité, comme le dit si bien l'Alternative. Un Yalta haïtien, pour reprendre un édito écrit dans ce journal. Un chita pale entre chefs, pour reprendre Steven Benoît, le premier sénateur de l'Ouest.
Aucun président de la République d'Haïti n'aura une nouvelle fois la chance de recevoir Haïti en héritage et de pouvoir en disposer à sa guise comme Jean-Claude Duvalier. Tous les présidents devraient prendre leçon du destin de Jean-Bertrand Aristide élu dans l'euphorie populaire et qui n'a jamais pu gouverner qu'entre parenthèses en dépit de ses mandats massifs.
Rechercher le point d'équilibre entre les forces sociales et politiques est le premier devoir du premier mandataire de la nation, qui doit veiller à la bonne marche des institutions. Ce faisant, il ne renonce à aucune de ses prérogatives et ne capitule pas devant aucun des pouvoirs, fusse-t-il parlementaire.
Faire marcher ce pays c'est savoir doser la politique de la carotte et du bâton sans abuser ni de l'un ni de l'autre.
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=95045&PubDate=2011-07-19
Commentaire.
Un très bon édito comme en a la coutume Le Nouvelliste. Un édito parfait aurait misé sur une répartition plus équitable dans la prise des responsabilités des acteurs de la crise intitutionnelle autour de la ratification du premier ministre.
Le Nouvelliste semble demander un peu plus de concession au pouvoir exécutif qu'au pouvoir législatif. Objectivité oblige?

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