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lundi 20 décembre 2010

Marqué à vie par Haïti ...Président de Secouristes sans frontières, Jean-Philippe Oustalet a fouillé huit jours les décombres de Port-au-Prince

Jean-Christophe Oustalet a rapporté une pierre du magasin
 d'où a été extraite Hoteline. photo B. Lapègue
«Séisme 7,3 Haïti. Épicentre Port-au-Prince. » C'est par ce texto laconique émanant de l'ONU que Jean-Pierre Oustalet, président de Secouristes sans frontières depuis deux ans et responsable de la sécurité des plages de Biarritz depuis 2007, a été averti en pleine nuit du terrible tremblement de terre qui a dévasté cet État le 12 janvier dernier (lire par ailleurs).
« Nous avons monté la mission dans la nuit. Le lendemain à 8 heures, je posais ma demande de congés et nous sommes partis à 20, se souvient le secouriste bénévole, âgé de 46 ans, qui enchaîne les missions depuis 1994. Après deux jours bloqués à Paris, nous avons atterri à Port-au-Prince. Le 4e jour au matin, nous étions sur zone. C'était le chaos total, tout était défoncé. Mais contrairement au tsunami en Thaïlande, nous savions qu'il y avait beaucoup de chances de trouver de la vie. La tâche était immense. Il faisait très chaud. Nous manquions de tout. Se déplacer, se procurer de l'eau… Tout était compliqué. » Presque sans relâche pendant une semaine, il fouille avec ses hommes les décombres de la capitale haïtienne. En vain. « À 4-5 heures, nous étions debout. On s'arrêtait vers minuit et on définissait notre plan de travail du lendemain pendant la nuit dans le PC de l'ONU, » précise le chef d'équipe natif d'Arrens (65). La persévérance des secouristes français finit par payer. Sept jours après la catastrophe, ils extraient des décombres d'un supermarché Hoteline, une jeune femme de 26 ans, au terme de douze heures de travail acharné de consolidation et déblaiement. Le lendemain, une réplique finit d'écrouler le bâtiment. « Plus de 120 personnes ont été sauvées, ce qui est exceptionnel. Le 13e, le 17e jour… des survivants ont encore été retrouvés. D'habitude, au bout de 3-4 jours c'est fini », souligne Jean-Philippe Oustalet qui a gardé contact avec Hoteline. « Nous correspondons pas mal par mail ou téléphone. Elle a attaqué sa deuxième vie et a repris le travail, mais elle ne peut toujours pas retourner à Port-au-Prince psychologiquement. La force de ces gens, qui souffrent au quotidien, est une leçon de vie à chaque fois. Cela me fait encore plus apprécier la région, mes conditions de travail. »
Un séisme ravage Haïti le 12 janvier
Mardi 12 janvier à 16 h 53 (22 h 53 en France), l'État d'Haïti, situé au large de Cuba, est dévasté par un puissant tremblement de terre (7,3 sur l'échelle de Richter). Située à une vingtaine de kilomètres de l'épicentre, sa capitale, Port-au-Prince, est ravagée. Selon les derniers bilans, plus de 300 000 personnes ont perdu la vie et autant ont été blessées. Le palais présidentiel, le Parlement, la majorité des bâtiments des ministères et de l'administration publique ont été détruits et plus de 313 000 résidences touchées. La valeur totale des dommages est estimée à 7,9 milliards de dollars, soit 120 % du produit intérieur brut du pays en 2009. Actuellement en pleine élection présidentielle, Haïti est en proie à une grave épidémie de choléra qui a déjà fait plus de 2 500 victimes.
« Je suis rentré un dimanche, se souvient-il. Le lundi, j'étais au boulot. C'est sûr, cela fait un gros décalage. Mais je peux m'appuyer sur mon épouse et mes deux enfants, à fond derrière moi. Ma thérapie, c'est de parler de mes missions. Et celle-là, il m'a fallu en parler. C'est pour le moment la plus marquante de ma vie. »
Prêt à repartir
Pas reparti depuis, l'éducateur sportif, longtemps secouriste dans les Alpes avant d'emménager au Pays basque en 1998 pour rejoindre le service des sports de Biarritz, se dit prêt physiquement et psychologiquement à porter à nouveau secours n'importe où. « Je m'oblige à courir tous les jours, qu'il fasse chaud ou froid, car on peut se retrouver en Arménie par - 15 degrés ou en Haïti par + 30, note-t-il. J'ai besoin d'aider les autres. Ce qui me plaît, c'est l'urgence, même si cela laisse toujours un goût d'inachevé. Partir vite, atterrir dans un pays où il n'y a plus rien et arriver à faire quelque chose. Le secours, c'est une passion depuis toujours. Elle est toujours intacte et j'ai la chance que Didier Borotra, mon employeur, me la laisse vivre à fond. Je me considère comme un privilégié. Le jour où je ne serai plus sensible à la misère des personnes secourues, où je ne ressentirai plus rien lorsque je ramasserai des cadavres, j'arrêterai. Mais ce n'est pas encore le cas. »
Secouristes sans frontières Pays basque, Maison des associations de Biarritz, 2, rue Darritchon. Tél. 06 70 15 46 22. Jusqu'au 1er janvier, la une de notre édition locale sera consacrée à des témoins d'actualité. Demain, Michel Berhocoirigoin.
http://www.sudouest.fr/2010/12/20/marque-a-vie-par-haiti-271974-631.php

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