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samedi 20 novembre 2010

Le choléra a-t-il été importé en Haïti?

En Haïti, une folle rumeur circule: les soldats de l'ONU d'origine asiatique seraient à l'origine de l'épidémie de choléra qui ravage l'île. Ces derniers jours, les casques bleus ont été violemment pris à partie par la population. La bactérie a-t-elle été importée ou était-elle présente dans le pays? Pour leJDD.fr, Guillaume Constantin de Magny, chercheur spécialiste du choléra à l'Institut de recherche pour le développement, analyse les différentes hypothèses.
En Haïti, la folle rumeur à l'origine de violences contre les soldats de l'ONU est partie d'une information du Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (CDC) selon laquelle la souche responsable de l'épidémie de choléra est liée à une souche d'Asie du Sud…

Les violences sont parties d'amalgames par rapport à la déclaration du CDC. Avec une méthode classique mais relativement sommaire de microbiologie, le CDC a fait des prélèvements chez les patients atteints par la bactérie et caractérisé la souche de choléra pathogène en Haïti. Il s'avère qu'elle présente des caractéristiques identiques ou similaires à celle qui circule actuellement en Asie. Mais les techniques employées ne permettent absolument pas de faire le lien strict géographique avec une zone précise. Pour ce faire, d'autres recherches sont en cours de réalisation.

Comment une souche peut-elle voyager?
Cela s'appelle un cas d'importation. Il faut d'abord que la bactérie soit ingérée dans une certaine quantité. Puis elle s'installe au niveau de l'intestin et provoque des symptômes. Mais ceux-ci peuvent être muets entre 12 et 72 heures après la contamination. En 72 heures, vous avez largement le temps de passer d'une zone endémique - comme l'Afrique ou l'Asie - à Haïti par exemple, où il n'y a pas de choléra. C'est ensuite par les vomissements et les rejets liquides du corps humain que se transmet la bactérie.

«Nouveau variant ou souche identique?»
Il n'y avait pas eu d'épidémie de choléra en Haïti depuis un siècle. Cela signifie-t-il que la souche actuelle a forcément été importée?
Les techniques moléculaires vont permettre de répondre à cette question. Si cette souche est génétiquement identique à une autre souche déjà observée ailleurs dans le monde, on pourra faire un lien de confiance entre la circulation, via l'importation, de personnes qui ont contracté la bactérie mais qui ne l'ont pas déclaré tout de suite en terme de symptômes, et l'apparition de l'épidémie. Si elle présente des caractéristiques génétiques assez différentes et marquées, cela permettra de dire qu'on ne l'a pas vu circuler ailleurs et qu'il s'agit d'un nouveau variant. On pourra alors conclure à une émergence locale de la maladie.

Quelles sont les conditions qui favorisent l'émergence locale d'une telle épidémie?
La bactérie est très bien adaptée à l'environnement. Elle se trouve dans les rivières, les estuaires, le long des côtes ou dans les nappes phréatiques. En général, elle s'y trouve en quantité minime ou les populations n'utilisent pas directement ces points d'eau et cela ne suffit pas à faire démarrer une épidémie. Mais si les conditions de l'environnement (température, etc) deviennent extrêmement favorables au développement de la bactérie dans l'environnement, cela va entraîner une augmentation de la probabilité de contact avec la population humaine. Il faudra toutefois atteindre un certain seuil pour que les premiers cas apparaissent. L'épidémie peut aussi se développer en raison de l'état de santé des populations, en cas de déficience immunitaire liée à la malnutrition par exemple.
«Cela laisse penser que la bactérie n'était pas présente»
Dans le cas d'Haïti, les conditions de vie précaires depuis le séisme du 12 janvier ont donc favorisé le développement de l'épidémie?
En général, dans le cas de déplacements de population dans des conditions extrêmement précaires liés à une catastrophe naturelle, le délai pour que l'épidémie démarre est court: entre quelques semaines et deux-trois mois. Les personnes plus précaires - les enfants et les personnes âgées - sont rapidement contaminées. Or, dans le cas d'Haïti, le séisme a eu lieu le 12 janvier et l'épidémie n'a démarré que récemment. Cela laisse penser que la bactérie n'était pas présente - ou en tout cas pas en quantité suffisante - dans l'île.

Ce démarrage tardif laisse donc penser que la bactérie a été importée…
Vraisemblablement, si elle avait été présente et si le choléra avait déjà circulé en Haïti dans les dernières années, on aurait pu s'attendre à ce que le démarrage épidémique intervienne beaucoup plus tôt après le séisme. Mais pour l'instant, aucun élément formel ne permet de dire qu'il s'agit d'un cas d'importation. On a un faisceau d'arguments en ce sens. Mais il ne vise personne et il ne faut accuser personne tant qu'on n'a pas les éléments nécessaires.
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