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vendredi 2 avril 2010

Haïti voit la reconstruction comme un nouveau départ

Par Thomas Vampouille
Première urgence : 1,3 million d'Haïtiens ont vu leur domicile détruit et ils sont des centaines de milliers à vivre dehors. Crédits photo : AP

A l'occasion de la conférence des donateurs réunie mercredi à New York, les acteurs de la solidarité appellent à dépasser l'urgence pour relancer un pays déjà sinistré avant le séisme du 12 janvier. Trois priorités se dessinent : logement, santé et agriculture.

«C'est le défi que nous devons réaliser à New York : non pas reconstruire mais plutôt construire mieux, pour créer littéralement un Haïti nouveau», avait souligné le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avant la conférence des donateurs qui se tenait mercredi à New York. «Agir maintenant mais avec une vision de l'avenir», résume le gouvernement haïtien dans son «plan d'action post-séisme». L'enjeu, pour le président haïtien, René Préval : rien moins que de refonder Haïti, et faire de ce drame une «fenêtre d'opportunité» pour des «changements structurels».

«L'effet cumulatif» du séisme meurtrier du 12 janvier «et de trois décennies de développement au point mort» font qu'Haïti se trouve «dans un état de détresse socio-économique duquel il sera difficile de sortir sans un nouveau départ», analyse la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). En clair, étant donné l'état du pays avant le séisme, il est hors de question de revenir à la situation antérieure. La Cnuced prône donc «une nouvelle approche de la coopération internationale». Coût estimé : au moins 8,5 milliards d'euros pour les dix prochaines années.

«L'urgence, c'est le développement»

Sur le terrain, le long terme se conjugue à une situation d'urgence qui demeure. «Elle va perdurer pendant plusieurs mois», avertit Sandrine Chopin, administratrice de Coordination Sud. Première des urgences : 1,3 million d'Haïtiens ont vu leur domicile détruit et ils sont des centaines de milliers à vivre dehors. A l'approche de la saison des pluies, en mai, les ONG s'inquiètent. «D'autant que la première phase, d'évaluation et de sécurisation des bâtiments qui ne se sont pas effondrés, n'est pas encore terminée», souligne Patrick Coulombel, président de la fondation Architectes de l'urgence. En attendant de pouvoir reconstruire en dur, il va falloir mettre en place des «abris transitionnels», explique Pascal Bernard, directeur des opérations de l'Agence d'aide à la coopération et au développement (Acted). Ces abris ne se contenteront de parer à l'urgence mais fourniront aussi des matériaux réutilisables pour des constructions plus pérennes.

La situation alimentaire est la deuxième priorité. En particulier celle des quelque 600.000 déplacés qui, suite au séisme, ont quitté la capitale Port-au-Prince pour les régions rurales. «Ce sont les grands oubliés de la crise. Ils se sont réfugiés dans des familles d'accueil, ce qui accroît considérablement la pression sur les ressources », s'alarme Pascal Bernard. Là encore, il s'agit de dépasser le stade de la distribution alimentaire d'urgence pour se diriger vers des solutions durables. «Il faut relancer le circuit agricole en distribuant les semences qui manquent, pour que les populations puissent faire la prochaine récolte, préconise le directeur des opérations d'Acted. Sans cela, on aura une crise alimentaire à retardement». L'agriculture, pilier de l'économie haïtienne, est reconnue par le plan gouvernemental comme un «axe incontournable de son développement». Reste que dans ce domaine, «il faut reprendre les choses où nous les avions laissées avant le séisme, explique Xavier Ricard, directeur du partenariat international au Comité catholique d'action contre la faim (CCFD), pour repenser totalement le développement agricole. Sans quoi dans quelques années, ce ne seront pas deux mais neuf millions de gens sur les routes, du fait d'une exode rural massif».

Transparence sur les fonds

Sur le plan de la santé aussi, «c'est à la construction du système qu'il faut s'atteler», souligne Sylvain Augier, de Handicap International. L'organisation a mis en place en Haïti le plus gros programme de son histoire. «Mais pour garantir les soins et leur gratuité, il faut des subventions», explique l'organisation, rejointe sur ce point par Médecins sans frontières (MSF).

Pour mener à bien tous ces chantiers, il faut des engagements chiffrés, concluent en ch½ur les humanitaires. Avec deux précautions. D'abord, que des structures soient mises en place pour s'assurer que l'argent, dans un pays miné par la corruption, soit bien utilisé. Ensuite, «il faut être clair sur ce que contiennent ces chiffres annoncés par la communauté internationale », relève Patrick Coulombel, d'Architectes de l'urgence. «Il ne faut pas qu'ils soient artificiellement gonflés avec des remises de dettes ou avec le coût des opérations militaires menées en janvier, insiste-t-il. On parle de reconstruction : il faut donc que l'argent promis serve bien à reconstruire…»

http://www.lefigaro.fr/international/2010/03/31/01003-20100331ARTFIG00649-pour-haiti-la-reconstruction-se-veut-un-nouveau-depart-.php

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