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samedi 27 mars 2010

"En Haïti, la culture est inversement proportionnelle à la richesse"


La maison d'édition parisienne Le Serpent à plumes publie une revue hors-série Spécial Haïti, au bénéfice d'un hôpital de Port-au-Prince. Une action humanitaire doublée d'un projet culturel qui permet de mieux saisir la réalité de cette île caribéenne. Nathalie Fiszman, directrice littéraire, répond à LEXPRESS.fr.

Pourquoi la maison d'édition du Serpent à Plumes a-t-elle tenu à participer au mouvement de solidarité avec Haïti?
Etant donné le nombre d'auteurs haïtiens présents dans notre catalogue, -comme Dany Laferrière qui a publié sept ouvrages chez nous- je me suis dit que nous pouvions difficilement rester les bras croisés. Et que nous avions une sorte d'obligation à mener une action éditoriale pour Haïti.
Dès le lendemain du tremblement de terre, j'ai donc proposé à nos auteurs l'idée de cette revue dont les bénéfices sont destinés à l'hôpital de la Communauté haïtienne, situé à Pétionville, un quartier de Port-au-Prince. Cet établissement de 50 lits, dont nous connaissons personnellement les dirigeants, accueille des malades particulièrement démunis. Comme il a été construit dans le respect des normes sismiques (en 1985), il demeure intact et tout son personnel ou presque est sorti indemne du séisme.


Comment les écrivains ont-ils réagi à l'idée de ce projet littéraire?
Ils ont immédiatement répondu, malgré leur état de choc et d'épuisement. Ils se trouvaient en effet presque tous à Haïti au moment du séisme, car le festival littéraire "Etonnants voyageurs" devait s'y dérouler [du 14 au 16 février, deux jours après le tremblement de terre]. La revue a été bouclée en huit jours, ce qui représente un petit tour de force.


En quoi consiste exactement le projet "Le Serpent à plumes pour Haïti"?
Au-delà de l'action humanitaire, il s'agit de proposer un panorama complet de la vie à Haïti et de donner à comprendre la réalité sociale de cette île en proposant un autre angle que celui des journaux télévisés. Ce numéro spécial se compose d'extraits de romans déjà publiés mais également de textes nouveaux, d'articles, de témoignages. Il y a par exemple cette magnifique Lettre à Sergine, de Thomas Spear, qui écrit à une amie disparue sous les décombres du tremblement de terre. On y découvre aussi les photos joyeuses ou tendres de la vie quotidienne sur l'île, signées Fred Koenig et David Damoison [Voir notre diaporama].


Quelle est la spécificité de la littérature haïtienne?
C'est une langue magnifique, colorée. On y trouve un mélange de réalisme cru et de naïveté. Evidemment, l'arrière-fond historique, politique, économique de l'île imprègne l'oeuvre des écrivains. Mais il me paraît gênant de vouloir enfermer ces auteurs dans une catégorie. Il s'agit surtout d'une littérature de grande qualité qui a pris de plus en plus d'importance en France au cours de 20 dernières années. On y trouve également beaucoup de diversité. Frankétienne mêle la langue créole et le Français dans une écriture expérimentale quasi-surréaliste tandis que Dany Laferrière (lauréat du prix Médicis 2009 pour L'Enigme du retour) poursuit, livre après livre, un travail plus autobiographique.
Quelques jours à peine après le séisme, Dany Laferierre a résumé l'importance de la place de la culture dans la vie des Haïtiens: "Quand tout tombe, il reste la culture, a-t-il déclaré. Et la culture, c'est la seule chose qu'Haïti a produite. Ca va rester. Ce n'est pas une catastrophe qui va empêcher Haïti d'avancer sur le chemin de la culture. Et ce qui sauve cette ville, c'est le peuple. C'est lui qui fait la vie dans la rue, qui crée cette vie. Il ne faut pas se laisser submerger par l'événement." Il a raison: la culture haïtienne est probablement inversement proportionnelle à la richesse économique de l'île.


Le Serpent à Plumes pour Haïti, 175 pages, 15 euros. En vente en librairie (Au profit d'un hôpital de Port-au-Prince).


http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique/en-haiti-la-culture-est-inversement-proportionnelle-a-la-richesse_853579.html

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