Bélo, artiste haïtien en tournée en France, est une mégastar. Mais il a su rester proche de ses racines. A peine évoque-t-il "la chance qu'il a eue de pouvoir aller à l'école à Port-au-Prince", qu'il ajoute: "en quatorze ans d'études, j'ai moins appris que ma nièce, scolarisée en France, depuis cinq ans".
Quand le chanteur évoque le séisme, il succombe à l'émotion. Il n'était pas chez lui "ce 12 janvier". Loin des siens, loin de sa "base" de Pétionville, un quartier de Port-au-Prince, il se trouvait en tournée en Guadeloupe lors du tremblement de terre. "Cela m'a fait plaisir qu'on parle d'Haïti", lance t-il, bien que l'île se présente sous un bien mauvais jour. "On parle toujours de mon pays en mal: on ne relève jamais les bons côtés: les plages, la beauté des filles, les artistes qui, sans ressource, réussissent à tracer leur carrière"... Comme lui.
Bélo veut des "changements"
Une fois ses études de sciences comptables terminées et vite oubliées, les portes du succès se sont ouvertes: "J'ai voyagé sur le continent américain, en Europe, en Afrique de l'Ouest". Il donne des concerts de musique traditionnelle haïtienne -un mélange de reggae, ragga, blues et jazz. Et ça marche: "je ressens un certain confort économique", confie t-il. Au contraire de la majorité de ses concitoyens.
Bélo pense souvent, dit-il à "ces 80% de la population sur 8 millions d'habitants qui n'ont pas accès à l'eau potable, aux enfants qui n'ont guère les moyens de s'inscrire à l'école et la pauvreté extrême du pays". Il "voudrait du changement". Pour cet artiste engagé, c'est devenu une obsession: "Aider la majorité de mes compatriotes qui n'ont rien du tout".
Bélo sera à Marseille ("Babel-Med-Music"), le 26 mars puis à Montélimar au Théâtre de la ville, pour un concert de charité, le 29 mars en faveur de la reconstruction de l'école hôtelière de Port-au-Prince. D'autres dates et une biographie ici.
"Suite au séisme, je me suis demandé si je devais retourner chez moi, consoler les survivants ou bien voyager pour récolter des fonds grâce à la musique." Bélo a choisi la deuxième voie. Il a joué une vingtaine de concerts afin de soutenir, par exemple, la Croix Rouge haïtienne. Le 15 mars dernier, il a joué à Ney-York pour la reconstruction de la "seule" école de cinéma en Haïti ("Ciné Institut"), située à Jacmel (Sud de l'île). La soirée a rapporté 45000 dollars.
"Les gens m'écoutent davantage que les politiques"
Dans ses chansons, comme "Lakou Trankil" (2005), son titre de référence, il dénonce le sort des enfants délaissés, les femmes abandonnées, et la violence, prônant au passage le vivre- ensemble. "Quand je chante, je peux délivrer des messages universels, mobiliser mon peuple car les gens m'écoutent plus que les politiques, dont les discours indiffèrent". Pourquoi, alors, ne pas débuter une carrière en politique, à trente ans passé ? "Je préfère rester neutre." Cela reflète t-il une crainte de sa part ? "Pas du tout: si j'avais peur, je ne chanterais pas des chansons pour déranger". Bélo en profite pour adresser une pique indirecte aux élus haïtiens: "Je suis très connu, mais je refuse de vivre telle une star, de manipuler les gens et de me placer au dessus des autres".
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