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dimanche 18 octobre 2009

Le 17 octobre, le départ vers le pire : La chronique hebdomadaire de l’écrivain Lyonel Trouillot

Mardi 13 octobre 2009, Radio Kiskeya
Quand on est animateur d’émissions, cela devient une routine de faire parler les autres. Les émissions, il en est de bonnes, il en est de mauvaises. Il est rare qu’une ou plusieurs viennent s’imposer à l’animateur comme moment fort et révélateur de quelque chose que lui-même aurait pu rater. Je remercie mes vieux amis Michel Acacia et Pierre Buteau de l’entrevue qu’ils m’ont accordée sur la signification et les effets de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, le 17 0ctobre 1806. Les propos que je tiens dans les lignes qui suivent ne sont pas les leurs et n’engagent que moi, mais leurs réflexions m’ont ouvert des pistes.
On est en droit de se demander pourquoi de nombreux discours sur le 17 octobre ont cherché chez Dessalines les raisons de sa mort. Comme si la victime était nommée comme coupable, comme si Dessalines avait, soit par maladresse, soit par entêtement, mérité sa mort. L’on est aussi en droit de se demander pourquoi est-ce que l’on a peur de dire ce que l’assassinat de Dessalines vient interrompre et fonder.
Sans prendre de gants, quant à ce que la mort de l’Empereur vient interrompre, on peut noter qu’il s’agit d’un assassinat, au mieux d’un coup d’état, quant au nombre de personnes impliquées. Haïti n’a pas tué Dessalines. Des individus représentants des intérêts particuliers ont organisé sa mise à mort. Ce n’est pas souvent dans l’histoire, voire dans la vie civile, qu’assassins aient été si mollement accusés. Quelle amitié, quelle mollesse, quelle bienveillance les élites haïtienne ont montré à l’endroit des assassins de Dessalines ! Ce que l’acte est venu interrompre, un pari encore tâtonnant sur l’équité et la construction étatique d’une vision nationale.
Ce que l’acte a fondé, déjà dans ses conséquences immédiates, c’est la bataille pour le pouvoir entre factions de l’oligarchie, et l’option pétionniste ayant historiquement triomphé, dans ses conséquences à long terme, c’est un Etat très peu préoccupé de fixer le cadre politique et éthique de développement d’une société nationale.
Je reviens au mot de Louis-Joseph Janvier selon lequel « il ne lui Dessalines aura manqué que du temps ». Ce temps volé, interrompu, c’est un pays qui l’a perdu. Il faut peut-être se demander, au-delà des conflits de pouvoir, ou dans l’exercice même de ces conflits de pouvoir, quels pouvoirs, quelles visions d’Haïti ont assassiné Dessalines. Son assassinat pourrait être le premier crime politique contre Haïti. C’es peut-être pour cela que les héritiers n’aiment pas trop en parler.


http://radiokiskeya.com/spip.php?article6252

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