Google

vendredi 21 mars 2008

Il était une foire à Belladère

La troisième (3e) édition de la foire binationale écotouristique et de production qui s'est déroulée à Belladère (Département du Centre), du 1er au 16 mars, fut un événement colossal, étourdissant, avec tous les pièges que cela suppose, des ratés et des approximations comme la sonorisation calamiteuse du spectacle inaugural, l'inachèvement du bétonnage de la rue principale, qui a fait de la poussière une donnée envahissante et déplaisante.
Les pièces haïtiennes les unes plus originales que les autres ont dominé l'exposition (Photo: François Louis)
Plusieurs pavillons, dont certains réservés aux Dominicains, sont restés vides. Cependant, des dizaines de milliers de visiteurs ont parcouru le site spacieux mis à la disposition des organisateurs par le ministère de l'Agriculture et aménagé par des techniciens du ministère de la Planification.
Quotidiennement, une dizaine d'autobus provenant de la République dominicaine ont déversé des écoliers et des étudiants qui, à côté des jeunes de Belladère, de Lascahobas, de Savanette et d'autres localités haïtiennes, ont assisté, à l'auditorium Pedro Mir-Jacques Roumain, aux nombreuses conférences présentées par des spécialistes des deux côtés de la frontière : économistes, agronomes, écologistes, historiens, statisticiens, fonctionnaires, élus, etc.
Les principaux axes thématiques étaient : les relations haïtiano-dominicaines, la gestion de l'environnement, plus particulièrement des bassins versants et la promotion de l'écotourisme.
Sans entrer maintenant dans les détails, nous pouvons dire que ces présentations, pour la plupart de très haut niveau, ont véhiculé des informations et des connaissances d'un immense intérêt : sur les 30 bassins versants que compte la République d'Haïti 25 sont totalement dégradés ; dans le marché formel, la République dominicaine a exporté en 2007 pour plus de 155 millions de dollars de produits divers en Haïti alors qu'Haïti n'a exporté vers la république voisine que pour 11 millions ; l'écotourisme est un instrument efficace pour le développement durable des deux pays.
Les pièces haïtiennes les unes plus originales que les autres (Photo: François Louis)

Malheureusement, les conférences aussi intéressantes fussent-elles n'ont pas attiré la même foule que les manifestations festives et culturelles qui se tenaient tous les soirs de 6 heures à 11 heures, et même au-delà à l'amphithéâtre Dumarsais Estimé. Entre 5 et 8,000 personnes étaient régulièrement présentes pour assister aux prestations d'artistes et de groupes haïtiens et dominicains (danse, théâtre, musique) avec des records d'affluence pour les soirées des 8 et 9 mars animées respectivement par l'Orchestre Tropicana d'Haïti et Racine Mapou de Azor, entre autres.
Durant ces seize jours, l'atmosphère était empreinte de joie et de convivialité.
L'artisanat jacmélien était présent à la troisième édition de la foire binationale écotouristique et de production (Photo: François Louis)
Cette troisième foire binationale, organisée par la Fundacion Sciencia y Arte (R.D) la FONDTAH et Sant Pon Ayiti (Haïti) avec l'appui des gouvernements haïtien et dominicain, a montré que la frontière n'est pas une simple ligne de démarcation, mais avant tout un espace de rencontres, d'échanges commerciaux, culturels et même plus.La petite commune frontalière de Belladère (70.000 habitants, sections communales comprises) a vécu une quinzaine d'effervescence et d'euphorie, malgré quelques mécontentements et quelques déceptions.
La cité construite par Dumarsais Estimé en 1948 n'est que l'ombre d'elle-même. Les travaux de restauration des édifices publics traînent inexplicablement. Les camions et autres véhicules qui assurent l'intense trafic vers Elias Piñas soulèvent des vagues de poussière qui souillent les choses et les êtres causant des grippes et autres maladies. Et pire encore, tout alentour, les mornes sont totalement dépouillés, érodés par le déboisement et le brulis, entre savoir-faire archaïque et laisser-faire démagogique.
Malgré tout, Belladère offre l'aspect d'un village accueillant, habité par des gens sains et beaux, baigné par divers cours d'eau qui dessinent quelques-uns des plus beaux sites naturels du pays comme la source Onde Verte, le barrage de Ti Priz, Agua Bandite, Roye Mate, etc. Un circuit écotouristique capable d'émerveiller les visiteurs les plus exigeants et que la FONDTAH (Fondation pour le développement du tourisme alternatif en Haïti) se propose d'aménager et de promouvoir avec la participation des autorités et des groupes locaux.
Altagrace Taujour de Altagrace Production estime que la participation dominée par des jeunes dominicains et des locaux n'a pas été profitable aux exposants (Photo: François Louis)
La troisième foire écotouristique et de production est passée et Belladère attend, après l'électricité qui est revenue après plus de trois ans d'absence, l'asphaltage de la route jusqu'à Lascahobas et jusqu'à Elias Piñas, la construction du complexe frontalier de Les Cachimans, l'ouverture d'un centre de lecture et d'animation culturelle, la création d'un centre de formation binational, un lycée plus décent, etc. Dans la versification moderne, chez un poète comme Aragon, foire peut rimer sans problème avec espoir.
Marc ExavierRéseau

Aucun commentaire: