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jeudi 24 janvier 2008

Quand investir devient un acte patriotique

En Haïti où la couverture forestière est inférieure à 2 %, investir dans l'exploitation et la commercialisation du lignite comme substitut du charbon de bois, en plus d'être rentable, devient un acte patriotique.
Les mornes chauves qui représentent 2/3 du territoire national ressemblent de plus en plus à des cadavres en putréfaction avancée. Balayés par les averses, ils ne retiennent plus la terre arable dont environ 1600 tonnes métriques s'en vont, chaque année, détruire les plantations, la faune aquatique des littoraux et véhiculer conjonctivite..., pathologies pulmonaires dans les bidonvilles surpeuplés.

Et pour se donner bonne conscience... on répète à qui veut l'entendre, et surtout aux paysans, que les prélèvements de bois de feu ont entraîné la réduction du couvert forestrier qui, de 60% en 1923, est passé à 18% en 1952 et à 1,44% en 1989*. Cloués au pilori à cause de la dégradation de l'environnement, ces derniers n'attendent pourtant- dans le pays en dehors séculairement oublié- que des alternatives énergétiques et économiques afin de cesser de penser et d'agir comme des individus arpentant le couloir de la mort au quotidien, des individus vivant chaque jour comme si c'était le dernier en regardant horrifiés la famine tenailler leurs enfants qui risquent aussi, comme c'était le cas aux Gonaïves, à Fonds-Verrettes et à Mapou, d'être emportés par des inondations.
« On sait qu'il y a urgence et on travaille en vue d'offrir une alternative au charbon de bois et au bois de feu pour sauver ce qui nous reste de forêts », confie l'ingénieur Jean-Marie Claude Germain, ministre de l'Environnement. « Une délégation composée de cadres du ministère et du Centre de Facilitation des Investissements (CFI) vient de séjourner à New York pour présenter nos potentiels énergétiques aux compatriotes de la diaspora comme le lignite ». Il enchaîne en informant de la tenue prochaine, en Haïti, de réunions de travail avec des hommes et des femmes pour les sensibiliser sur la rentabilité de tout investissement dans le domaine.
Composé de 70 % de carbone, le gisement du lignite de Maïssade (Plateau Central) est estimé à 9 millions de tonnes métriques tandis que celui de l'Azile (Les Nippes) n'est pas encore quantifié. La seule ombre au tableau, selon des experts allemands qui ont étudié ce gisement en 1980 était son importante teneur en soufre. Toutefois, les progrès scientifiques et techniques permettent de surmonter cet obstacle par la pyrolyse*, se réjouit le ministre de l'Environnement.
Il estime que l'on parviendra à la création d'usines pour exploiter ces ressources naturelles susceptibles de réduire la demande en charbon de bois et, par voie de conséquence, la pression sur nos forêts. « Une fois l'alternative offerte, des dispositions seront prises pour bloquer le commerce de charbon de bois. Sur les routes et dans les ports de cabotage, des mesures coercitives seront prises contre les contrevenants », réitère M. Germain, en référence à un précédent entretien sur la question en été 2007.
Comme un prophète, il souligne que « sans la reforestation ou le reboisement des 30 bassins versants stratégiques, le pays est appelé à disparaître ». Ce qui n'est pas une prévision alarmiste quand on sait que la production agricole locale a, au cours des dix dernières années, décru, entre 0,5 et 1,2 % sur fond de crise alimentaire qui dévient de plus en plus sévère.
Jean-Marie Claude Germain, avec son bâton de pèlerin, prêche en faveur d'une exploitation intelligente des ressources énergétiques qui peuvent servir d'alternative au charbon de bois. Cependant, plus d'un espère qu'il n'est pas en train de s'égosiller, de s'époumoner dans le désert en démontrant les liens existant entre réhabilitation de l'environnement et réduction de la pauvreté. En Haïti en effet, nous n'avons pas ou avons perdu le sens de l'investissement rentable et citoyen.
*Document Stratétégique pour la réduction de la pauvreté.**Pyrolyse: Décomposition chimique obtenue par chauffage.
Des études réalisées par le Bureau des Mines et de l'Energie estiment (BME) à 53.300 le nombre d'arbres abattus chaque année pour faire fonctionner les « guildives » et les distilleries.

Les petits restaurants qui pullulent dans la capitale et les villes de province consomment près de 250.000 tonnes métriques de charbon de bois sur la même période. Les départements du Nord-Ouest, de l'Ouest et du Centre qui fournissaient au pays le gros de la consommation du bois-énergie sont, depuis quelque temps, à court de ressources.
Les exploitants mettent le cap sur les départements du Sud-Est et de la Grand'Anse. « 72 % des besoins énergétiques primaires à haute teneur en biomasse proviennent du bois transformé en charbon ou utilisé directement comme bois de feu », relate-t-on dans une récente publication du BME sur la substitution du charbon de bois en Haïti. Dans la majorité des cas, cette énergie est utilisée pour satisfaire des besoins primaires, notamment la nourriture.
Différentes études menées sur le comportement des ménages révèlent que 90 % de la population haïtienne utilisent le bois-énergie pour la cuisson. Une enquête menée par l'Institut haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), reprise par le Bureau des Mines et de l'Energie (BME) sur les alternatives au charbon de bois, révèle que les habitants de Port-au-Prince utilisent près de 84,6% de charbon et de bois de feu rien que pour la cuisson.
Dans les zones rurales, l'exploitation est encore plus grande. Le nombre des consommateurs du bois-énergie s'estime à 98,1 %. Selon des spécialistes de l'environnement, la coupe effrénée du bois est une activité rentable. En 1985, un sac de charbon coûtait environ 24 gourdes tandis qu'aujourd'hui, il oscille entre les 500 et 600 gourdes. L'alternative au charbon de bois n'a pas fait long feu, à cause notamment de problèmes d'investissements, de transformation et de commercialisation.
Roberson Alphonse

robersonalphonse@yahoo.fr
Commentaires:
On se demande toujours pourquoi les grands problèmes du pays sont traits avec cette crasseuse indifference de la part de nos dirigeants.
Aujourd’hui, moins de deux pour cent de couverture végétale pour un pays comme Haïti ce n’est pas si grave. Le seuil de l’alarme (moins de zéro) n’est pas encore atteint. De toutes les façons nos dirigeants ont soit la double nationalité ou gardent leurs familles et leurs investissements au frais, à l’étranger là ou ils sont muselés par les lois qui domine leurs instincts de prédateurs innés.
De 18% en 1952 à 1.44% en 1989 (aujourd’hui sûrement inestimable !) il y a eu beaucoup de gouvernements : des dictateurs sanguinaires, un prêtre-président- anarcho-populiste, des militaires putchistes…mais les problèmes de l’environnement a toujours été traité à la même enseigne.
C’est trop con car l’industrialisation de la lignite permettrait de rompre définitivement avec ce cercle vicieux qui est incompatible avec la survie du pays. Il en est de même que le traitement des déchets.
Pourquoi, cette diaspora qui se vante de peser si fort dans la balance nationale, cette diaspora qui réclame ses droits politiques ne s’organise pas pour prendre à bras le corps l’industrialisation de la lignite comme substitut au charbon de bois ?

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