Alain de Souza : « Haïti est un anti-dépresseur »
Par Grégory Dédéyan
À se regarder dans un miroir, on est tenté soit de bonifier son image, soit de lui chercher une certaine perfection au risque de devenir narcissique. Dans le regard de l’autre, subjectif certes, les règles sont beaucoup plus dures, les critères mieux établis et les résultats plus équitables. La nouvelle rubrique « Ces étrangers qui nous aiment… ou pas »*, à parution hebdomadaire nous propulse sous le regard de l’autre et veut provoquer s’il le faut une autre manière de nous voir. Se voir à travers les yeux de l’autre, un exercice, un voyage pas toujours agréable parce qu’il s’agit aussi de se mettre en question, de poser des questions et de trouver des réponses. Aujourd’hui, la rédaction du Matin vous propose le quatrième regard : celui d'Alain de Souza.
C’est sur l’invitation de sa tante, installée en Haïti et mariée à un Haïtien, qu’Alain de Souza est venu pour la première fois dans le pays en 1989. Le mari de cette dernière lui avait même proposé de s’installer si le pays lui plaisait.Premier voyage donc et… première installation ! Français de nationalité, ingénieur électricien de formation, il trouve rapidement des clients intéressés par son savoirfaire et par le fait qu’il respecte dans son travail les normes de sécurité et de qualité en vigueur en France. Il a du travail, il s’installe et finit, j’ai envie de dire « très logiquement », par épouser une Haïtienne. Après « trois belles années », il part pour le Canada où l’on demande ses services, revient en Haïti pour encore « deux belles années » avant de retourner en France où des contrats l’attendent. Il est de retour ici depuis 2007.Il s’en va et il s’en vient, Alain de Souza. Il quitte le pays pour des raisons professionnelles et y revient pour des raisons personnelles. C’est qu’il en a toujours la nostalgie. Il faut dire qu’un pays qui vous « impressionne » la première fois que vous le visitez au point de vouloir vous y établir a bien de quoi marquer son homme.Ce sont les paysages en premier lieu avec cette mer qui semble border la montagne, offrant un spectaculaire changement de décor en moins de vingt minutes de trajet. Il parcourt la province, cherchant et surtout trouvant toujours plus de beaux endroits, accessibles et sauvages à la fois. Haïti, à son grand avantage, n’est pas une « little Miami » comme Saint-Domingue, elle est belle et authentique. Si l’on met de côté les nouvelles alarmistes rapportées par les médias, on oublie très vite cette mauvaise image pour vivre une expérience inoubliable. « Haïti est un anti-dépresseur ».
Il faut dire aussi qu’Alain, comme beaucoup sinon tous les étrangers venus en Haïti, a pris cette fameuse leçon locale d’hospitalité et de générosité, surtout de la part des plus démunis, qui vous remet les idées en place et vous rappelle à quel point vous avez des raisons d’être heureux. Alors forcément, les rapports avec les gens diffèrent des autres pays. Même les étrangers y sont autres, plus abordables, plus souriants. Cette ambiance-là, faite de simplicité et de spontanéité dans la joie d’être ensemble, il ne la retrouve nulle part, que ce soit à Paris, en Afrique ou ailleurs.Cet aspect festif culmine dans les fêtes et plus particulièrement lors du carnaval. Le croirez-vous ? Entre le carnaval de Rio, qu’il connaît pour l’avoir pratiqué plusieurs fois, et celui d’Haïti, il préfère le second. À Rio, on danse, on boit, on fait la fête en un mot et cela s’arrête là. En Haïti, on danse, on boit, on fait la fête et il se passe quelque chose en plus. Les masques tombent, les classes se mélangent, les rapports sociaux sont chamboulés : c’est la communion d’un peuple entier. Plus encore, même pour les étrangers à condition qu’ils se prêtent au jeu, c’est la communion de tous les participants qui atteignent un état d’euphorie, une sorte de transe. C’est fraternel et intense au point que l’ « on devient l’âme haïtienne ». Voilà quelque chose de tout à fait unique : l’altérité devient identité, l’étranger se fait haïtien naturellement. Dans ce pays où l’on marque presque sans cesse les différences de classes, de couleur de peau, bref où l’on rappelle toujours des frontières qui ne devraient pas séparer les hommes, les étrangers fusionnent avec le pays, se font presque plus Haïtiens que les Haïtiens... Étrange paradoxe, richesse inouïe si l’on y réfléchit bien.Et cela, il ne faudrait pas le perdre. La situation est difficile et, peutêtre, est-ce une contagion moderne, les sourires commencent à disparaître des visages. Cet Haïtien qui sourit quand il a faim et chante quand cela ne va pas, défiant et vainquant ainsi les obstacles que la vie semble se plaire à accumuler sur son chemin, se fait rare. Aujourd’hui, c’est comme si le ressentiment, la rancœur faisaient finalement surface et prenaient la direction des événements. N’oublions pas cependant que les pays riches d’aujourd’hui sont passés par des moments très difficiles, au niveau de l’économie comme de l’insécurité par exemple. On finit toujours par rebondir. Alain souhaite donc pour 2008 à tous les Haïtiens de garder l’espoir et la confiance : il n’y a pas de raison que la situation ne s’améliore pas. « Après la pluie, vient le beau temps », comme on dit en France.Alain de Souza a travaillé dans le secteur de l’électricité industrielle et domestique en Haïti et à l’étranger. Il s’est aujourd’hui établi à son compte en Haïti.
*Cette rubrique ne vivra qu’à travers vos témoignages, vos anecdotes, votre vécu avec les Haïtiens. Qu’avez-vous aimé ? qu’avez-vous détesté? Vos coups de coeur comme vos coups de gueule pour ce pays, sans langue de bois, nous intéressent. Cette rubrique est à vous, chers amis étrangers. Elle est conçue pour nous chers compatriotes. Qu’elle soit nôtre. Ecrivez-nous à redaction@lematinhaiti.com.vendredi 4 janvier 2008
http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=10447
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
vendredi 4 janvier 2008
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