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mardi 13 novembre 2007

« Nou tout Konte » - Chronique sur Population et DéveloppementHaïti / Environnement : Arrêter la saignée

lundi 12 novembre 2007
P-au-P., 12 nov. 07 [AlterPresse] --- « Les rues se transforment en rivières. Nous avons tout perdu. Trois enfants se débattaient dans l’eau. Un particulier a sauvé l’un d’eux. Ce sauveteur improvisé (ce bon samaritain) a failli se noyer avec les deux autres enfants. Seules des équipes héliportées peuvent évacuer ces gens. Il était 0 heure (minuit) quand les inondations ont commencé. Ceux qui étaient dehors y sont restés. Ceux qui étaient à l’intérieur y sont bloqués ».
Scènes de désolation décrites par des familles sinistrées de Duvivier, une localité de Cité Soleil, après le passage de la tempête tropicale Noël, dans la nuit du 28 au 20 octobre (2007).
Les habitants de Duvivier ainsi que ceux de plusieurs autres zones du plus grand bidonville d’Haïti ont subi les rigueurs (les débordements) de la rivière grise. Celle-ci prend sa source dans l’une des plus hautes chaînes de montagne d’Haïti (le massif de la Selle) et traverse toute la partie Est et Nord de la capitale.
Dans ces localités, des familles entières ont dû se percher sur le toit de leurs maisons pour échapper à la furie des eaux.
À Ganthier, toujours dans le département de l’Ouest, les mêmes images apocalyptiques. Cette fois-ci, ce n’est pas la rivière grise. Mais l’explication (du drame) n’est pas trop différente.
Le maire de Ganthier, Ralph Lapointe, met en cause le déboisement et le non curage de la rivière blanche.
« C’est un phénomène national, le déboisement. Mais à Capois Léger où nous nous trouvons, c’est le curage de la rivière blanche. A bien regarder, vous verrez que la rivière se situe au même niveau que les maisons des gens. Donc, pour que les gens puissent trouver un soulagement, on doit curer la rivière blanche. Sinon, un beau matin, la population et toute cette zone que vous regardez disparaîtront », explique le premier citoyen de la ville.
Le même tableau se donnait à voir à Bréman, une localité du Sud-Est du pays située à deux heures de Port-au-Prince. De nombreux sinistrés ont pu quitter les lieux à bord de canots pilotés par des particuliers.
La rivière « Zoranje » (en français Oranger) – qui traverse le bas de la ville de Jacmel – n’a pas non plus fait de détail. De nombreux petits commerçants ont vu leurs avoirs (et marchandises) partir en fumée.
« Quand je suis arrivé. J’ai vu que mes affaires (mes marchandises) ont été inondées. Alors, je demande aux autorités de dire un mot. Car je paie annuellement la Direction générale des impôts (DGI) », déclare le propriétaire d’un entrepôt.
Un autre commerçant, l’air désabusé, raconte : « Toutes nos marchandises sont perdues. Car, elles ne peuvent pas être réparées. Nous laissons à la population le soin d’en disposer. Nous ne pourrons pas les revendre. Car elles ne sont pas en état ».
Nous pourrions multiplier les exemples vu que (la tempête Noël) a fait plus de dix mille familles sinistrées à l’échelle d’Haïti.
Ces nouvelles inondations surviennent alors que le pays ne s’est pas encore remis des intempéries du début du mois (d’octobre 2007) qui avaient fait une trentaine de morts et des dégâts considérables.
Ce n’est pas un « sort » qu’on a jeté à Haïti. Si nous ne pouvons pas empêcher les ouragans et tempêtes, nous pouvons toutefois faire de la prévention, prendre des dispositions pour en limiter les effets (les dégâts).
Pour l’agronome Jean André Victor, membre de la Fédération des amis de la nature (FAN), l’explication est simple : « Toutes les villes côtières s’adossent à une montagne. Donc, si la montagne se dégrade, il en résulte des problèmes d’écoulement des eaux pluviales, de drainage. Si vous ajoutez à cela la prolifération des bidonvilles dans les mornes et sur les côtes, la situation devient alors plus grave. C’est tout cela que nous avons. Et nous ne réagissons pas ».
Le processus de détérioration de l’environnement d’Haïti (à l’époque Saint Domingue) remonte à la période coloniale. Déjà en 1792, soit trois siècles après la « découverte » de Christophe Colomb, il ne restait plus grand-chose de ces forêts chantées au moment de l’arrivée des européens à Hispaniola.
Cette surexploitation de la terre s’est poursuivie pendant la colonisation française. En outre, l’abattage systématique des arbres achevait cette entreprise de destruction qu’accomplissait la racine de canne dans le sol de Saint-Domingue. Le bois ayant été la seule source d’énergie utilisée à Saint-Domingue pour les multiples cuissons de la canne, les esclaves coupaient les arbres sur ordre de leurs maîtres.
Il faudra aussi mentionner la destruction des multiples forêts, champs de maïs, plantations de canne, de cacao et de café dans le cadre de la lutte contre le système esclavagiste.
Pendant toute notre histoire de « nation libre et indépendante », ce processus de dégradation ne s’est pas arrêté. Et pour cause, le pays compte moins de 2% de couverture végétale, consécutivement à l’abattage systématique des arbres, plus particulièrement dans les mornes (érosion verticale) et les flancs des montagnes (érosion latérale).
Cette situation désastreuse se caractérise par une baisse de la production agricole, la pollution des sources, des inondations, sécheresses, épidémies, pertes des infrastructures et habitats, et même des pertes de vies humaines comme ce fut le cas (ces dernières années) pendant les tempêtes Gordon, Georges, Jeanne, Alpha, Dennis et (ces deniers jours) lors du passage de (la tempête) Noël.
Selon l’agronome Jean André Victor, nous sommes arrivés à un point où c’est seulement une solution globale qui peut freiner la dégradation. Cette solution globale requiert, à son avis, une action sur plusieurs fronts à la fois « et de façon significative sur chaque front ». Jean André Victor rappelle que beaucoup de documents ont déjà été produits sur les problématiques environnementales. « Il suffit de suivre les recommandations », martèle-t-il.
La résolution des problèmes environnementaux en Haïti passe nécessairement par l’éradication de la pauvreté, une maîtrise de la dynamique démographique et la réduction des inégalités.
La matérialisation de tels objectifs exige la mise en œuvre d’une politique de développement qui tient compte de l’intersectorialité des problèmes. La question de population, en tant que problématique transversale par excellence, doit être au centre des politiques nationales. Cela implique la constitution d’un organe stratégique, une sorte de point focal pour la question de population. [vs gp apr 12/11/07 23 :00]
……………
Cet article fait partie d’une série intitulée « Nou tout konte » et réalisée avec le concours du
Fond des Nations-Unies pour la Population (UNFPA). Dans ce cadre, des chroniques radios hebdomadaires sont également diffuées sur Radio Kiskeya suivant l’horaire ci-dessous :
- Mardi, au journal de 6 :00 AM
- Mercredi au journal de 7 :00 AM
- Jeudi au journal de 4 :00 PM
- Vendredi, peu avant le journal des sports (12 :55 PM)
http://www.alterpresse.org/spip.php?article6611

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